Services publics : la convergence de la casse
Par Simone Torres
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Les centres d’information et d’orientation (CIO) doivent disparaître. Les régions seraient chargées de l’information aux jeunes et à leurs familles. La mobilisation s’organise pour refuser ce qui priverait lycéens et collégiens d’une information nationale, complète et indépendante. Et tout particulièrement ceux qui en ont le plus besoin.
En avril dernier, les organisations syndicales découvraient un projet de loi nommé « liberté de choisir son avenir professionnel », une loi sur la formation, l’apprentissage, etc. prévoyant de transférer la compétence de l’information sur l’orientation aux régions. Au même moment, et sans concertation aucune, on annonce la suppression de tous les centres d’information et d’orientation et l’affectation éventuelle des psychologues de l’éducation nationale dans les collèges et lycées.
Aujourd’hui, c’est l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (Onisep) qui recueille, élabore et diffuse l’information sur les formations et les métiers à destination des élèves, des parents et des équipes éducatives. Établissement public sous tutelle du ministère de l’Éducation nationale, il compte dix-sept délégations régionales qui diffusent l’information nationale et la complètent par une information régionale. Ils accompagnent les parcours d’orientation avec une conception éducative de l’information.
« Le premier prétexte invoqué pour la fermeture des CIO est que la région s’occupe déjà du décrochage scolaire et que puisque l’information lui est transférée, ils ne sont plus nécessaires », explique Frédérique Pénavaire, responsable académique et nationale pour le SNES-FSU et déléguée du personnel. Sauf que les CIO ne s’occupent pas uniquement de l’information. « Ils ont aussi un rôle d’accueil des élèves et des familles, ils reçoivent les jeunes déscolarisés qui veulent reprendre leurs études, les jeunes qui arrivent de l’étranger et doivent préparer leur poursuite d’études en France, ils reçoivent les élèves des établissements privés où il n’y a pas de permanence de psychologues EN, ils reçoivent également les adultes en reconversion, sans parler de leur autre grosse mission ; celle de l’accompagnement des élèves en voie de décrochage scolaire. » Mission partagée avec les régions, responsables de l’organisation des actions, tandis que les CIO sont responsables du contact et du suivi des jeunes. « La région n’a jamais été présente dans les CIO, on peut légitimement se demander comment elle exercera sa compétence. »
Autre problème, les CIO étant ouverts toute la semaine, vacances et mercredis après-midi compris, il était plus facile aux familles d’y avoir un rendez-vous. Les délais d’attente, pour un entretien dans un établissement scolaire, vont forcément augmenter. Et que fera-t-on du public accueilli en CIO qui ne peut pas l’être en établissement ?
Plus difficile pour les jeunes qui décrochent, ceux qui voudraient reprendre…
« Aujourd’hui, les psychologues sont à la fois dans les établissements et dans les CIO », continue Frédérique Pénavaire. « Ils ont environ trois établissements en charge, dans lesquels ils reçoivent les élèves et organisent des actions. S’il y a transfert de postes dans les établissements, on ignore ce que deviendront les 35 % de psychologues contractuels. Les difficultés concrètes qui découleraient de ces changements que nous expliquons, ainsi que la forte mobilisation, font évoluer les discours. Mais tout reste confus et laisse une désagréable impression d’organisation bâclée. »
Florence Pesselon, élue du personnel titulaire SNES-FSU au comité technique d’établissement pour l’Onisep, note que l’organisme travaille essentiellement en réseau. Les publications nationales ne peuvent pas se faire sans ce travail de recueil de l’information locale. « Auparavant il y avait une délégation par académie, depuis 2007 c’est une par région, autrement dit il y a déjà des gens qui ne pourront jamais y aller. Sans ce recueil local, l’information sera forcément tronquée et inégale d’une région à l’autre. Il n’y aura plus de garantie d’une information neutre, exhaustive et fiable, actualisée en permanence et disponible pour tous gratuitement. Avec le passage à la région, les délégations régionales seront coupées des services centraux et les régions pourraient ne porter l’information que sur certains secteurs qu’elles jugent porteurs. Il est certes important de parler des secteurs en tension, mais il l’est encore plus que les élèves aient accès à toute l’information possible. »
La crainte d’une dégradation du service rendu à l’usager est fondée, on construit des futures régions à double vitesse pour des enfants qui auront plus ou moins la possibilité de choisir leur futur « liberté de choisir son avenir professionnel », un projet de loi qui a bien mal choisi son nom.
Le rétrécissement des finances publiques
Suppressions d’emplois et fermetures de trésoreries ont des conséquences pour les usagers. Un risque se profile pour les collectivités territoriales.
L’équation est simple : il faut trouver 120 000 postes de fonctionnaires à faire disparaître d’ici 2022. Question d’image ? Ce sont en tout cas les finances publiques qui sont en première ligne : elles supporteront la moitié des 50 000 suppressions programmées dans la fonction publique d’Etat.
Alors on racle dans tous les coins de tiroir. Le contrôle des fraudeurs par exemple : en Isère, une brigade de dix contrôleurs a disparu, il n’en reste plus que quatre. La fraude fiscale, c’est pourtant 60 à 80 milliards d’euros de manque à gagner pour l’Etat.
Les communes privées de l’aide des agents de l’Etat
Le service aux usagers est bien sûr dans la ligne de mire. Moins d’accueil, moins de possibilité d’être renseigné… au point que la poste propose aujourd’hui un service… payant, pour aider à remplir sa déclaration d’impôt – service assuré par des agents formés en quelques jours.
Moins connues, les conséquences de la fermeture des trésoreries locales. Il devrait n’en subsister que la moitié dans le département : une vingtaine, une par intercommunalité. Ce mouvement s’accompagne de la volonté affirmée de Gérard Darmanin, ministre des Comptes et de l’action publique, de réduire le rôle des agents des finances publiques dans le conseil aux collectivités, le contrôle et la comptabilité des finances locales. Le projet, c’est la généralisation d’agences comptables locales, financées par les collectivités, au risque de remettre en cause l’indépendance du comptable public. Ce qui, par incidence, pourrait mettre directement en cause la responsabilité juridique des élus en cas d’erreur. Responsabilité aujourd’hui personnellement assumée par le comptable public.
Luc Renaud
Prélèvement à la source
Pourquoi changer quelque chose qui marche et le remplacer par une usine à gaz ? D’abord pour réduire le nombre d’emplois liés à la collecte de l’impôt, sans doute : ce sont les entreprises qui en seront chargées. Ensuite pour empêcher le contribuable de discuter de délais de paiement en cas de difficultés : on prélève d’abord,on discute ensuite. CGT et Solidaires finances publiques dénoncent également la mise en cause de la sécurité du recouvrement : « en cas de défaillance de l’entreprise, l’impôt que vous aurez acquitté ne sera pas reversé ». Comme c’est aujourd’hui déjà le cas pour la TVA.
Taxe d’habitation
Le nerf de la guerre, dit-on. Celui qui détient l’argent n’est pas loin d’avoir le pouvoir. Ainsi de la suppression de la taxe d’habitation ‑en tout cas annoncée par le gouvernement. Cette suppression serait compensée pour les communes et intercommunalités. Compensée, mais dans le cadre de la maîtrise des dépenses de fonctionnement. Sur la base de critères impossibles à atteindre,de préférence. La suppression de la taxe d’habitation apparaît aujourd’hui comme une arme utilisée par l’Etat pour contraindre les collectivités locales à réduire la voilure du service public.
Sachant aussi que la redevance télé est aujourd’hui confondue avec la taxe d’habitation, redevance qui n’est bien sûr pas concernée par le projet de suppression.
Restera à financer le manque à gagner créé par la disparition de la taxe. Un report sur la taxe foncière ? Il serait payé par les propriétaires qui le répercuteraient sur les loyers. Une augmentation du taux de TVA ? C’est un impôt encore plus injuste que ne l’est la taxe d’habitation…
Ça ne passe pas comme une lettre à la poste
La moitié des bureaux de poste grenoblois menacés. Les usagers se sont fait entendre. A Championnet notamment.
Le 26 mai, la manifestation de la marée populaire passe, à dessein, devant la poste Championnet. Bureau fermé dès le matin « pour raison de sécurité ». Son occupation symbolique avait en effet été annoncée. Ce bureau est au centre du combat, puisque sa fermeture est programmée pour le 4 juin.
La direction de la poste, guidée par la rentabilité, veut fermer six des treize bureaux de poste de la ville de Grenoble mais fait face à de la résistance. Le collectif « J’aime ma poste à Grenoble », initié par le collectif départemental, rassemble postiers syndicalistes de la CGT et Sud, militants communistes, membres des unions de quartier, et surtout des habitants.
185 personnes par jour en moyenne
La bataille a démarré l’an dernier, à l’Ile verte, où le fort succès de la pétition puis de la manifestation jusqu’au bureau principal de Chavant (400 personnes sous la grêle), a contraint la direction à reculer, provisoirement. Aujourd’hui, les usagers se mobilisent pour Championnet.
Le 21 avril, une bonne centaine d’habitants s’est réunie devant ce bureau. Toute la semaine suivante, le collectif a fait le comptage des usagers qui l’utilisent : 185 par jour en moyenne alors que la direction en annonce 120. Nouveau rassemblement le lundi 14 mai. La majorité municipale, jusqu’ici passive, se positionne contre la fermeture et fait adopter un vœu au conseil municipal le soir même.
Le 26 mai, la manifestation s’arrête quelques instants devant la poste, le temps d’une prise de parole de François Auguste, puis du président de l’union de quartier. Une nouvelle initiative était programmée pour le 2 juin, une déambulation de Chavant – censé remplacer le bureau fermé – à Championnet.
La fermeture du bureau de Grand Place devait intervenir le 29 mai.
Antonin Grandfond
Cartes grises
« Il n’est désormais plus possible de demander une carte grise auprès de la préfecture ou de la sous-préfecture. La démarche s’effectue soit en ligne, soit auprès d’un professionnel habilité. » C’est ce que nous apprend le site de la préfecture de l’Isère. Qui précise aussi que le professionnel en question facture ses services : forcément, il fait à votre place, explique le message officiel. « J’ai essayé en ligne, ça ne marchait pas, le délai approchait, alors j’ai payé trente euros dans une boutique et ça a marché tout de suite. » Ca, c’est un usager qui nous l’a dit.
75%
C’est l’augmentation des tarifs du gaz depuis 2005, depuis la fin du tarif réglementé. La logique, c’est que les tarifs du temps du monopole GDF étaient trop bas pour permettre à d’autres entreprises de vendre du gaz. Il fallait donc augmenter les tarifs pour permettre à la concurrence de s’exercer… concurrence censée assurer la baisse des prix.