ST Micro, ce que dit l’inspection du travail

Par Luc Renaud

/

Image principale

Dans un rapport publié le 27 avril, l’inspection du travail s’inquiète des conditions dans lesquelles le nombre de salariés pourrait augmenter sur le site de Crolles. Sachant que tout est loin d’être parfait aujourd’hui dans la prévention de l’épidémie.

« Au total, l’entreprise n’a pas mis en œuvre l’ensemble des mesures de pré­ven­tion néces­saires pour faire bais­ser au niveau le plus bas pos­sible les risques de conta­mi­na­tion au Covid 19. » C’est ce que l’on peut lire dans un rap­port de l’ins­pec­tion du tra­vail daté du 27 avril. Il concerne le site ST Microe­lec­tro­nics de Crolles.

Non que rien n’ait été fait. Depuis la pro­cé­dure de dan­ger grave et immi­nent lan­cée par notam­ment la CGT le 18 mars der­nier, de nom­breuses mesures de pro­tec­tion ont été prises. Le rap­port en fait men­tion. Ain­si par exemple de  » la mise à dis­po­si­tion de masques chi­rur­gi­caux pour l’ensemble du per­son­nel à par­tir du 30 mars puis l’énonciation de son carac­tère obli­ga­toire dans cer­taines zones du site à comp­ter 6 avril 2020 « .

Mais l’in­quié­tude de l’ins­pec­tion du tra­vail repose sur deux points. Cer­taines pré­cau­tions qui font défaut aujourd’­hui encore et — et peut-être sur­tout — le déve­lop­pe­ment des risques qu’en­traî­ne­ra l’aug­men­ta­tion du nombre de tra­vailleurs sur le site. Car la direc­tion ne fait pas mys­tère de son sou­hait d’ac­croître la pré­sence des sala­riés.

Restauration, nettoyage, heures supplémentaires…

Du côté de ce qui ne va pas — à la date de la rédac­tion du rap­port -, on note­ra l’or­ga­ni­sa­tion de la res­tau­ra­tion :  » les dis­tances de sécu­ri­té appa­raissent insuf­fi­santes à sup­pri­mer les risques géné­rés par le regrou­pe­ment de per­son­nel sans masque pen­dant une tren­taine de minutes. » Autre exemple, celui du net­toyage des bureaux. Sa fré­quence a aug­men­té. Le rap­port n’en relève pas moins « le retard pris dans la mise à jour des plans de pré­ven­tion des équipes de net­toyage (datés de début avril) » ou encore que « pour cer­tains équi­pe­ments, comme les postes infor­ma­tiques en salle blanche, aucune orga­ni­sa­tion sys­té­ma­tique de net­toyage entre deux sala­riés n’a été mise en œuvre ».

Ce qui ne va pas, ce sont aus­si des insuf­fi­sances du point de vue de l’in­for­ma­tion. Comme sur la défi­ni­tion des per­sonnes qui ne doivent plus accé­der au site après avoir été mises en contact avec le virus, les « cas contact ». La défi­ni­tion de la « mise en contact » que ST Micro a trans­mise à ses sous-trai­tants n’est pas conforme à celle du Haut conseil de la san­té publique : le rap­port invite donc l’en­tre­prise à « effec­tuer rapi­de­ment une infor­ma­tion rec­ti­fi­ca­tive aux entre­prises exté­rieures, socié­té d’intérim com­pris ».

Pré­ci­sion régle­men­taire encore en ce qui concerne le temps de tra­vail. Aujourd’­hui, des sala­riés prennent leur poste, volon­tai­re­ment, une ving­taine de minutes en avance pour évi­ter les contacts à l’en­trée. Or ces sala­riés n’ont pas la pos­si­bi­li­té de quit­ter le tra­vail en avance. L’ins­pec­tion du tra­vail s’in­ter­roge : ces heures sup­plé­men­taires sont-elles effec­ti­ve­ment comp­ta­bi­li­sées et seront-elles payées comme telles ?

Ce sont aus­si les moda­li­tés d’une reprise du tra­vail pour un plus grand nombre de per­son­nels dans un ave­nir proche qui pré­oc­cupent l’ins­pec­tion du tra­vail. A par­tir d’un simple constat : plus nom­breux sont les sala­riés pré­sents sur le site, plus les risques sont impor­tants.

Le problèmes des contacts à la prise de poste

D’où l’im­pé­ra­tif d’une géné­ra­li­sa­tion, autant que faire se peut, du télé­tra­vail. De ce point de vue, des pro­grès sont encore à faire : dans cer­tains ser­vices, notam­ment liés à la fabri­ca­tion, des cadres imposent une pré­sence à Crolles qui pour­rait être évi­tée. Or le télé­tra­vail, quand il est pos­sible, demeure un axe de lutte contre l’é­pi­dé­mie.

La mon­tée en puis­sance de la pro­duc­tion dans les semaines à venir pose de façon accrue le pro­blème de la dis­tan­cia­tion sociale. Le pro­blème se pose plus par­ti­cu­liè­re­ment au niveau des accès en salle blanche, sachant que la direc­tion indique que le nombre de tra­vailleurs dans ce cas est en phase d’aug­men­ta­tion. A ces postes de tra­vail, les sala­riés sont équi­pés de gants, com­bi­nai­son, cagoule, sur-chaus­sures… Les enfi­ler à l’en­trée et s’en défaire à la sor­tie, cela prend du temps, dans des espaces étroits où la dis­tan­cia­tion n’est pas aisée. Le rap­port constate l’ab­sence « d’é­che­lon­ne­ment des heures de prise de poste mal­gré » des demandes en ce sens déjà for­mu­lées par l’inspection du tra­vail. Ce qui implique que plus d’une cen­taine de per­sonnes se croisent dans un temps court et que ce nombre devrait aug­men­ter dans les semaines qui viennent. D’où la demande réité­rée d’une modi­fi­ca­tion de l’or­ga­ni­sa­tion du tra­vail.

La rapidité de la reprise

Le rap­port évoque encore l’in­suf­fi­sance des dis­po­si­tifs de pro­tec­tion dans cer­taines situa­tions de tra­vail, les consé­quences d’une inten­si­fi­ca­tion du tra­vail pour les effec­tifs pré­sents, la réor­ga­ni­sa­tion de la res­tau­ra­tion…

Bref, il y a encore du pain sur la planche. De quoi en tout cas jus­ti­fier les craintes expri­mées par la CGT quant à la rapi­di­té avec laquelle la direc­tion de ST Micro sou­haite orga­ni­ser le décon­fi­ne­ment.

Partager cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *