Hôpital, la maladie d’austérité

Par Luc Renaud

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Cinq hôpitaux visités, rencontres avec les directions des établissements, les syndicalistes, les usagers, une réunion publique… la délégation de députés et sénateurs communistes n’a pas chômé, au cours de deux journées de déplacement dans la région grenobloise. Une conviction, à l’issue de ces débats : l’hôpital illustre un choix de société, l’accès à la santé ou la fabrique à dividendes.

Témoi­gnages. Les hos­pi­ta­liers comme les usa­gers de l’hô­pi­tal n’en sont pas avares… et ce n’est pas tou­jours réjouis­sant. Le tour des France des par­le­men­taires com­mu­nistes qui fai­sait escale en Dau­phi­né les 26 et 27 février n’a pas échap­pé à la règle.

Michel Sou­lié inter­vient devant les par­le­men­taires, Pierre Dhar­ré­ville, Annie David, Guillaume Gon­tard, Lau­rence Cohen et Domi­nique Wat­trin.

« Je suis par­tie à la retraite quatre ans avant le terme pos­sible, parce que je n’en pou­vais plus, disait ain­si une méde­cin pédo psy­chiatre à l’hô­pi­tal de Saint-Egrève lors de la réunion publique orga­ni­sée à l’hô­pi­tal nord, j’é­tais malade de la dégra­da­tion des condi­tions de soins ». Réunion au cours de laquelle des méde­cins décri­vaient des charges de tra­vail tou­jours plus lourdes, pour par­tie à l’o­ri­gine de la dif­fi­cul­té à recru­ter des pra­ti­ciens à l’hô­pi­tal : « lors­qu’un nou­veau arrive, il est trop seul et doit assu­mer toutes les res­pon­sa­bi­li­tés ; il y a aujourd’­hui des aban­dons dans la pro­fes­sion, ce qui n’é­tait jamais arri­vé depuis que j’exerce », indi­quait l’une d’elles. Témoi­gnages vécus, encore, à l’hô­pi­tal de La Mure : « nous payons 2500 euros par mois pour la mai­son de retraite et il faut laver le linge, depuis que le ser­vice a été exter­na­li­sé et que les vête­ments sont per­dus, les per­sonnes âgées sont lais­sées à elles-mêmes, les deux aide-soi­gnantes n’ont pas le temps de s’en occu­per ».

Réa­li­tés qui ne sont plus aujourd’­hui contes­tées par per­sonne : on a fait toutes les éco­no­mies pos­sibles et ima­gi­nables, reste aujourd’­hui à réduire le per­son­nel. Et c’est ce à quoi s’at­tachent les poli­tiques mises à œuvre à l’hô­pi­tal. Lau­rence Cohen, séna­trice du Val de Marne, consta­tait ain­si que le nombre de lits hos­pi­ta­liers a été réduit de 60 000 entre 2003 et 2015, pour 23 000 créa­tion de « lits à temps par­tiels », des places d’hos­pi­ta­li­sa­tion moins médi­ca­li­sées. Michel Sou­lié, syn­di­ca­liste CGT, notait que le grou­pe­ment hos­pi­ta­lier de ter­ri­toire a été mis en place avec cet objec­tif : la mutua­li­sa­tion des ser­vices avec des sup­pres­sions de postes. C’est la cas de la cui­sine à La Mure, qui s’ap­pro­vi­sionne par­tiel­le­ment au CHU de Gre­noble, avec à la clé la dis­pa­ri­tion de deux emplois.

Lau­rence Cohen séna­trice du Val-de-Marne.

Tous ces constats ont une ori­gine : « l’hô­pi­tal public est malade d’une over­dose d’aus­té­ri­té », rele­vait Michel Sou­lié. Ce qu’à sa manière ne nie pas Chris­tian Vil­ler­met, direc­teur de l’hô­pi­tal de La Mure : « nous tra­vaillons dans un cadre contraint, avec des finan­ce­ments qui pro­viennent d’or­ga­nismes eux-mêmes contraints ». Dans un échange riche avec la délé­ga­tion de par­le­men­taires, les syn­di­ca­listes CGT et Unsa de l’hô­pi­tal et les usa­gers du pla­teau mathey­sin, Chris­tian Vil­ler­met s’at­ta­chait à illus­trer l’en­ga­ge­ment de la direc­tion de l’hô­pi­tal comme de celle du GHT à déve­lop­per l’ac­ti­vi­té hos­pi­ta­lière à la Mure avec l’ar­ri­vée pro­chaine d’un scan­ner, notam­ment. Un com­bat qui relève de la qua­dra­ture du cercle : les méde­cins sont aujourd’­hui recru­tés par le CHU de Gre­noble pour effec­tuer une par­tie de leur ser­vice à la Mure, avec le risque de res­ter à Gre­noble si des rem­pla­ce­ments doivent y être effec­tués… ce qui réduit l’ac­ti­vi­té à La Mure et se tra­duit immé­dia­te­ment par un défi­cit finan­cier pour l’hô­pi­tal. Car la machine fonc­tionne à sens unique : l’an der­nier, un arrêt mala­die non rem­pla­cé a limi­té le fonc­tion­ne­ment du ser­vice de méde­cine de l’hô­pi­tal de La Mure et le défi­cit de fin d’an­née 2017 pour­rait atteindre un mil­lion d’eu­ros. Et il faut se battre pour recru­ter : une méde­cin va faire son arri­vée à La Mure, elle vient d’Aus­tra­lie.

Pour­tant, de nou­velles baisses de la tari­fi­ca­tion ont été annon­cées fin février et il va encore fal­loir faire des éco­no­mies. « On voit bien que nous sommes au bout d’un sys­tème », notait Domi­nique Wat­trin, séna­teur du Pas-de-Calais. Car les chiffres sont abys­saux. « Ces dix der­nières années, on a deman­dé aux hôpi­taux de réa­li­ser sept mil­liards d’eu­ros d’é­co­no­mie dont trois mil­liards ces trois der­nières années et le bud­get de la sécu­ri­té sociale voté par la majo­ri­té actuelle pré­voit encore, pour la seule année 2018, une réduc­tion des bud­gets de 1,5 mil­liard », indi­quait-il. Cela alors que le vieillis­se­ment de la popu­la­tion, le déve­lop­pe­ment de mala­dies chro­niques et tout sim­ple­ment l’aug­men­ta­tion de la popu­la­tion entraînent des besoins sup­plé­men­taires.

Domi­nique Wat­trin, séna­teur du Pas-de-Calais.

Ces choix poli­tiques ne sont pour­tant pas incom­pré­hen­sibles. « Le gou­ver­ne­ment en place et sa majo­ri­té veulent mettre en œuvre le choix de socié­té qui est le leur, une socié­té inéga­li­taire avec un pro­jet qui consiste par l’aus­té­ri­té et la libé­ra­li­sa­tion à créer de nou­veaux espaces de pro­fit pour des capi­taux pri­vés », com­men­tait Pierre Dhar­ré­ville, dépu­té des Bouches-du-Rhône. Ain­si de l’hô­tel­le­rie post-opé­ra­toire réglée par les familles à des groupes pri­vés, ou de l’ex­ter­na­li­sa­tion de la lin­ge­rie, du ménage ou de la cui­sine… voire d’autres ser­vices.

Pour sor­tir de ces logiques, dépu­tés et séna­teurs com­mu­nistes ne manquent pas de pro­po­si­tions. Comme celle, toute simple, de sup­pri­mer la taxe per­çue par l’E­tat sur les salaires des hos­pi­ta­liers. Quatre mil­liards. Soit 75 000 emplois. Quatre mil­liards, c’est aus­si ce que l’E­tat a aban­don­né aux grandes for­tunes en réfor­mant leur impôt.

Chris­tian Vil­ler­met, direc­teur du centre hos­pi­ta­lier de La Mure et Mus­ta­pha Sous­si, méde­cin urgen­tiste et pré­sident de la com­mis­sion médi­cale d’é­ta­blis­se­ment.

Plus lar­ge­ment, c’est le finan­ce­ment de la sécu­ri­té sociale que les par­le­men­taires pro­posent de revoir. La mul­ti­pli­ci­té des exo­né­ra­tions de coti­sa­tions sociales consen­tie aux entre­prises fra­gi­lise le finan­ce­ment de la sécu­ri­té sociale et ce sont des dizaines de mil­liards qui font défaut au finan­ce­ment des dépenses de san­té. Pas­cal Dupas, res­pon­sable de la CGT san­té, le rap­pe­lait oppor­tu­né­ment : « les coti­sa­tions sociales ver­sées par les sala­riés et les patrons, cela repré­sente un salaire dif­fé­ré, un gain socia­li­sé pour faire face aux acci­dents de la vie, à la dégra­da­tion de la san­té, au droit à la retraite… réduire ces coti­sa­tions, c’est réduire notre salaire et notre droit à une vie res­pec­tée ». Là encore, les par­le­men­taires com­mu­nistes inter­viennent lors des débats sur le bud­get de la sécu­ri­té sociale pour ten­ter d’en pré­ser­ver l’in­té­gri­té.

Le tour de France des hôpi­taux des par­le­men­taires com­mu­nistes va se pour­suivre. Avec un objec­tif, celui de contri­buer à ce que la situa­tion de l’hô­pi­tal fasse irrup­tion sur la place publique et que des col­lec­tifs se créent pour la défense et la pro­mo­tion de l’hô­pi­tal. Les entre­tiens que les par­le­men­taires auront eus vont se tra­duire par des pro­po­si­tions de loi qui seront mises en débat dans tout le pays.

Car s’il est bien un enjeu de socié­té aujourd’­hui, c’est celui du droit à l’ac­cès aux soins pour tous.

Luc Renaud

 

Les repré­sen­tantes syn­di­cales Unsa et CGT à l’hô­pi­tal de la Mure.

 

 

Pierre Dharréville : « la santé n’est pas une fabrique à dividendes »

Pierre Dhar­ré­ville, dépu­té com­mu­niste des Bouches-du-Rhône, par­ti­ci­pait à la délé­ga­tion qui s’est ren­due dans les hôpi­taux de Voi­ron, Saint-Egrève, au CHU de Gre­noble, à l’hô­pi­tal Sud et à la Mure. « J’en retiens d’a­bord l’en­ga­ge­ment de ces hommes et ces femmes qui, très atta­chés à leur métier, souffrent des condi­tions dans les­quelles ils sont contraints de l’exer­cer », dit-il. Car la situa­tion est grave. « L’hô­pi­tal public est arri­vé à un point de rup­ture, qui impose des déci­sions poli­tiques ». Pour le dépu­té, il est impé­ra­tif de don­ner prio­ri­té à l’hô­pi­tal public, au ser­vice public hos­pi­ta­lier faute de voir se trans­for­mer le sys­tème de san­té en « fabrique à divi­dendes ».

Pierre Dhar­ré­ville, dépu­té com­mu­niste des Bouches-du-Rhône.

De son pas­sage à Gre­noble, il aura rete­nu l’or­ga­ni­sa­tion spé­ci­fique du ser­vice des urgences de l’hô­pi­tal sud, mais aus­si « ce qui appa­raît comme une régres­sion des soins en psy­chia­trie ou faute de moyens, on gomme l’ac­quis d’une huma­ni­sa­tion de la prise en charge, on remet en cause la rela­tion humaine si impor­tante face à des fra­gi­li­tés et trau­ma­tismes que la crise sociale et civi­li­sa­tio­nelle déve­loppe ».

« Nous allons faire des pro­po­si­tions pour redon­ner à l’hô­pi­tal public les moyens de son fonc­tion­ne­ment, pour que la sécu­ri­té sociale retrouve l’am­bi­tion d’une cou­ver­ture à 100% du risque mala­die, pour déve­lop­per la for­ma­tion des per­son­nels et ouvrir de nou­veaux droits ».

Un ensemble de pro­po­si­tions à débattre avec les per­son­nels et l’en­semble de la popu­la­tion. « La situa­tion est telle qu’une prise de conscience s’im­pose et nous avons bien l’in­ten­tion de jouer notre rôle pour le déve­lop­pe­ment des luttes pour déve­lop­per un sys­tème de san­té à la hau­teur des besoins ».

Le débat a eu lieu le 26 février dans l’am­phi du CHU à Gre­noble.

 

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  • ou peut-on retrou­ver la vidéo qui a été fil­mée lors de la ren­contre du 26/2 au soir ? je l’ai reçue dans mon mail (lien) mais ne la retrouve plus ???