Grenoble : les logiciels espions et leur dangerosité pour nos libertés… et nos vies.
Par Edouard Schoene
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Shir Hever, directeur de l’Alliance pour la justice entre Israéliens et Palestiniens (BIP), et coordinateur de la campagne embargo militaire pour le BNC (Boycott National Committee) était invité par BDS France, vendredi 29 novembre, à Grenoble.
En 2021, Amnesty International et Forbidden Stories ont révélé que le logiciel espion de NSO Group (entreprise israélienne) avait été utilisé pour faciliter des violations des droits humains dans le monde entier et cibler potentiellement des dizaines de milliers de téléphones, y compris ceux de chef·fe·s d’État, de militant·e·s et de journalistes, dont certains ont été assassinés.
La soirée a débuté avec la projection d’un très court métrage d’Amnesty International où Lenaïg Bredoux, espionnée par le Maroc, par le logiciel Pegasus, explique ce qui s’est passé en 2021. Mediapart a porté plainte. Installé à distance sur un appareil, il peut contourner tous les systèmes de sécurité et accéder aux fichiers, messages, photos et mots de passe sur les smartphones. Il peut aussi écouter les appels téléphoniques, et déclencher l’enregistrement audio, la caméra ou la géolocalisation. Le logiciel Pegasus utilise les failles de sécurité des systèmes d’exploitation des smartphones (iOS ou Android). Son fonctionnement technique évolue ainsi en permanence.
Le statut exceptionnel d’Israël qui échappe à tout contrôle juridique et qui est protégé par les puissances du monde, permet à l’espionnage industriel de se développer. Emmanuel Macron, qui a été sous contrôle, a effacé le contentieux avec ses homologues gouvernementaux d’Israël en novembre 2021, « afin d’éviter que l’affaire Pegasus n’empoisonne les relations entre les deux pays. Les deux dirigeants se sont alors mis d’accord : ce litige, même s’il n’est toujours pas réglé, ne doit plus interférer dans le reste de la coopération » , selon Radio France internationale.
De nombreux pays ont utilisés Pegasus pour espionner notamment leurs opposants et prendre des mesures liberticides, voire plus.
Israël utilise Pegasus contre les Palestiniens. Shir Hever relate qu’environ 30 000 Palestiniens sont suivis et rappelle que l’armée israélienne, qui frappe à Gaza les « terroristes » présumés est autorisée à tuer cent personnes pour un ennemi tué.
Une précision : les téléphones 2G (système en place à Gaza) sont beaucoup plus facilement espionnables que les appareils en 4G.
L’industrie du logiciel espion continue de se développer hors de tout contrôle au niveau mondial, des dizaines d’entreprises proposant des produits similaires à Pegasus. Les hackers qui vendent les failles des téléphones aux sociétés comme NSO (Israël) font des affaires considérables.
Interdiction des logiciels espions
Le 5 juillet 2023 une loi a été votée en France autorisant l’usage de logiciels espions par la police (article 3 du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice (2023–2027), par 80 voix contre 24.).
Lors du débat qui a suivi l’exposé en anglais (très bien traduit par deux interprètes) la première question posée fut : « comment se protéger ? » « Vous ne pouvez pas individuellement vous protéger des logiciels espions », ont répondu les intervenants. La précision explicative fut assez effrayante : Pegasus a produit une troisième génération de logiciels, intégrant l’intelligence artificielle, « zero click strategy », qui permet de prendre le contrôle d’un téléphone sans la moindre intervention de la victime du piratage.
La seule voie pour empêcher l’espionnage des téléphones demeure l’intervention collective pour que les lois nationales interdisent l’usage des logiciels incriminés. Amnesty International demande ainsi « une interdiction mondiale de la vente et de l’utilisation des logiciels ; que les fabricants de téléphones soient tenus responsables, aux niveaux national et international, des failles de leurs systèmes ; que les fabricants de logiciels espions soient tenus responsables de l’utilisation de leurs produits. »
Plus d’infos sur les logiciels espions et sur le logiciel israélien Pegasus