La police turque pourchasse les élus du Parti démocratique des peuples. Une cérémonie de parrainage a eu lieu à Saint-Martin-d’Hères. Neuf élus de l’Isère s’engagent à faire connaitre le sort réservé à leurs homologues en Turquie et à intervenir pour leur libération.

 

« Les Français ne savent pas ce qui se passe dans cette région ». Eyyup Doru est le représentant en Europe du Parti démocratique des peuples (HDP), parti d’opposition au président turc, Recep Tayyip Erdoğan. Eyyuo Doru était le 5 septembre à Saint-Martin-d’Hères. Il présidait la cérémonie de parrainage d’élus membres du HDP aujourd’hui emprisonnés. Annie, David, sénatrice; Marie-Christine Vergiat, députée européenne, Jean-Paul Trovero et David Queiros, maires communistes de Fontaine et de Saint-Martin-d’Hères; Jacqueline Madrennes, adjointe au maire d’Echirolles; Mic Rival, maire de Nivolas-Vermelle; Françoise Gerbier, maire de Venon; Laurent Jadeau, adjoint au maire de Fontaine sont désormais parrains de ces prisonniers tandis que Françoise Baldassard, avocate, parrainera une consoeur en prison.

« Nous demandons deux choses aux parrains, explique Eyyup Doru, dont l’organisation est à l’initiative de cette campagne dans les pays européens, suivre un élu, le déroulement de son procès, les conditions de sa détention en intervenant auprès des autorités turques, assister aux procès dans la mesure du possible et surtout d’informer la population française pour amener le gouvernement français à intervenir pour le respect des droits de l’homme en Turquie ».

50 000 arrestations

Le constat est accablant. Depuis la tentative de coup d’état de juillet 2016, plus de 50 000 personnes ont été arrêtées sous l’état d’urgence et plus de 140 000 ont été limogées ou suspendues, dont des universitaires, des magistrats des élus, des policiers… Onze députés et des centaines d’élus du HDP sont à ce jour internés. Les maires HDP sont destitués et remplacés par des agents du pouvoir. Des journalistes sont arrêtés, des journaux interdits.

Quelques-uns des élus isérois aujourd’hui parrains d’élus kurdes emprisonnés.

« Nous assistons à la confrontation de deux projets, commente Eyyup Doru, celui du président turc qu’il résume d’un slogan :  »un état, un peuple, une religion » et la perspective que nous défendons, celle d’une Turquie où vivent des peuples différents, d’un Etat confédéral démocratique, où la place des femmes est reconnue ».

Lors des élections de 2015, le HDP a obtenu six millions de voix et 13% des suffrages. Si le gros de ces suffrages émane du Kurdistan turc, il n’en a pas moins réalisé un score de 13% à Istambul. Le nom de « Parti démocratique des peuples » se traduit dans la diversité des peuples dont sont issus les quatre-vingts députés élus sous l’étiquette HDP : kurde, bien sûr, mais aussi turc, arabe, arménien, assyro-chaldéen, yézidi. Le HDP a développé un système de co-présidence, une femme, un homme. Le parti est ainsi co-présidé, de même que les communes ou les régions dont les électeurs ont majoritairement choisi le HDP. Pour Eyyup Doru, c’est à cette perspective démocratique que le pouvoir turc veut s’attaquer alors qu’elle constitue un espoir pour la Turquie mais au delà pour les forces progressistes du proche et moyen-Orient.

Un projet qui représente un espoir pour tout le Proche-Orient

Et c’est la raison pour laquelle le HDP lance un appel à la France :  » aujourd’hui, les intérêts économiques et les accords conclus sur les réfugiés syriens ont conduit la France à laisser les mains libres à Erdogan pour remettre en cause les libertés des peuples de Turquie pour jeter les opposants en prison, asservir le Kurdistan; il est nécessaire que ce que j’appelle la diplomatie populaire s’exprime et que les peuples européens imposent à leur gouvernement d’agir pour le respect des droits en Turquie « .

Le 5 septembre à Saint-Martin-d’Hères, Maryvonne Mathéoud, présidente de l’Association iséroise des amis des Kurdes qui organisait le parrainage, rappelait que depuis la fixation des frontières en 1923 par les anciennes puissance coloniales, les Kurdes n’ont jamais été maîtres de leur destin. David Queiros soulignait la nécessité d’une solidarité active vis-à-vis des Kurdes et des démocrates turcs, Françoise Gerbier relevait l’importance de la place des femmes dans le combat pour les libertés, Annie David notait qu’un autre monde est nécessaire et doit être rendu possible, tandis que Jean-Claude Trovero se souvenait de la solidarité des Fontainois lors d’un mouvement de grève de la faim observé par des Kurdes en 2003 dans sa ville.

Ce parrainage en appelle d’autres, avec l’exigence de toujours davantage informer du sort fait à ces démocrates emprisonnés en Turquie.

Luc Renaud

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