Cette journée sur l’IA était organisée dans le cadre de l’initiative « Mondes du travail ».
L’Institut d’urbanisme et de géographie alpine (IUGA) a accueilli le 17 octobre, à Grenoble, une journée d’étude sur les enjeux de l’intelligence artificielle au travail. Un phénomène de société suscitant autant de craintes que d’espoirs.
Organisée par le master Ressources humaines, organisation et conduite du changement (RHO2C), l’Institut d’études sociales (IES), la faculté d’économie de Grenoble et l’association Fil rouge, cette deuxième journée d’étude « Mondes du travail » proposait une réflexion sur les enjeux du développement de l’intelligence artificielle (IA) sur le travail. « Malgré une adoption encore relativement faible au sein des organisations, les premiers outils dévoilés – à l’instar de ChatGPT – laissent entrevoir que l’IA peut à l’avenir profondément bouleverser la configuration des emplois et le nature du travail », soulignaient les organisateurs dans leur invitation, évoquant des enquêtes aux résultats « très partagés ».
L’amphithéâtre de l’IUGA avait fait le plein pour l’évènement.
Ainsi, « la plupart des études annoncent des disparitions massives d’emplois de toutes catégories (en général 30 % des emplois occupés), et notamment des emplois à qualification élevée. D’autres, signalent, à partir des avis d’employeurs, de probables conséquences positives : davantage de satisfaction au travail, de santé et d’amélioration des situations des travailleurs handicapés », observaient-ils.
Et ceux-ci de poursuivre : « Dans tous les cas, les études s’accordent sur une très forte augmentation de la performance économique obtenue par une mobilisation d’outils de l’IA. Si la destruction massive et rapide d’emplois est peu probable à moyen terme, ce sont plutôt les changements potentiels de la nature des emplois et de la qualité du travail qui risquent d’être très profonds et peut-être insaisissables aujourd’hui. »
L’IA, facteur d’émancipation ou d’aliénation ?
Particularité de cette rencontre, la présence, à la tribune et dans la salle, de salariés et syndicalistes qui ont fait part de leurs expériences, interrogations et analyses. Nombre de questions émergent ainsi. La possible libération des tâches automatiques ou répétitives qui peuvent être prises en charge par des outils de l’IA, va-t-elle libérer du temps pour des tâches à plus forte valeur ajoutée, pour une création d’emplois de qualité, pour une émancipation d’un grand nombre de salariés, notamment des salariés femmes ?
L’impact de l’introduction des outils de l’IA sur le travail humain est-il annonciateur d’un « management algorithmique », c’est-à-dire d’une gestion des conduites humaines et des relations de travail à l’aide d’instructions d’un logiciel ? Ces outils de l’IA ne sont-ils pas intrinsèquement porteurs à la fois d’impossibilités « à discuter » autour du travail et de sa réalisation, mais aussi, comme le note la sociologue Dominique Méda, de nouvelles logiques de surveillance au travail ?
Intervention à distance d’Eric Barbier, journaliste à l’Est républicain, en charge de l’IA au sein du SNJ.
Ces premiers questionnements appellent donc des analyses croisant les points de vue autour de situations de travail concernées par l’introduction de procédés relevant de l’IA. Ils impliquent aussi l’élaboration collective d’outils pour que les salariés puissent non seulement s’approprier ces débats mais aussi résister aux changements les plus dévastateurs du travail humain dont l’IA peut être porteuse.
L’ensemble des débats seront retranscrits sous forme d’un film, qui sera accessible notamment sur le site du Fil rouge. Parmi les interventions, celles d’Éric Barbier, reporter à l’Est républicain, membre du bureau du Syndicat national des journalistes (SNJ), en charge de l’IA, et de Yann Ferguson, directeur scientifique du LaborIA, répondaient particulièrement à la thématique « L’introduction de l’IA dans l’activité, quel impact sur le travail et quelles analyses des salariés concernés ? ».
La plaquette de présentation de la journée d’étude.
« Cette initiative a été initiée par le Fil rouge, à l’issue d’une recherche action sur le travail, il y a dix ans après la crise de 2008 », a expliqué Michel Szempruch, membre de l’association. « L’objectif était de produire des sources, des archives, comme dans les années 30. Cela a donné lieu à une journée d’étude. Suite à cela, ce qui ressortait très fortement, c’était la souffrance au travail », a-t-il ajouté. Ce dernier s’est donc interrogé, avec ses partenaires : « Si on faisait un travail sur le management et la souffrance au travail ? Cela a donné un film, Les maux du travail. »
« Des chercheurs, des organisations syndicales (Unsa, CGT, CFDT, Solidaires) ont travaillé ensemble pour faire un voyage dans le nouveau management, le nouveau libéralisme », a également précisé Michel Szempruch. « Des syndicalistes nous disaient être dépourvus face à des drames de leurs collègues en souffrance. Ensuite, on a travaillé sur le numérique dans la santé avec l’IRS. Cela nous a amené à vouloir travailler sur l’intelligence au travail qui percute les travailleurs. »
Les membres du Fil rouge sont alors parvenus à cette conclusion : « Il fallait qu’on joue notre rôle dans l’éducation populaire en mettant à disposition des informations, outils critiques, pour avoir un point de vue sur l’IA – que nous n’avions pas au départ », a reconnu Michel Szempruch, racontant un projet lancé en 2019, puis bloqué par le Covid, avant de redémarrer en 2023. L’objectif ? « Donner la parole à des travailleurs de secteurs concernés. Ce que l’on espère faire, après cette journée, c’est fabriquer des outils (exposition, vidéos) sur l’IA. »
Le public a échangé sur les applications et implications de l’IA au travail.
Application avec ChatGPT
Voici le texte produit par l’outil d’intelligence artificielle ChatGPT, sur la journée d’étude du 17 octobre : ChatGPT – IA et travail
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