Tram-train : le sud grenoblois veut prendre un peu d’air

Par Luc Renaud

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L’avantage du tram-train, c’est bien sûr qu’il utilise une voie ferrée existante. Les rails sont en place de Grenoble à Vizille, même si, comme on dit, « travaux à prévoir ». Ce serait l’occasion d’un bond en avant pour le réseau grenoblois de transports en commun. Une nécessité, pour les usagers et la qualité de l’air, et aujourd’hui un choix politique.

Le pre­mier tram-train en Europe, qui fait encore réfé­rence aujourd’hui, est né en Alle­magne en 1992. Depuis, Mul­house en 2010 et Lyon en 2012, ont fait la preuve de son effi­ca­ci­té et de son inté­rêt. Au Sud de Gre­noble, 80 000 véhi­cules roulent chaque jour sur les routes. Il y a donc urgence à trou­ver le meilleur mode de trans­port pos­sible pour faci­li­ter les dépla­ce­ments de tous. Rabâ­cher les dis­cours alar­mistes sur la qua­li­té de l’air, c’est sans doute utile, mais si on n’a pas la pos­si­bi­li­té de prendre les trans­ports en com­mun, com­ment faire ? Sur­tout lorsqu’on sait que la vignette qui inter­dit de rou­ler avec un véhi­cule âgé touche une couche de la popu­la­tion qui n’a pas for­cé­ment les moyens de chan­ger de voi­ture. Il est donc néces­saire de mettre en face des besoins des moyens pour résoudre le pro­blème de l’insuffisance de l’offre de trans­port.

A Vizille, aujourd’­hui, on prend le car. Sans être tou­jours sûr de la cor­res­pon­dance.

Si l’Association pour le déve­lop­pe­ment des trans­ports publics a long­temps été motrice, avec les élus com­mu­nistes, de l’idée du tram-train, c’est parce que les villes de l’agglomération n’avaient que peu d’intérêt pour le sud gre­no­blois qui ne parais­sait pas suf­fi­sam­ment attrac­tif et s’est retrou­vé mis à l’écart du déve­lop­pe­ment urbain. La Métro­pole a été créée et s’est éten­due jusqu’à Vizille ; les choses ont alors com­men­cé à chan­ger. Et l’idée du tram-train a fait son che­min dans les esprits des élus métro­po­li­tains de la majo­ri­té.
Mais le tram train qu’est-ce que c’est pré­ci­sé­ment ? C’est un train léger, sou­vent bi-mode, capable de rou­ler à la fois sur les voies SNCF et sur les voies de tram, même si les trams et les trains ne sont pas ali­men­tés en cou­rant élec­trique selon les mêmes spé­ci­fi­ca­tions. Le tram train auto­rise, compte tenu de son poids qui lui per­met de redé­mar­rer plus faci­le­ment qu’un train clas­sique, la mul­ti­pli­ca­tion des points d’arrêts, et sa capa­ci­té de rem­plis­sage est plus impor­tante qu’un tram. C’est donc un maté­riel plus poly­va­lent, qui peut à la fois entrer au cœur des villes et des­ser­vir le péri-urbain, en uti­li­sant les dif­fé­rentes voies fer­rées.

80 000 véhicules par jour au sud de Grenoble : des usagers potentiels

Dans le cas du sud gre­no­blois, il n’a pas voca­tion à cir­cu­ler au centre ville. Il pour­rait s’arrêter à la future gare mul­ti­mo­dale qui doit voir le jour à Pont de Claix (le tram A y arri­ve­ra en 2019, la pro­lon­ga­tion de la ligne E est envi­sa­gée), et ferait la jonc­tion avec les bus, trams et trains SNCF, faci­li­tant consi­dé­ra­ble­ment les dépla­ce­ments des usa­gers. Par exemple, les usa­gers en pro­ve­nance du Sud pour­raient se rendre à Gières par le tram train jusqu’à Pont-de-Claix, puis le tram A et le train à par­tir d’Echirolles, sans pas­ser par la gare de Gre­noble. Des points d’arrêts sup­plé­men­taires devraient être créés, ce qui est très pos­sible puisqu’un tram train auto­rise un arrêt tous les 500 mètres, contrai­re­ment à un train clas­sique.
Ce réseau cohé­rent et inter­con­nec­té répon­drait aux attentes des usa­gers. Il per­met­trait éga­le­ment de résoudre les pro­blèmes des popu­la­tions de plus en plus nom­breuses de l’Oisans, de la Mathey­sine ou même du Trièves qui, obli­gés d’aller à la péri­phé­rie à cause du coût de l’immobilier, tra­vaillent néan­moins dans l’agglomération. Non seule­ment ce serait plus rapide qu’en voi­ture mais cela amé­lio­re­rait la qua­li­té de l’air et ce serait la façon la plus simple de résor­ber les bou­chons auto­mo­biles, si on veut inci­ter les gens à ne pas uti­li­ser leur voi­ture pour les dépla­ce­ments pen­du­laires*.
D’autres pro­jets sont en débat dans le cadre de la réflexion sur le plan de dépla­ce­ments urbains (PDU). L’objectif est de déve­lop­per l’usage du fer­ro­viaire. L’idée d’un RER reliant les dif­fé­rentes com­mu­nau­tés du Gré­si­vau­dan et du Voi­ron­nais en tran­si­tant par l’agglomération, avec une tari­fi­ca­tion com­mune à l’ensemble est évo­quée.
Pour ce qui concerne le sud gre­no­blois, une ligne struc­tu­rante, Gre­noble-Gap, est sous exploi­tée par la SNCF qui a tout fait pour que l’usager s’en détourne et que la ligne péri­clite. Parce qu’il y a déjà une voie en place, parce que cela per­met­trait de relier rapi­de­ment les com­munes entre elles, parce que c’est un pro­jet viable, qui demande peu d’investissements si on le com­pare à une ligne de tram­way, le tram-train Gre­noble Pont-de-Claix Vizille est le pro­jet qui repré­sente la meilleure solu­tion.
Eco­lo­gique, éco­no­mique, pra­tique, répon­dant aux besoins, le tram train a tout pour plaire !

Simone Torres

(*) dépla­ce­ment jour­na­lier de la popu­la­tion des grands centres urbains entre les lieux de domi­cile et les lieux de tra­vail ou de sco­la­ri­té.

Au Pont-de-Claix, là où le tram A arri­ve­ra en 2019, en atten­dant le tram E et le tram de Vizille par la voie fer­rée.
A Jar­rie, l’aiguillage de la ligne de Vizille. A recons­truire.

On entre dans le concret du sujet

Le tram ira-t-il un jour jusqu’à Vizille en emprun­tant la voie fer­rée exis­tante ? On sait que c’est depuis long­temps la reven­di­ca­tion, que portent les com­mu­nistes depuis quelques années. Mais il y a un fait nou­veau : le pré­sident de la Métro, Chris­tophe Fer­ra­ri, comme celui du SMTC, Yann Mon­ga­bu­ru, tentent de se l’approprier. Ce dont on ne peut natu­rel­le­ment que se féli­ci­ter : une bonne idée finit par­fois par faire son che­min.
Aujourd’hui, une étude est donc enfin en cours. Ses conclu­sions doivent être ren­dues cet été. L’idée serait de connec­ter la voie fer­rée exis­tante au réseau de tram à hau­teur de Flot­ti­bule, à Pont-de-Claix, sta­tion que doit atteindre la ligne A du tram, pro­lon­gée depuis Denis Papin à Echi­rolles. Le tram de Vizille pour­rait peut-être aus­si ral­lier la gare SNCF de Gre­noble, assu­rant une double connexion au réseau, à Pont-de-Claix et à la gare.

Cinq à dix millions d’euros de moins au kilomètre

Quand est-ce que tout cela pour­ra voir le jour ? La ligne A du tram arri­ve­ra à Pont-de-Claix en 2019. Pour le train-tram de Vizille, l’ordre de gran­deur qui cir­cule est celui d’une dizaine d’années. A condi­tion que les déci­sions finan­cières soient prises rapi­de­ment. Le coût serait de l’ordre de 250 mil­lions d’euros pour la dizaine de kilo­mètres à amé­na­ger. 5 à 10 mil­lions de moins au kilo­mètre que pour la créa­tion d’une ligne nou­velle de tram.
Et le béné­fice de l’allègement de la cir­cu­la­tion au Ron­deau, c’est com­bien ?

Luc Renaud

 

 

 

Fran­cis Die­trich est membre de la com­mis­sion réseau du syn­di­cat mixte des trans­ports en com­mun de l’agglo.

Réaliste aujourd’hui, plus incertain après 2030

Conseiller muni­ci­pal et repré­sen­tant de Champ sur Drac à la com­mis­sion réseau du SMTC, Fran­cis Die­trich est un grand défen­seur du tram-train qui repré­sente, pour lui, le pro­jet le plus réa­liste avec une ligne struc­tu­rante qui peut répondre aux besoins. Rem­pla­cer les tra­jets en voi­ture par un trans­port public contri­bue­rait gran­de­ment à la qua­li­té de l’air et résor­be­rait l’engorgement autour de Gre­noble.
À la com­mis­sion réseau, où seuls les élus siègent, on tra­vaille au plan de dépla­ce­ment urbain. Les pro­jets doivent impé­ra­ti­ve­ment être finan­cés pour être ins­crits au PDU. « A l’heure actuelle, nous réflé­chis­sons à tous les modes de trans­port pos­sibles : covoi­tu­rage, auto-stop orga­ni­sé, vélo… mais tout le monde n’ira pas en vélo sur une dis­tance impor­tante. S’il y a accord de prin­cipe sur la fai­sa­bi­li­té du tram-train, il n’y a pas de déci­sion poli­tique et finan­cière de faire. Pour le moment, je ne crois pas à cette déci­sion. Nous sommes à un moment char­nière : si on ne l’inscrit pas dans le PDU comme réa­li­sable avant 2030, ça veut dire que l’étude ne com­men­ce­ra qu’après, et si la ligne n’est plus exploi­tée par la SNCF, elle devien­dra une ligne désaf­fec­tée qui génè­re­ra des tra­vaux impor­tants. »
Puisqu’il n’y a plus de par­te­na­riat entre le SMTC et le dépar­te­ment et que le bud­get est réduit, il fau­dra que la Métro­pole décide de par­ti­ci­per au finan­ce­ment. Dans la mesure où des lignes cir­culent sur son péri­mètre, c’est jus­ti­fiable et logique. Le tram-train ne dépend plus que des choix poli­tiques et envi­ron­ne­men­taux qui seront fait, ou pas, à la Métro.

Simone Torres

 

 

Le bon moyen d’étouffer le train

Jar­rie, des usines. Jar­rie, par consé­quent, un plan de pro­tec­tion des risques tech­no­lo­giques (PPRT). Avec des mesures de pro­tec­tion. Par exemple, des bou­chons inter­dits sur l’autopont qui longe la zone indus­trielle. En cas d’embouteillage, des feux vont être ins­tal­lés en amont et en aval pour empê­cher les voi­tures de sta­tion­ner sur l’autopont, camé­ras de sur­veillance à l’appui. Pen­dant les grandes migra­tions du ski, par exemple, le bou­chon va être déca­lé au nord et au sud. Ce qui entraî­ne­ra au nord l’encombrement de voi­tures jusqu’à Com­boire, sur l’autoroute.
Pour le train, la puni­tion du PPRT n’est pas la même. Ce qui se dis­cute aujourd’hui, c’est la construc­tion d’un mur de pro­tec­tion entre la voie fer­rée et la zone indus­trielle. Le train ne sta­tionne pas, il roule. Comme les voi­tures quand la cir­cu­la­tion est fluide. Mais lui, il lui faut un mur.
Un mur à la charge de la SNCF – au fait, pour­quoi pas des usines ?. Quand on sait l’empressement de l’entreprise à réduire les cir­cu­la­tions et à fer­mer les lignes, on peut craindre que l’occasion ne soit sai­sie pour que les voya­geurs n’aillent plus à Jar­rie. Une voie déclas­sée de plus et une dif­fi­cul­té pour le pro­jet de tram-train de Vizille.

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