Sénatoriales. La gauche sera-t-elle en tête du scrutin en Isère ?

Par Travailleur Alpin

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L’Isère pourrait être représentée par trois élus de gauche au Sénat. A condition que tous les grands électeurs qui se réclament de la gauche rassemblent leurs votes sur la liste conduite par Guillaume Gontard.

Alors que l’élection des cinq sénateurs isérois approche – le vote se tiendra le dimanche 24 septembre, à la préfecture de l’Isère –, une question agite le Landerneau politique : la gauche rassemblée sera-t-elle en tête du scrutin ?

Jusqu’au 7 juillet der­nier, la droite ras­sem­blée der­rière Michel Savin et Fré­dé­rique Puis­sat fai­sait figure de favo­rite pour le Palais du Luxem­bourg.
Ayant réus­si à évi­ter autant que pos­sible les listes dis­si­dentes, forte de l’appui du pré­sident du dépar­te­ment, Jean-Pierre Bar­bier, et du pré­sident de la région, Laurent Wau­quiez, l’union de la droite por­tant les cou­leurs de la majo­ri­té séna­to­riale avait des atouts en main pour conser­ver sa posi­tion domi­nante. Las, l’accord his­to­rique conclu à gauche est venu rabattre les cartes.

Erwan Binet : « Ensemble, on est plus forts que si on part sépa­rés ! »

En 2017, la gauche par­tait en ordre dis­per­sée, avec les listes d’André Val­li­ni (PS) et celle de Guillaume Gon­tard (EELV, PCF). En 2023, elle par­ti­ra ras­sem­blée.
Les trois forces poli­tiques pré­sentes au Sénat mettent leurs forces en com­mun avec une ambi­tion : détrô­ner la droite et arri­ver en tête, pour faire élire trois séna­teurs qui iront ren­for­cer cha­cun des trois groupes de gauche.

Erwan Binet, chef de file des socia­listes isé­rois, décla­rait dans le Dau­phi­né libé­ré du 7 juillet : « Un peu par­tout, dans le pays, on voit bien que l’idée du ras­sem­ble­ment est main­te­nant celle qui prime, celle qui est vrai­ment por­teuse. Ensemble, on est plus forts que si on part sépa­rés ! Et vous me connais­sez, vous savez bien que je n’ai pas un ego sur­di­men­sion­né, et que ce n’est pas cela qui compte le plus. Mais je veux quand même être séna­teur et je ferai tout pour l’être ».

Il faut dire que der­rière les défaites de 2021, la gauche a connu une série de suc­cès aux muni­ci­pales de 2020. Seys­si­net-Pari­set, Saint-Egrève, le Péage-de-Rous­sillon, Mey­lan, Chasse-sur-Rhône… autant de com­munes qui ont bas­cu­lé à gauche en 2020. Autant de grands élec­teurs qui peuvent contri­buer à faire gagner leur camp.

Quelques cailloux dans la chaus­sure de l’union de la droite…

En paral­lèle, l’union de la droite a quelques cailloux dans sa chaus­sure.

Le repo­si­tion­ne­ment de la majo­ri­té pré­si­den­tielle, d’abord. En 2017, LREM béné­fi­ciait de l’image d’Emmanuel Macron « ancien ministre de Fran­çois Hol­lande », cou­plée avec la per­son­na­li­té du can­di­dat Didier Ram­baud, figure socia­liste isé­roise. Un cer­tain nombre d’élus divers-gauche s’étaient ain­si por­tés sur cette liste, sym­bole de renou­veau.

En 2023, la donne a chan­gé, et le « en même temps » n’est plus qu’une illu­sion. Pour­suite de l’austérité bud­gé­taire, cadeaux fis­caux sans pré­cé­dent aux plus riches, dérive auto­ri­taire… aujourd’hui, Renais­sance (ex-LREM) est clai­re­ment iden­ti­fiée comme une force poli­tique de droite. Là où la liste de Didier Ram­baud mor­dait sur l’électorat de gauche en 2017, elle ira plu­tôt chas­ser sur les terres du centre-droit en 2023.

Guerre des places à l’extrême-droite

La pro­fu­sion des listes à l’extrême-droite, ensuite. Pas moins de trois listes peuvent s’en reven­di­quer.

Celle du RN d’abord, conduite par le dau­phin d’Alexis Joly à Echi­rolles, Alexandre Mou­lin-Comte, qui s’appuie sur la cam­pagne média­tique per­ma­nente en faveur de Marine Le Pen.

Celle d’Alain Dias ensuite, can­di­dat RN aux élec­tions dépar­te­men­tales de 2021, qui conduit une liste inti­tu­lée « Ensemble pour une démo­cra­tie pleine ».

Celle de Recon­quête enfin, le mou­ve­ment d’Eric Zem­mour, dont le chef de file n’est autre que Gérard Dezempte, maire et conseiller dépar­te­men­tal de Char­vieu-Cha­va­gnieux. Gérard Dezempte qui condui­sait en 2017 la liste… du Ras­sem­ble­ment Natio­nal. Inti­tu­lée « La vraie droite », cette liste pré­sen­tée fin août compte des trans­fuges du RN, et une belle prise de guerre : Gérard Simo­net, ancien maire de Moi­rans de 1995 à 2020. Celui qui, « dans un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître », ravit la com­mune au par­ti com­mu­niste pour en faire une des pépi­nières de cadres de la nou­velle droite – qu’on songe à Franck Lon­go, maire de Fon­taine, qui fut son direc­teur de cabi­net – rompt ain­si avec sa famille poli­tique tra­di­tion­nelle.

Dans un contexte de radi­ca­li­sa­tion de la droite, ces listes pour­raient bien voler dans les plumes des « Répu­bli­cains » de Michel Savin…

Un accord his­to­rique à gauche, mais…

Pour autant, l’horizon n’est pas plei­ne­ment déga­gé à gauche. Si Guillaume Gon­tard condui­ra un ras­sem­ble­ment large des éco­lo­gistes, com­mu­nistes, socia­listes et divers-gauche, deux petites listes risquent de mettre des bâtons dans les roues de l’union.

D’un côté, comme annon­cé, Jean-Yves Bre­nier, le pré­sident des Bal­cons du Dau­phi­né condui­ra une liste auto­nome sou­te­nue par Chris­tophe Fer­ra­ri, pré­sident de la métro­pole gre­no­bloise. Si cet atte­lage « apar­ti­san » a peu de chance de mar­cher sur les plates-bandes de la gauche ras­sem­blée, elle pour­rait tou­te­fois détour­ner une par­tie des déçus du macro­nisme. Para­doxe de la vie poli­tique : alors qu’elle se reven­dique comme une liste « socia­liste alter­na­tive », elle pour­rait bien empê­cher l’élection d’un séna­teur socia­liste…

Patrick Kan­ner, pré­sident du groupe PS au Sénat, a quant à lui pré­ci­sé les choses : « Je sais qu’Erwan Binet fera entendre nos valeurs au sein de la chambre Haute de la Répu­blique et que nous por­te­rons avec lui la voix des Fran­çais dans l’hémicycle. »

La France Insou­mise fait cava­lier seule

Alors que d’aucuns pro­nos­ti­quaient leur ral­lie­ment à la liste d’union conduite par Guillaume Gon­tard, les insou­mis iront fina­le­ment devant les (grands) élec­teurs sous leurs propres cou­leurs. Une liste ren­due publique ce 7 sep­tembre, mais dont la com­po­si­tion était déjà connue dans les milieux mili­tants [Voir après].
Même si le nombre de grands élec­teurs insou­mis est limi­té, ils repré­sentent une poi­gnée de voix qui pour­raient man­quer à l’union…

La clé du scru­tin : la mobi­li­sa­tion de chaque camp

Jamais scru­tin séna­to­rial en Isère n’aura été autant mar­qué par la bi-pola­ri­sa­tion.

S’il y a fort à parier que les deux « poids lourds » que repré­sentent les listes d’union des droites et d’union des gauches vont ras­sem­bler à elles deux une large majo­ri­té des suf­frages, c’est à celle qui pour­ra le plus effi­ca­ce­ment évi­ter la dis­per­sion que revien­dra la vic­toire.

Com­bien d’électeurs plu­tôt à droite se lais­se­ront-ils convaincre de voter pour la Répu­blique en Marche, et com­bien seront sen­sibles aux dan­ge­reuses sirènes d’une extrême-droite plu­rielle à l’offensive ?

Com­bien d’électeurs de sen­si­bi­li­té éco­lo­giste ou sociale se détour­ne­ront-ils du ras­sem­ble­ment conduit par Guillaume Gon­tard par aprio­ri ou riva­li­tés locales ?

Et par là même, est-ce la droite qui rem­por­te­ra le scru­tin, comme en 2017, ou la gauche unie crée­ra-t-elle la sur­prise ?

Réponse le dimanche 24 sep­tembre au soir !

Robert W. Ewellnes

la France Insoumise fait le choix de la désunion

Ils l’avaient annon­cé, mais peu les croyaient : faute d’un accord jugé satis­fai­sant par leur direc­tion pari­sienne [mal­gré des pro­po­si­tions dans cer­tains dépar­te­ments], la France insou­mise a don­né pour consigne de dépo­ser par­tout des listes sous sa seule ban­nière. Quitte à s’opposer fron­ta­le­ment au reste de la gauche, dans un scru­tin où le mode d’élection favo­rise au contraire les coa­li­tions.

De quoi déso­rien­ter jusque dans les rangs insou­mis. Un élu LFI dans une com­mune de la métro­pole com­mente, sous cou­vert d’anonymat : « Je ne com­prends pas ce qu’ils font, natio­na­le­ment on est pour l’union, et aux séna­to­riales, alors que l’union se fait, on part tout seuls au risque de faire gagner la droite ! C’est du sui­cide… ». Ambiance.

La com­po­si­tion de la liste insou­mise est désor­mais connue :

1- Alban Rosa : chef de file de l’opposition muni­ci­pale sur Echi­rolles, il renoue avec la divi­sion. En mars 2021, lors des dépar­te­men­tales, il avait sou­te­nu des can­di­da­tures dis­si­dentes au Prin­temps Isé­rois… can­di­da­tures arri­vées bonnes der­nières au 1er tour. Pas cer­tain que cette aven­ture béné­fi­cie à celui qui ne cache pas ses ambi­tions muni­ci­pales…

2- Myriam Thieulent : régu­liè­re­ment can­di­date pour LFI dans le sec­teur de Vienne, elle milite au sein du mou­ve­ment depuis sa créa­tion en 2017.

3- Cédric Deglise : 4e adjoint à Chasse-sur-Rhône, il siège dans l’équipe de Chris­tophe Bou­vier. Une com­mune recon­quise par la gauche… unie.

4- San­drine Nosbe : can­di­date en 2022 pour LFI dans la 9e cir­cons­crip­tion de l’Isère, elle échoue­ra au second tour à recon­qué­rir un siège déte­nu par la gauche entre 1997 et 2017.

5- Alan Confes­son : tête de pont de la France insou­mise au sein de la majo­ri­té muni­ci­pale gre­no­bloise, c’est le coor­di­na­teur des élus insou­mis sur l’Isère.

6- Coline Pis­sard : res­pon­sable des jeunes insou­mis du Nord-Isère.

7- Allan Bru­non : can­di­dat sur la liste d’u­nion de la gauche à la der­nière élec­tion muni­ci­pale de Vil­le­fon­taine, il est atta­ché par­le­men­taire de Gabriel Amard (dépu­té LFI du Rhône).

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