Éducation nationale, les « pions » se rebiffent

Par Travailleur Alpin

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Les assistants d’éducation en grève devant le collège de Vizille.

Les « pions » veulent être reconnus pour ce qu’ils sont : ils exercent un métier indispensable à l’éducation nationale qui n’a plus rien à voir avec un emploi que l’on prenait pour payer ses études. Ils seront à nouveau en grève les 19 et 20 janvier.

Le 1er décembre 2020 a été une date his­to­rique pour les assis­tants d’éducation (AED). Ils étaient en grève. Le der­nier mou­ve­ment de ces per­son­nels de l’é­du­ca­tion natio­nale remonte à dix-sept ans. En 2003, ils pro­tes­taient contre la réforme du sta­tut de sur­veillant d’éducation, qui a radi­ca­le­ment chan­gé le métier d’AED.
Ce 1er décembre mar­quait une étape. Elle sera sui­vie de nou­veaux mou­ve­ments de pro­tes­ta­tion : un pré­avis de grève a été dépo­sé pour les 19 et 26 jan­vier.
Ce que reven­diquent les « pions » ? D’être consi­dé­rés comme des per­son­nels à part entière de l’é­du­ca­tion natio­nale. Ils demandent à être titu­la­ri­sés. Aujourd’­hui, on ne peut exer­cer ce métier que pen­dant une période de six ans, consé­cu­tifs ou non. Cette recon­nais­sance passe par une aug­men­ta­tion des salaires, aujourd’­hui très légè­re­ment supé­rieurs au SMIC. Ces sala­riés de l’é­du­ca­tion natio­nale sont les seuls à ne pas rece­voir de primes lors­qu’ils tra­vaillent en zone d’é­du­ca­tion prio­ri­taire : une injus­tice dont ils demandent qu’y soit mis un terme. Enfin, ils reven­diquent un plan de recru­te­ment à la mesure des besoins des éta­blis­se­ments.

La crise sani­taire a cata­ly­sé la colère

La crise du covid n’est pas étran­gère à cette mobi­li­sa­tion. Elle a fait appa­raître le rôle irrem­pla­çable de ces « seconds de cor­dée ». L’assistant d’éducation est un véri­table cou­teau suisse. Il ne fait pas seule­ment de la sur­veillance de récréa­tion et de can­tine. Il gère tout ce qui est du domaine de la vie sco­laire. C’est la pre­mière per­sonne que ren­contrent les parents ou les élèves quand il y a un pro­blème. Que ce soit pour des petits bobo, des bêtises qui valent des ren­vois ou des heures de colles. Il est encore là pour récon­for­ter l’élève en cas de besoin. Sans oublier l’aide au devoir et la sur­veillance de devoirs sur table dans cer­tain éta­blis­se­ment.
Avec la crise du covid, les charges admi­nis­tra­tives ont explo­sé, les petits bobo se sont trans­for­més en virus/cas contact et les sur­veillances des récréa­tions et de la can­tine en véri­fi­ca­tions inces­santes du res­pect du pro­to­cole. Ajou­tons à cela, dans cer­tains éta­blis­se­ments, le rem­pla­ce­ment de cer­tains pro­fes­seurs pour la mise en place de cours en ligne. Les aides aux devoirs ont éga­le­ment pris une ampleur inéga­lée.
Une charge de tra­vail qui explose mais sur­tout des condi­tions de tra­vail plus dif­fi­cile. En effet, les pro­to­coles sani­taires mis en place dans les éta­blis­se­ments sont dif­fi­ciles à faire res­pec­ter, voire qua­si impos­sible dans cer­tain cas, notam­ment en inter­nat.
La crise sani­taire aug­mente une charge de tra­vail qui était déjà trop impor­tante pour les effec­tifs dis­po­nibles. Résul­tat, la vie sco­laire des lycées et col­lèges se retrouve sou­vent en sous-effec­tif pour faire appli­quer cor­rec­te­ment le pro­to­cole.
Alors on se débrouille. La dyna­mique d’équipe pal­lie le manque d’effectifs. Dans cer­tains éta­blis­se­ments où les équipes sont nou­velles, cela relève de l’exploit.
La crise sani­taire montre les limites du sta­tut actuel des AED. Un contrat pré­caire sans ave­nir, mar­qué par la dif­fi­cul­té à trou­ver un emploi après avoir enchaî­né plu­sieurs années de contrats à durée déter­mi­née dans des équipes en sou-effec­tifs.
Titu­la­ri­sa­tion et hausses de salaire paraissent indis­pen­sables pour ces for­çats de l’éducation natio­nale.

Simon Hei­ber

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Un job étudiant qui est devenu un vrai métier

Pion comme on dit par­fois, assis­tant d’é­du­ca­tion (AED) selon l’ap­pel­la­tion actuelle, c’est encore vu comme un job d’étudiant ou un métier trem­plin. Cette image ne cor­res­pond plus à la réa­li­té d’au­jourd’­hui.

La moyenne d’âge d’un AED en France est de 39 ans. Plus on s’éloigne des agglo­mé­ra­tions et plus l’âge moyen des AED aug­mente. Si on sort du centre de l’agglomération, il n’est pas rare aujourd’hui de voir des AED qui ont dépas­sé les 45 ans, voire même de trou­ver des AED qui sont proches de la retraite.

Cette ten­dance mar­quée depuis quelques années est la consé­quence d’un mar­ché de l’emploi tota­le­ment bou­ché. Par­mi les AED, on trouve sou­vent des anciens étu­diants qui n’ont pas réus­si à trou­ver un emploi avec leurs diplômes, des mères céli­ba­taires qui reprennent le bou­lot suite à une sépa­ra­tion ou tout sim­ple­ment la recherche d’un com­plé­ment de reve­nu fami­lial.

Dans le lot des AED, on trouve aus­si un nombre impor­tant de per­sonnes qui veulent pré­pa­rer les concours de la fonc­tion publique. Là encore, l’in­suf­fi­sance du nombre de postes mis au concours ne garan­tit pas une pers­pec­tive d’a­ve­nir.

D’autant plus que le métier d’AED n’offre aucune garan­tie pérenne. Après de six ans d’exercice, les éta­blis­se­ments sco­laires ont l’interdiction de pro­lon­ger le contrat. AED, c’est un emploi que l’oc­cupe un temps, puis auquel on revient au fil des dif­fi­cul­tés ren­con­trées : on peut avoir été AED à 25 ans et retrou­ver ce métier quelques années avant de par­tir à la retraite. Loin de l’emploi que l’on pre­nait pour payer ses études.

 

Un contrat précaire et fourre-tout

Si la loi per­met d’engager un AED en CDD de trois ans renou­ve­lables, dans la majeure par­tie des cas c’est un CDD renou­ve­lable de un an qui est pro­po­sé. Le salaire est un tout petit peu supé­rieur au SMIC. Les contrats sont sou­vent des trois-quart temps ou des mi-temps. Certes l’avantage de ce métier, ce sont les vacances sco­laires.

Mais à quel prix ? L’assistant d’éducation ne compte pas ses heures et toutes ses heures sup­plé­men­taires sont déduites des jours de vacances ou reprises pen­dant les semaines admi­nis­tra­tives, les semaines d’inscription ou de pré­pa­ra­tion à la ren­trée qui sont pro­gram­mées pen­dant les vacances sco­laires.

 

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