Saint-Quentin-Fallavier. Des choix industriels dangereux pour l’avenir de Valeo

Par Didier Gosselin

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Vendredi 7 octobre, la CGT appelait à la grève les 350 salariés du site isérois de Saint-Quentin-Fallavier.

Aides publiques, développements suivis de délocalisations… à Saint-Quentin-Fallavier, les syndicalistes CGT de Valeo dénoncent une stratégie industrielle qui, sous couvert de perspectives dans la motorisation électrique, conduit à la dévitalisation des sites français.

Alors que se tenait ven­dre­di 7 octobre 2022, chez Valeo, un comi­té social et éco­no­mique (CSE), les mili­tants CGT du site de Saint-Quen­tin-Fal­la­vier (38) étaient au même moment à pied d’œuvre dès 5 heures du matin devant l’entrée des per­son­nels, pour appe­ler à la grève et aler­ter sur la dan­ge­reuse tra­jec­toire prise par l’équipementier auto­mo­bile en matière d’emploi et de logique indus­trielle… Un mou­ve­ment auquel une cin­quan­taine de sala­riés a par­ti­ci­pé.

De fait, comme le sou­ligne Siham Bar­nak, tech­ni­cienne de labo­ra­toire et délé­guée CGT du site, la situa­tion est inquié­tante. « Deux jours de fer­me­ture par semaine sont pro­gram­més ce mois-ci et le chô­mage par­tiel n’a jamais ces­sé depuis la fin du COVID et se pour­sui­vra jusque fin jan­vier 2023. » « Il n’y a pas de volume de pro­duc­tion suf­fi­sant », pré­cise Pierre-Ange Car­mo­na, tech­ni­cien et secré­taire de l’UL CGT de Vil­le­fon­taine, tout en dénon­çant un effet d’aubaine et le fait que Valeo « se fasse payer les salaires par l’Etat en pro­fi­tant du COVID ».

Pour les syn­di­ca­listes CGT, le pro­blème de fond est lié aux choix indus­triels stra­té­giques tout autant qu’à la quête d’une tou­jours plus grande pro­fi­ta­bi­li­té pour les action­naires.

Des tech­ni­ciens inci­tés à par­tir en Hon­grie

« L’entreprise s’était enga­gée à ce que la pro­duc­tion de démar­reurs pour die­sel soit rem­pla­cée en 2022 par un nou­veau géné­ra­teur le GMG 15kW (Gear­box Motor Gene­ra­tor, un moteur élec­trique) mais c’est un échec. Un seul client, le construc­teur auto­mo­bile Magna Steyr, qui renonce faute de demandes et de débou­chés actuel­le­ment… », explique Pierre-Ange Car­mo­na. « Le déve­lop­pe­ment de l’électrique devait com­pen­ser la délo­ca­li­sa­tion en Pologne des démar­reurs pour die­sel, mais faute de réel déve­lop­pe­ment de l’électrique et donc de pro­duc­tion, c’est le chô­mage par­tiel qui est uti­li­sé par l’entreprise », s’indigne-t-il.

Depuis son rachat des parts de Sie­mens dans Valeo Sie­mens auto­mo­tive, l’entreprise espère deve­nir un des lea­ders mon­diaux de la pro­pul­sion élec­trique haute ten­sion. « Le pro­blème, déclare Siham Bar­nak, c’est que le site hon­grois dédié n’est pas opé­ra­tion­nel faute de main d’œuvre qua­li­fiée. D’où un chan­tage à l’emploi auprès des tech­ni­ciens de Saint-Quen­tin-Fal­la­vier en chô­mage par­tiel pour déci­der cer­tains à par­tir en Hon­grie… » Et les pro­messes de déve­lop­pe­ment d’un GMG 25 kW en France relèvent du « men­songe », selon Pierre-Ange Car­mo­na, qui pré­cise que « les lignes de pro­duc­tion ne sont pas adap­tées aux nou­veaux pro­duits » et que, ce qui est à l’ordre du jour, c’est la délo­ca­li­sa­tion en Pologne pour gagner sur les coûts de pro­duc­tion.

Chiffres d’affaires en hausse

« C’est incroyable de voir ça, et que la Direccte valide tout ça ! », se désole Pierre-Ange Car­mo­na. « Les sala­riés CDI sont en chô­mage par­tiel et on exploite à fond les inté­ri­maires dans le cadre de trans­fert de pro­duc­tion à l’intérieur même de l’usine. » « Il n’y a pas assez de bou­lot pour tout le monde mais on délo­ca­lise », ren­ché­rit Ali Ari­kan, tech­ni­cien sur ligne de pro­duc­tion mais qui est tan­tôt affec­té à de la for­ma­tion, tan­tôt envoyé sur telle ou telle ligne ou en chô­mage par­tiel…

L’entreprise se porte pour­tant bien. A l’issue du 1er semestre 2022, « le chiffre d’affaires conso­li­dé de 9 419 mil­lions d’euros est en hausse de 5 % par rap­port à la même période en 2021 ». En 2021, le résul­tat net part du groupe s’élevait à 175 mil­lions d’euros pour un CA annuel de 17 262 mil­lions d’euros.

Selon Pierre-Ange Car­mo­na, on assiste à un véri­table gâchis indus­triel avec une entre­prise qui engrange énor­mé­ment d’argent public (CICE et autres dis­po­si­tifs type COVID) pour lan­cer des plans indus­triels, mettre en place des lignes de pro­duc­tion ultra modernes qui seront ensuite délo­ca­li­sées. Un scan­dale indus­triel dou­blé d’un pillage des deniers publics que la CGT a bien l’intention de dénon­cer et contes­ter.

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