Ce moment de solidarité et d’exigences a finalement pu avoir lieu place de Verdun.
A Grenoble, une quarantaine de personnes étaient rassemblées samedi 9 janvier, place de Verdun, dont une partie de la communauté kurde de Grenoble, pour rendre hommage à trois femmes assassinées le 9 janvier 2013 à Paris. De tels rassemblements avaient également lieu à Paris et Marseille notamment.
Le rendez-vous devait avoir lieu rue Félix Poulat, au centre de Grenoble, comme cela se pratique habituellement. Ce qui n’a pas été possible : l’Association iséroise des amis des Kurdes (AIAK) s’en est vue refuser l’autorisation par le directeur de cabinet du préfet. L’autorité préfectorale refuse en effet depuis quelques mois l’autorisation du centre ville pour se rassembler ou manifester.
Un refus assorti de menaces : arrestation de organisateurs, mise en garde à vue préalable à des poursuites judiciaires si le rassemblement était maintenu au centre ville, voire si des militants distribuaient un tract au lieu du rassemblement interdit.
On croit rêver face à ces menaces contre les libertés de manifester ou de défendre une cause par voie de tracts !
Maryvonne Mathéoud, présidente d’AIAK, association ayant appelé au rassemblement, est intervenue place de Verdun pour en rappeler l’objet, la mémoire du meurtre de trois militantes de la cause kurde.
Rechercher et condamner les commanditaires d’un assassinat politique
« Dans la nuit du 9 au 10 janvier 2013, les militantes kurdes Sakine Cansiz, Fidan Dogan (Rojbîn) et Leyla Saylemez ont été retrouvées sans vie, dans les locaux du Centre d’information du Kurdistan, à Paris, froidement exécutées de plusieurs balles dans la tête.
Nombre d’indices révélés par l’enquête, ainsi que des documents divulgués sur internet, ont permis d’établir que l’assassin, Ömer Güney, arrêté quelques jours après les faits, avait agi pour le compte des services secrets turcs (MIT). Les investigations ont par ailleurs révélé, de manière indéniable, l’appartenance du meurtrier à la mouvance des Loups gris, ce mouvement fasciste turc que le gouvernement français a décidé récemment d’interdire, le jugeant « particulièrement agressif, pour ne pas dire plus », suite à des manifestations d’une extrême violence contre la communauté arménienne.
Cependant, en différant le jugement de l’affaire, laissant ainsi mourir le seul accusé, qui serait décédé d’une maladie grave, le 17 décembre 2016, à un mois de son procès, la justice française a manqué une occasion cruciale de juger, enfin, un crime politique commis sur le territoire français !
La promesse du gouvernement de l’époque de faire toute la lumière sur ces assassinats a très vite été jetée aux oubliettes. Toujours soucieuses de préserver leurs relations avec la Turquie, les autorités françaises n’ont même pas eu la décence de recevoir les familles des victimes, ni les représentants de la communauté kurde.
En maintenant l’impunité de ces crimes odieux, la France a permis à Erdogan de poursuivre son infiltration fasciste sur le territoire français, à travers… la création de filiales de l’AKP et la propagation de l’idéologie panturque. Autant de vecteurs d’une ingérence dangereuse que la France, comme réveillée d’un long sommeil, commence tout juste à dénoncer.
Cependant, en continuant à criminaliser les militants politiques kurdes, à travers des poursuites judiciaires ou des mesures administratives aberrantes, la France ne fait que servir les intérêts du fascisme turc et renforcer la position d’Erdogan.
Suite à une plainte déposée en mars 2018 par les familles des trois militantes kurdes, fondée notamment sur des révélations d’agents du MIT, un nouveau juge d’instruction a été saisi du dossier. Nous attendons de la justice française qu’elle ait enfin le courage de juger et condamner les commanditaires de ces assassinats politiques.
Les assassinats de Sakine, Fidan et Leyla sont la manifestation la plus infâme de la force de nuisance acquise par Erdogan sur le sol français, grâce à la politique de complaisance de la France.
Il ne suffit pas d’interdire les Loups gris ou de menacer la Turquie de sanctions qui n’aboutissent pas. Si la France veut lutter contre l’expansion du fascisme turc, elle doit avant tout juger les crimes commis par le régime turc sur le territoire national. C’est la première étape, fondamentale, pour dire STOP à Erdogan.»