Jean Rabaté, la disparition d’un homme droit
Par Luc Renaud
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Jean Rabaté est mort des suites d’un cancer dans cette Corse qu’il avait rejointe en mai dernier, après avoir résidé quelques années à Saint-Egrève. Sa disparition a suscité une vive émotion parmi ses anciens collègues de l’Humanité, les communistes de Saint-Egrève et les rédacteurs du Travailleur alpin, journal auquel il nous avait fait l’amitié – et l’honneur – de collaborer pendant plusieurs années.
Jean Rabaté était un journaliste. De ceux qui avaient commencé à travailler à l’usine, dans l’aéronautique en région parisienne pour ce qui le concerne. Il était né à Moscou, en juillet 1931, mais sa naissance est enregistrée le 20 octobre 1931, à Paris : ses parents, Maria et Octave Rabaté, militants du PCF, recherchés par la police en ces moments de montée du fascisme, avaient dû trouver un refuge provisoire en URSS. Parents ensuite résistants en Corse et à Paris qu’il ne retrouva qu’en 1945 : de retour à Paris, Jean et sa sœur Claude furent hébergés dans le Poitou chez une famille amie.
Des parents dans la résistance
Son père, membre de l’Internationale communiste, fut le représentant de la CGT dans l’Internationale syndicale rouge. Déporté, ce sera l’un des animateurs de la résistance communiste à Mauthausen. Il fut directeur de publication de l’Humanité à partir de 1957. Sa mère fut membre du Comité parisien de Libération puis députée de Paris, une des premières femmes à l’assemblée, en 1947. Elle sera notamment à l’initiative de la loi interdisant les expulsions hivernales.

Membre des Jeunesses communistes, Jean Rabaté débuta sa carrière de journaliste à l’Avant-Garde, le journal des JC. Il rejoint l’Humanité à la fin des années 1960, d’abord à la rubrique Luttes, puis exerça la responsabilité, ô combien essentielle dans un quotidien, de secrétaire général de la rédaction. Sa disponibilité, son empathie jamais prise en défaut, son sens minutieux de l’organisation lui permirent de laisser le souvenir d’un homme capable de gérer toutes les situations d’urgence… et les caractères bien trempés de journalistes dans un quotidien de peu de moyens.
Co-pilote de Jean-Claude Andruet
Le journalisme et la politique n’étaient pas les seules passions de Jean : il vibrait pour la course automobile. Il nous avait confié une fierté qu’il gardait par devers lui : le record, aujourd’hui encore inscrit sur les tablettes, qu’il détient, comme co-pilote de Jean-Claude Andruet (deux fois champion de France de rallye automobile), d’une spéciale du rallye de Corse arrivée à Bocogano – le village dont son épouse Hélène est originaire. C’était aussi un skieur émérite.
De sa gentillesse et de sa très riche expérience, nous avons eu le privilège de bénéficier pendant plusieurs années. Jean a longtemps tenu la rubrique « Histoire sociale » du Travailleur alpin. Il ne manquait pas aussi, à l’occasion, de proposer à nos lecteurs de ces reportages qui marquent la vie d’un journal, écrits d’une plume précise et truculente. Comme ce dossier écrit à l’occasion du cinquantième anniversaire des Jeux olympiques de Grenoble que Jean avait, en 1968, couverts pour l’Humanité avec Bernard Clavel, Abel Michéa, Roland Passevant et Paul Zilbertin. Ou ces articles dans lesquels il rendait compte de la situation et des luttes des travailleurs saisonniers dans les stations de ski.

Jean n’avait cessé d’être un militant communiste. Lors des dernières élections législatives, en 2024, ses camarades de Saint-Egrève se souviennent de son inlassable activité de colleur d’affiches, de la clarté et la finesse de ses interventions et de ses analyses, de la détermination avec laquelle il défendait son point de vue.
Jean était un homme de convictions, profondément humain, d’une modestie à toute épreuve.
Ses obsèques ont lieu ce lundi 10 novembre, à 11h30, au crématorium d’Ajaccio. Le Travailleur alpin présente à Hélène, sa compagne, à Fabien et Marianne, ses enfants, à Hélène, Rémy et Ange, ses petits-enfants, toutes ses condoléances.


