Un 17 octobre sous le signe de l’actualité algérienne et kurde
Par Edouard Schoene
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L’hommage, le 17 octobre à Grenoble aux manifestant.es algériens tués le 17 octobre 1961 à Paris a rassemblé plus de 200 personnes.
Ce rassemblement (depuis plus de 30 ans !) a lieu depuis 2016 à côté de la plaque commémorative posée par la ville de Grenoble, « geste d’engagement et de solidarité que trop peu de villes ont fait ». Le collectif organisateur regroupe dix associations tandis que trente-trois associations, syndicats, partis appelaient à ce rassemblement/manifestation, fait rare en France.
Mariano Bona, « Algérie au cœur », au nom du collectif des organisateurs, soulignait en introduction :
« 17 octobre 1961 : alors qu’un couvre-feu raciste est imposé en région parisienne aux «Français musulmans algériens», le FLN appelle les Algériennes et les Algériens, majoritairement confinés dans des bidonvilles de l’agglomération parisienne, à manifester massivement et sans armes, pour dénoncer ce couvre-feu et affirmer le droit du peuple algérien à l’indépendance.
Face à cette manifestation pacifique, où beaucoup étaient venus endimanchés, en famille avec leurs enfants, les forces de police de Maurice Papon ont répondu avec brutalité à coups de matraques, à coups de crosse, fusillades, balancement des vivants, des blessés, des morts par-dessus les ponts de la Seine, dans les rues avoisinantes et les bouches de métro. Un véritable carnage. Entre 200 et 400 morts, on ne saura jamais le nombre exact.
Après ce tragique octobre 1961, une chape de plomb s’était abattue sur ce massacre, le gommant des consciences, jamais mentionné, jamais enseigné. Il a fallu le travail courageux d’historiens comme Jean-Claude Einaudi, l’auteur de la Bataille de Paris pour que cette chape se fissure. Il a fallu l’activité de collectifs militants et les manifestations obstinées qui année après année, réclamaient que l’exigence de vérité grandisse dans notre pays. »
Puis élément important de ce rassemblement depuis plusieurs années, l’intervenant soulignait le lien avec le présent
« Cet hommage ne serait pas complet si on ne faisait pas le lien avec notre présent, car les motivations des manifestantes et des manifestants du 17 octobre 1961 sont d’une brûlante actualité.
La répression meurtrière exercée par la police contre la manifestation du 17 octobre 1961 nous interpelle sur la violence actuellement utilisée contre les mouvements sociaux, provoquant des blessés graves et même des morts. Nous ne devons pas nous accoutumer à cela. La tragédie du 17 octobre 1961 montre jusqu’où peut conduire la raison d’État.
Il n’y a pas de paix durable sans le respect de la volonté des peuples.Le refus d’entendre l’aspiration légitime du peuple algérien à maîtriser son destin a conduit à une guerre cruelle, dont le prix humain et matériel fut considérable. Ce qui se passe en Syrie en ce moment doit interpeller toutes les consciences. C’est une agression contre un peuple qui se bat avec un courage inouï pour son existence. Il faut agir pour faire cesser l’agression militaire contre la Syrie, notamment contre le peuple kurde. »
« Depuis le 22 février 2019, sur l’ensemble du territoire algérien, le peuple s’est levé en masse et pacifiquement, pour en finir avec la corruption et obtenir des changements politiques et sociaux. Jeunes, femmes, étudiants…. progressistes et démocrates, manifestent pour une nouvelle société plus libre, plus démocratique et plus juste.
La jeunesse algérienne n’est pas oublieuse de son Histoire et s’inscrit dans la continuité du mouvement de libération de l’Algérie. Les questions soulevées par ce mouvement ne se résoudront pas par la répression, mais par la pleine prise en compte des demandes du peuple algérien.
Nous appelons à être solidaires du peuple algérien dans son combat démocratique. »
Bernard Macret, adjoint aux solidarités internationales, excusait le maire de Grenoble, Bernard Piolle (présent à la commémoration à Paris) et s’adressant aux manifestants soulignait :
« La France a le devoir de faire face à son histoire, y compris aux pages les plus sombres. La lumière doit être faite sur le 17 octobre 1961 et sur les jours qui ont suivis. …Je veux saluer la force de cet engagement qui n’a jamais faibli, comme la mobilisation du collectif, des associations et de toutes celles et ceux qui ont rejoint le mouvement pour dire : nous voulons que l’état Français reconnaisse pleinement sa responsabilité dans ce massacre. … La démocratie est belle et forte quand elle se construit sur la vérité.
Je sais que nous pouvons compter sur vous pour poursuivre cette mobilisation pour la justice et la vérité. »
Trois gerbes étaient déposées, par le collectif des organisateurs, les élus de Grenoble, le consulat d’Algérie représenté notamment par M. Khiyar, consul adjoint.
Mme Claire Kirkyacharian représentait le président de la Métro.
D’autres élus de l’agglomération étaient présents parmi lesquelles Mme Madrennes, adjointe d’Echirolles
Une minute de silence a été respectée.
La chorale « Les Barricades » a interprété 17 octobre 1961 sur l’air du chant des partisan et Mine Djibalina repris par les présent.es, ce qui a été moment, empreint d’émotion.
Les manifestants se sont ensuite rendu en cortège jusqu’à l’Isère où les fleurs ont été jetées dans la rivière.