Municipales. Quand les citoyens s’en occupent
Par Luc Renaud
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Nous sommes dans le vif du sujet : la campagne des municipales est lancée. Depuis déjà plusieurs mois dans certaines communes. C’est le cas à Vizille et Pont-de-Claix où les listes conduites par Bernard Ughetto et Simone Torres ont engagé le débat avec la population. Comment et sur quels thèmes ? Reportage.
« L’avenir de la gauche et de Vizille est entre tes mains. » Extrait d’un texto. Son heureux destinataire n’est autre que Bernard Ughetto, chef de file de la liste « Vizille debout, unie et solidaire ». Et son auteur est un conseiller municipal qui siège dans la majorité de 2014. Il termine son message par un vigoureux « si tu as besoin d’aide, compte sur moi ». Des témoignages de ce genre, il en est d’autres. A l’office municipal des sports, dans les associations de quartier, les clubs sportifs… « J’entends souvent ‘‘tu es candidat, on voudrait te voir, il faut qu’on discute » », témoigne Bernard Ughetto. Ce qui motive cet allant, ce sont les Vizillois qui le disent : « tu es humain, tu est près des gens, tout le contraire de la municipalité actuelle ». Un SMS, là encore.
Et un point commun avec la campagne en cours à Pont-de-Claix, sans doute. Là, les communistes consultent. Un questionnaire a été édité pour demander leur avis aux Pontois. « Dans notre commune, l’abstention est traditionnellement massive, y compris au premier tour de la dernière élection municipale où elle dépassait 50 %, constate Simone Torres, cheffe de file de la liste Reprenons la parole, il faut prendre en compte ce divorce entre les habitants et leurs élus ». D’où l’idée de demander leur avis aux Pontois sur ce qu’il faut faire, la définition des priorités. Tout y passe : la gratuité des transports, la propreté urbaine, les crèches, l’emploi… « Nous souhaitons mieux connaître ce qui est prioritaire dans les préoccupations de nos concitoyens, note Simone Torres, ce qui nous donnera des informations précieuses pour élaborer notre programme et poursuivre les débats ». Un samedi matin, le 7 septembre, près d’une centaine de questionnaires ont été remplis. Près d’une centaine de débats d’un quart d’heure, aussi. Et c’est bien de cette reconquête de la parole des Pontois dont la commune – et la gauche – a aujourd’hui besoin.
A Vizille, la campagne se déroule dans un autre contexte. Celui des feux de Jarrie. Car il faut habiter à Vizille – en Matheysine ou dans l’OIsans – pour mesurer la dimension prise par les embouteillages causés par la mise en place des feux de l’auto-pont de Jarrie. Résumons. La préfecture a décidé, arguant du risque industriel, d’empêcher les véhicules de stationner sur le pont, au droit des usines. Un feu se met au rouge quand il y a trop de voitures sur le pont – en fait, il semble bien que la régulation fonctionne mal. « Ce qui est invraisemblable, s’indigne Bernard Ughetto qui a travaillé à la plateforme chimique de Pont-de-Claix, c’est d’imaginer que le nuage de chlore va lui aussi s’arrêter au feu rouge ».
Les jeunes du rugby partagent sur les réseaux
Pendant l’été, les communistes vizillois et les membres du comité de campagne que dirige Christian Fayolle ont distribué un tract et multiplié les rencontres pour informer la population sur l’ineptie de la régulation actuelle. Une réunion publique a été organisée le 13 septembre, en présence du sénateur Guillaume Gontard, avec une exigence : l’amélioration de la situation entre l’aval de Champagnier au nord et l’amont du Péage-de-Vizille au sud. Avec aussi une mise en garde : « pas question que le projet d’aménagement du rond-point de Vizille – avancé comme micro-solution du problème – détruise une portion de voie ferrée ; tout comme il est inimaginable que le préfet exclut d’augmenter le nombre de trains entre Grenoble, Vif, ou Vizille pour le tram-train ». D’ores et déjà dans le concret avec de futurs élus qui défendent l’intérêt général, comme ils sont là depuis longtemps pour la CPAM ou la poste au Péage-de-Vizille…
Toutes choses qui vont être mises noir sur blanc, en forme de programme municipal. « Les discussions que nous avons, des groupes de travail vont plancher dessus pour formaliser tout ça », précise Bernard Ughetto. Sans oublier les réseaux sociaux – un carton, au club de rugby notamment – où des vidéos ont déjà plusieurs milliers de vues, les sites internet…
La campagne se poursuit avec une volonté, celle de rassembler. « A Pont-de-Claix, nous voulons tisser des liens nouveaux entre les quartiers, entre les anciens Pontois et les nouveaux arrivants, entre la ville et la plateforme chimique, indique Simone Torres, nous voulons recréer ce lien par le débat comme nous voulons construire une liste de large rassemblement avec l’ensemble des forces de gauche qui se retrouveront dans le projet que les Pontois sont en train d’élaborer ». Et la prochaine étape, ce sera donc la restitution publique des demandes aujourd’hui formulées par la population.
Sans oublier la vente de fruits et légumes solidaire. Du concret et du contact, toujours.
Quand une ville sait ce qu’elle veut (et ne veut pas)
À Échirolles, des citoyens ont pris la parole. Pour s’occuper de la campagne électorale. En affirmant leur soutien à Renzo Sulli.
Tout a commencé ce printemps. Des responsables d’associations dans différents domaines, des amis, des connaissances – à Échirolles, tout le monde se connaît… –- ont voulu faire quelque chose. Leur point commun ? Un double souci. Que leur ville ne tombe pas aux mains du RN. Et que la gauche se présente unie autour de Renzo Sulli, leur maire.
Une volonté qui s’est concrétisée par une pétition qui recueilli cinq cents signatures. Deux réunions ont rassemblé une centaine de personnes, en juin puis en septembre –- la dernière en présence de Renzo Sulli permettant ainsi des échanges directs. Avec des décisions concrètes : des groupes de travail thématiques seront constitués pour contribuer à l’élaboration du programme du prochain mandat. Un très beau cadeau, que cet engagement. « Nous sommes naturellement très heureux de cette initiative, commente Amandine Demore, secrétaire de la section communiste et adjointe au maire, elle montre combien les Échirollois sont attachés à une municipalité à gauche, toujours à leur écoute, où la concertation est une évidence. »
500 signatures pour dire le futur d’Échirolles
Cette aspiration de la base, les communistes souhaitent la concrétiser par une liste à la hauteur de cette ambition. Outre les citoyens de ce collectif, « nous sommes en contact avec les forces de gauche de la commune, les Verts, le PS, la France insoumise de Zaim Bouafs, Ensemble… pour constituer un beau rassemblement des forces progressistes et citoyennes », indique Amandine Demore.
À Échirolles, la campagne est lancée. À l’initiative des Échirollois.
Trésor public
Débattre et agir, la période s’y prête. Il y a de quoi faire. La réorganisation territoriale – comme il disent pour signifier fermeture – prévoit la disparition de la trésorerie à Échirolles. Les communistes vont faire signer une pétition pour en informer la population, pour commencer. Toujours sur le terrain, ils ont organisé début octobre une vente solidaire de fruits et légumes. Toutes occasions de rencontrer, de discuter, d’écouter… et donc aussi d’évoquer l’échéance municipale.
14
novembre
Ce sera la première d’une série de trois réunions au cours desquelles le bilan de mandat sera présenté. Les deux autres auront lieu les 21 et 28 novembre, toujours à 18 heures. Elles se dérouleront dans chacun des trois pôles de la ville, l’Ouest, le centre et la Ville-Neuve. Un document récapitulatif de ce bilan sera disponible début novembre.
Projet
Ce que sera Échirolles dans les années qui viennent, cela se réfléchit maintenant. Des ateliers se réunissent. Pour Amandine Demore, « la priorité, c’est sans doute la lutte contre le changement climatique et l’adaptation à la montée des températures d’ores et déjà inéluctable ». Comment le faire à l’échelle d’une ville ? Question ouverte dans tous les domaines. La tranquillité publique avec la stratégie de la proximité ; les transports avec la restructuration de la rocade liée aux travaux du Rondeau ; des rythmes scolaires adaptés aux familles ; la solidarité, toujours au cœur de l’action municipale , la rénovation de l’habitat , le grand projet au nord de la rocade qui prévoit l’implantation d’emplois… Des pistes ouvertes. Et en cours de débat pour être précisées dans l’écriture d’un projet partagé.
Des listes dans lesquelles les citoyens engagés puissent se reconnaître
La clé du succès pour les prochaines municipales ? Le rassemblement sur des bases claires. Entretien avec Jérémie Giono, secrétaire départemental du PCF.
La proximité, bien sûr. Mais bien au-delà. « Les élections municipales, c’est le choix entre des services à la population entre les mains des groupes financiers comme source de profits, ou des services publics qui répondent aux besoins », souligne Jérémie Giono, secrétaire départemental du PCF. Un enjeu de la lutte des classes de notre temps, en somme.
Ainsi de la métropole grenobloise. Ce sont « des transports publics, une gestion des déchets, du chauffage urbain, de l’eau, du logement… plusieurs centaines de millions d’euros qui échappent à Véolia et consorts ». Et c’est naturellement aussi la question posée dans les territoires où la droite règne sans partage.
Gagner, est-ce possible ? « Regardons ce qui s’est passé », propose Jérémie Giono. 2017, c’est l’année du « nouveau monde ». « La désillusion d’aujourd’hui – le nouveau, c’est l’ancien en pire – accroît la défiance vis-à-vis de toutes les promesses. » Dans cette situation, « la gauche peut relever la tête, d’autant que l’élection municipale a cette particularité que les citoyens connaissent ceux pour qui ils vont voter ». Relever la tête, à condition que « le débat soit engagé avec les populations, qu’il soit sincère, que tous les citoyens – ils sont nombreux – qui s’investissent ici pour la gratuité des transports, là pour la vie associative, l’action syndicale ou le climat se retrouvent, se reconnaissent dans des listes rassemblées ». Bien au-delà d’une collection d’étiquettes. C’est pourquoi « nous avons lancé le débat dans les communes avec des questionnaires, des rencontres, des consultations sur ce que les citoyens attendent d’une équipe municipale ».
Ce que la population attend d’une équipe municipale
Le parti socialiste ? « Pour gagner, il y a une condition : que ce rassemblement s’effectue sur des bases claires, à gauche. » Il n’y a pas d’a priori au rassemblement sur des choix sans ambiguïté.
À Grenoble, notamment. « Les communistes ne sont pas comptables du bilan de l’équipe Piolle, ils ont exprimé leurs désaccords – les bibliothèques, Actis récemment… –, un bilan critique au regard de la promesse « rouge verte » initiale est nécessaire ; face à la droite – ne sous-estimons pas son travail sur les inscriptions électorales – il est indispensable que la gauche soit rassemblée sur des choix nouveaux, à gauche : c’est aussi la métropole qui est en jeu. »
Les citoyens impliqués dans un projet, c’est aussi la possibilité de contre-pouvoirs à la majorité de droite du conseil départemental dans de nombreuses communes. « Les communes sont des échelons de résistance à l’austérité, au développement des inégalités, à la main mise du capital ; elles prennent des coups et elles ont besoin d’élus liés aux citoyens pour mieux jouer ce rôle ; c’est ce à quoi les communistes s’emploient. »