Célébration des trois ans des gilets jaune au rond-point de Crolles
Par Pierre-Jean Crespeau
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Un gâteau avec sa grosse bougies et beaucoup de sourires.
“On est là, on est là, même si Macron ne veut pas nous on est là ! On est là, on est là, pour l’honneur des travailleurs et pour un monde meilleur nous on est là !”
Sous un brouillard automnal persistant, retenti l’hymne des gilets jaunes au rond-point du Raffour. Ce samedi 20 novembre les gilets jaunes de Crolles et leurs invités de Grenoble et de Saint-Sauveur célébraient le troisième anniversaire du mouvement. L’occasion de recueillir quelques témoignages parmi la quarantaine de gilets jaunes présents.
Jacques Garde.
Jacques Garde est depuis trois ans sur le rond-point de Crolles. Loin du monde syndical, il n’était pas non plus politisé. Sa vie a changé en novembre 2018. Il parle de « déflagration » pour qualifier l’émergence du mouvement. Aujourd’hui il ne reste que le noyau dur. « On est une vingtaine à faire vivre ce rond-point quotidiennement. D’autres viennent de temps en temps. On se mobilise toutes les semaines, c’est un gros investissement. On maintient les braises. À un moment donné, ça se réveillera. »
Patraque.
On l’appelle « Patraque », et malgré la fatigue il est toujours là : « Dès le début, j’étais au rond-point de Champ-près-Froges avec des artisans, après j’ai pris goût à venir à Crolles. Je suis retraité mais c’est pas pour moi que je me bats mais pour les jeunes. Je suis un peu déçu parce que la jeunesse n’est pas assez présente. »
Pascale Lemaire.
Il n’est pas le seul à se battre par solidarité. C’est le cas aussi de Pascale Lemaire, retraitée, gilet jaune depuis le début du mouvement. « Il faut se battre pour nos enfants et la planète », nous dit-elle avec conviction. Elle nous raconte avec enthousiasme le début du mouvement : « On attendait avec mon mari depuis longtemps une espèce de spontanéité du peuple, avec le ras-le-bol qui couvait sérieusement et les injustices… On ne pouvait plus continuer comme ça. Cet appel a été entendu, et cela nous a ravis, par des centaines de milliers de personnes qui sont descendues ce 17 novembre 2018. Avec Patrick, on a été ravis, ça a été un espoir… Enfin ! Chaque génération a son lot d’espoirs, quand on a vu ça, on y a cru. Au fur et à mesure, on est venu à Crolles. On avait une place, une espèce d’agora pour parler, échanger, être solidaire. »
Ce 20 novembre, tous se sont retrouvés sur le rond-point du Raffour, à Crolles, dans la vallée du Grésivaudan.
Pascale nous explique avec une certaine émotion l’élément déclencheur pour elle : « Ce qui m’a fait sortir ce sont les six enfants qui sont morts en 2018 dans la rue car SDF. Ça m’a été insupportable. On ne peut pas accepter l’inacceptable. Les riches sont de plus en plus riches, les pauvres de plus en plus pauvres. Il faut en finir avec ce capitalisme et ces injustices terribles. En France quand même, pays des droits de l’Homme, sixième puissance du monde, de voir des gens, des travailleurs ne plus pouvoir subvenir aux besoins de leur famille ce qui engendre des séparations, des souffrances terribles. Il y a des gens qui dorment dans leur voiture, qui travaillent, et ça continue ! »
Pour Pascale il y a de plus en plus de raisons de continuer, mais trois ans après le début, quel bilan tirer du mouvement ? « Beaucoup on délaissé le mouvement par crainte car la répression a été terrible et l’est encore. Il y a un autoritarisme d’état qui s’est instauré. » s’indigne Pascale qui a elle-même été blessée le 2 octobre 2021. Deux côtes cassées.
Lutte des classes, lutte contre le capitalisme, un discours partagé par un certain nombre de gilets jaunes comme Liliane, militante d’ATTAC, qui regrette l’éclatement des luttes. « Le peuple est divisé », nous dit-elle en s’interrogeant sur ce qu’elle appelle le « wokisme » qu’elle voit d’un œil perplexe. Il existe une incompréhension vis-à-vis de certains mouvements qui font le choix de cliver plutôt que d’unir. Qu’à cela ne tienne, les gilets jaunes tendent la main en portant leurs revendications prioritaires: Le mieux vivre, la dignité des travailleurs, le pouvoir d’achat.
Christian Ferraris.
Parmi les invités présents, Christian Ferraris du rond-point Pierre et Marie Curie (Grenoble) : « On est venu soutenir nos camarades gilets jaunes au Raffour. C’est une célébration des trois ans des gilets jaunes. Le mouvement a commencé le 17 novembre 2018. » Après la célébration, l’action « Cet après-midi on part en convoi vers la manifestation à Grenoble ».
Pour le rond-point de Saint Sauveur, Joëlle De Lima Sousa a accepté de témoigner, comme beaucoup d’autres présents ici, elle est « gilets jaunes » depuis le début. « Il y a des choses qui ont changé mais beaucoup d’autres non. On ré-attaque sur le pouvoir d’achat, tout a augmenté, les taxes c’est infernal. Les gens n’en peuvent plus. On ne sait pas comment ramener les gens sur les ronds-points. On essayer de faire des choses mais ça ne bouge pas trop . » Tout n’est pas négatif : « Sur notre rond-point on est bien klaxonné, les gens sont avec nous. »
Avec les gilets jaunes de Crolles ils se retrouvent en manifestation, partageant les mêmes combats. Le mouvement des gilets jaunes se cherche une seconde jeunesse, un nouveau souffle pour réanimer les braises. La jeunesse n’est pas présente sur les ronds-points mais bien présente par exemple dans les manifs pour le climat où l’on retrouve aussi des gilets jaunes.
Qui a une montre capable de donner l’heure de la convergence ?