Un processus décalé de deux mois par la crise sanitaire mais qui se poursuit : la direction de la mutuelle Adrea souhaite se défaire de la clinique mutualiste de Grenoble avant la fin août. Selon les opposants à la vente à un groupe privé, ce serait justement le groupe Vivalto qui aurait la faveur des pronoctics

Ce n’est pas parce que l’ensemble du personnel est évidemment mobilisé dans la lutte contre l’épidémie que la mutuelle Adrea renonce à son projet de vente de la clinique mutualiste de Grenoble. C’est que qui ressort de la réunion du conseil d’administration de groupe hospitalier mutualiste qui s’est déroulée le 24 avril dernier.

Le calendrier de la vente a évolué, compte tenu de la crise sanitaire. Ce que les directions d’Adrea et du groupe hospitalier mutualiste souhaitaient boucler avant l’été le sera – c’est en tout cas ce qu’indique l’annonce officielle – d’ici la fin de l’été.

Trois candidats ont été retenus. Selon les informations données par le collectif des usagers de la clinique – Adréa n’a pas communiqué les noms des porteurs de projet-, ces trois prétendants seraient les groupes Vivalto santé, Docte gestio et l’AGDUC, association basée à l’hôpital Nord dont l’objet est le traitement de l’insuffisance rénale chronique.

Les promoteurs de la vente envisage donc une remise des propositions des candidats d’ici début juin, le choix par le conseil d’administration de la clinique mutualiste, courant juin, d’un candidat avec lequel des « négociations exclusives » seraient engagées, puis, à l’issue de la consultation des instances représentatives du personnel, de l’autorité de la concurrence et de l’agence régionale de santé, la signature de la vente d’ici la fin de l’été.

Cette réunion du conseil d’administration a également été l’occasion de rendre public le bilan de l’activité 2019 des établissements du groupe hospitalier mutualiste. Sans surprise, ils sont mauvais. « Le déficit du GHM se monte à 3 millions d’euros pour l’année 2019, contre -94 000 euros en 2018. Il est à mettre en regard du niveau d’endettement préoccupant à 23,1 millions d’euros, contre 21,9 millions d’euros en 2018 », précise le communiqué publié à l’issue de la réunion du conseil d’administration. Des chiffres sensés démontrer la nécessite de la vente.

Jean-Philippe Moutarde, en gilet jaune, l’un des animateurs du collectif pour la défense de la clinique mutualiste.

Jean-Philippe Moutarde, l’un des animateurs du collectif de citoyens qui s’est constitué pour donner un avenir à la Mutualiste, relève tout d’abord que cette dégradation est la conséquence directe d’une décision gouvernementale : « Une part non négligeable du résultat négatif 2019 est à imputer à la baisse des tarifs imposée par les pouvoirs publics aux cliniques à but non lucratif ; le déficit représente 3% du budget ». Car les baisses de tarifs imposés aux structures hospitalières – un décret de 2018- pour compenser les exonérations de cotisations sociales consenties aux entreprises ont été plus lourdes pour les établissements de santé privés à but non lucratif; – 2,7%, soit environ deux et trois fois plus que les baisses subies par les hôpitaux publics et les cliniques privées.

Une origine gouvernementale du déficit et une réalité locale. « Depuis des années, la société immobilière qui possède les murs des établissements du groupent hospitalier mutualiste réalise des bénéfices qui peuvent être utilisés pour réduire la dette contractée au titre du fonctionnement des établissements et ainsi réduire les frais financiers de la Mut' », explique Jean-Philippe Moutarde. Opération réalisable quand on sait que l’actionnaire principal de cette société immobilière, la SCIMI, est Adrea.

Dans ce contexte, et même si l’épidémie en cours ne permet pas aux personnels de se consacrer à autre chose qu’aux soins ni aux membres du collectif pour la défense de la Mut’ de faire entendre leurs analyses, il n’en reste par moins que la mobilisation reprendra dès que possible : « pour nous, il est évident que le pire serait la vente à un groupe privé lucratif », souligne Jean Philippe Moutarde qui indique que « des actions en justice sont prévues d’une part au motif d’un processus de vente qui se déroule dans des conditions contestables et d’autre part sur la nature du mécanisme qui, en transférant les bénéfices de l’exploitation à une société immobilière, organise les difficultés budgétaires du groupement mutualiste ».

Pour l’heure, c’est selon le collectif le groupe Vivalto qui tiendrait la corde. « La direction de la Mut en fait, sans complexe, la promotion dans les couloirs et bureaux de notre hôpital », s’indigne Jean-Philippe Moutarde. Un groupe cité par Maxime Renahy dans son livre Où va l’argent, à propos d’un d’un déplacement d’Emmanuel Macron aux Emirats arabes unis au cours duquel il était question de contrats militaires et de santé avec le groupe Vivalto.

Jean-Philippe Moutarde précise également que « Vivalto annonce fièrement une marge à 12% sur son rapport d’activité 2018. Soit une ponction de près de 20 millions d’euros par an sur un établissement comme le GHM… soit sept fois le déficit 2019 annoncé comme ingérable par Adréa.
Vous imaginez ce que cela signifie : réduction du personnel soignant, disparition de certaines prestations et mise à mal de certains services (maternité, urgences, oncologie ?) ou basculement vers un CHU déjà à l’asphyxie… Prenons l’exemple de l’hôpital Confluent à Nantes, passé sous pavillon Vivalto, depuis quelques années. Pour un service d’urgences équivalent (30 000 passages par an), l’équipe compte dix médecins contre dix-huit actuellement au groupement hospitalier mutualiste de Grenoble ».

Dans l’immédiat, le collectif compte réinterroger l’agence régionale de santé sur ses responsabilités pour défendre l’acquis de la MUT.
Il s’appuiera sur les engagements de la ville de Grenoble, de la Métro (qui peuvent user de leur droit de préemption sur les bâtiments) pour garantir une reprise par le secteur à but non lucratif. Au début de l’année, la municipalité de Grenoble avait adopté un voeu « pour que la cession de la Mut’ se fasse à un acteur du secteur privé non lucratif. » Eric Piolle, maire avait déclaré : « nous activons tous les réseaux . Nous sommes dans le combat car ADREA, propriétaire du GHM, veut céder au plus offrant ».

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