Assurance chômage. Mobilisation contre une réforme régressive
Par Edouard Schoene
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A l’appel du collectif qui soutient l’occupation de la MC2, un rassemblement place de Verdun le 10 avril.
Samedi 10 avril cinq cents à mille manifestants, dont de nombreux jeunes, se sont rassemblés place de Verdun à l’appel du collectif « Ouvertures essentielles en lutte Isère » qui occupe MC2. Les signataires (*) appelaient en premier lieu le gouvernement à retirer la réforme de l’assurance chômage). Les manifestants ont ensuite défilé jusqu’à la MC2, après une lecture émouvante (cf ci-après) et un moment musical de jeunes étudiants-es du conservatoire de Grenoble.
* ATTAC, Collage Féministes Grenoble, Collectif des syndicats du spectacle et de la culture CGT Isère, CNT 38, Culture essentielles en lutte Isère, DAL 38, EELV, Ensemble, France insoumise Grenoble, France Insoumise Isère, FSU38 GénérationS, Gilets jaunes 38, Gilets jaunes Isère, Lanceurs de Tuile, MNL Isère, NPA 38, PCF Isère, PEPS, Précaires Solidaires, Solidaires Isère, UD CGT Isère, UCL, UEG, UNEF, UNL,
Le texte lu par Ienisseï Teicher, une colère poétique face aux ogres
Les lecteurs du Travailleur alpin peuvent ici bénéficier du texte écrit et lu lors du rassemblement, avec une force exceptionnelle, par son autrice, Ienisseï Teicher (compagnie Kikéi), comédienne, poète, danseuse. Nous l’en remercions.
« Est-ce que tu as vu?
Est-ce que tu as vu les ogres rangés en ordre de bataille ? Leurs gueules grandes ouvertes, et la salive collante.
Leurs lèvres sont en limaille, la dent est saine l’œil, à demi fermé par le fantasme, je les entends qui jubilent.
Et tu sais ce qu’ils bouffent ces ogres ?
Ils bouffent ses enfants de la république, ils bouffent ses citoyens, ils sucent leur moelle, rongent leurs os jusqu’à blanchiment total,
comme des fourmis consciencieuses.
Les meilleurs chairs sont les plus pauvres, pauvres en vitamine, c’est le paradoxe.
Ils aiment les repas chiches, comme pain trempé dans l’eau, ils se gavent de nos transparences, consomment du pauvre, du mal nourri à l’apéro.
Est-ce que tu sais qui sont ces ogres ?
Des grands, très grands de ce monde, gloire et beauté sur eux, grands chefs entreprenants, libres,
libres et riches, fortunes incandescentes, la dent qui brille, cachés sous des déguisements
la peau de nos dirigeants et gouvernants, sous chefs en tout genre, maîtres de nos tous petits mondes, maîtres de nos temps,
Est-ce que tu sais comment ils font
et ce qu’ils font ?
Ils nous mettent à poil avant de nous aspirer, l’air passe entre leurs dents.
Après avoir détricotés nos habits sociaux, nos laines chaudes et altruistes des services publics, des services rendus à l’autre, quelle utopie…
après avoir tiré le fil des retraites, après avoir vidé l’écheveau des protections au travail, des codes acquis du travail, après s’être assurés par Sécurité Globale qu’on ne pourrait plus broncher,
après avoir disqualifié le droit à savoir, puis le droit à penser, l’exercice fondamental de la pensée, après diminution lente et subtile de tous les contres pouvoir, syndicaux, associatifs, parlementaires, manifestations,
après des poussées franches pour nous monter en mayonnaise, les uns contre les autres, couper les fils en quatre, faire jaillir les haines ancestrales et primaires,
maintenant que notre paletot ne tient plus qu’à un fil,
voilà qu’ils reviennent à la charge, qu’ils ressortent du placard les vieux vestons, ceux du dessous de la pile, une réforme sur les chômeurs s’engage :
une réforme de l’assurance chômage
Salut à toi le chômeur
Salut à toi l’intérimaire
Salut à toi le livreur Déliveroo ou chez Uber
Salut à toi le criblé de dettes top pauvre pour rembourser, n’as-tu d’ailleurs pas honte ?
Salut à toi la serveuse qui bossait au café du coin,
Salut à toi le plongeur, celui du restau pas loin salut à toi le saisonnier des stations de ski ou d’ailleurs, le sans boulot, le sans rien faire; celui qui cueille ou qui ramasse,
Salut à toi, l’ouvreur, salut à toi l’ étudiant sans tes p’tits jobs
Démerde toi pour tes études, d’ailleurs elles servent à rien, tu peux stopper et faire plaisir à qui lutte contre la pensée,
Salut à toi l’aide soignante au corps flingué, qui démissionne juste pour souffler
Salut à toi la chômeuse celle qu’est en fin de droit, fallait bosser plus tôt, fallait aller plus droit
Salut à toi l’intermittent, t’avais qu’à faire un beau chapeau
Cette liste n’est évidemment pas exhaustive, il s’y amoncelle des gens à la pelle.
Le chômeur est une cible de choix, vidons-le de sa substance.
Il est vrai que le chômeur ou futur chômeur est un animal fainéant et qui coûte à la société un pognon de dingue.
S’il travaille, c’est dans l’unique but d’arrêter de travailler, afin de profiter de rentes mirifiques. Payé à rien foutre quoi.
Le chômeur aime avant tout passer ses journées entre ses 4 murs à écrire des lettres pour retrouver le patron qui l’adoptera.
Si l’allocation chômage a été conçue comme un droit, dans des temps anciens où la société avait pour vision la bien portance de tous,
si cette allocation était prise sur cotisations et étudiée comme une assurance,
c’est l’assurance qui palliait les défauts et accidents de la vie qui parfois se rebiffe et vous rase l’herbe sous les pieds.
Il faut savoir que depuis quelques années elle est devenue comme une aumône, indépendante des cotisations parce que provenant de la CSG.
L’esprit de solidarité n’est délibérément et désespérément plus.
Tout le monde sait que l’humain est responsable s’il n’est pas allé de l’avant, si il a oublié de se lever tôt le matin, s’il ne s’est pas pris en charge, si il a des défauts, des accroches, des rayures, des mal façon, si il n’a pas de chance un jour, si il perd son boulot un autre jour, si il tombe sur un patron voyou et licencieux, ou si une pandémie s’abat et que les gouvernements décident de fermer le monde.
Donc pourquoi quand on est dirigeant, quand on tient les ficelles, ne pas profiter des cette aubaine pour demander plus, pour demander un effort national, renflouer par des grains de sable les trous de la mer, que les pauvres paient et comblent les lacunes.
Dorénavant, si vous perdez votre job ou que vous avez du mal à en trouver, il vous faudra travailler plus longtemps, 6 mois sur une période de 24 mois au lieu de 4 mois sur une période de 28 mois pour avoir une allocation réduite, amputée de 7 à 50 pour cent.
Sachez qu’un million d’emplois ont été perdus en 2020, un chiffre faramineux !
Les périodes non travaillées viendront directement s’ajouter à celles travaillées pour recalculer et faire baisser l’allocation à laquelle vous avez le droit.
Tout le monde sait que le travail court en tout sens dans les rues en ce moment, il est si aisé d’en attraper un en passant, puis tant d’autres car nous sommes dans le monde de la profusion, du plein emploi, de l’épanouissement, N’oublions pas que depuis un an, les bars et les restai’ , les boites de nuits, les centres touristiques sont fermés, beaucoup de boutiques sont fermées, les montagnes sont fermées, les lieux culturels sont fermés, et j’en passe évidemment. Il est donc aisé de penser que si vous ne trouvez pas travail à votre pieds, c’est que vous avez mal cherché, que vous êtes mal lunés et que vous n’avez pas ouverts vos yeux en traversant la rue.
Prenez garde, l’ogre en voiture peut vous écraser avant de vous sucer la moelle.
Ne faites pas exprès de comprendre, amis pauvres et/ou chômeurs, vous être responsables de tous les trous de la planète. Et encore, je ne parle pas des exilés …
Bref, vous l’aurez compris, les ogres qui nous gouvernent on décidé de remettre sur leur table cette réforme de l’assurance chômage dont le décret est passé le 31 mars et qui sera appliquée le ler juillet 2021. Cette réforme contribuera a faire tomber encore plus de gens dans le chaudron de la pauvreté, de la précarité. Elle impactera dans l’immédiat vraisemblablement de 840 000 à 1,15 million personnes qui verront leur allocation fondre comme beurre dans la poêle. Cette allocation deviendra pour beaucoup indécente et insuffisante au regard du coût de la vie, puisqu’elle pourra avoisiner le montant d’un RSA pour toutes celles et ceux qui auront eu des périodes sans activités.
Les ogres de l’Union européennes quant à eux, se mettent à table avec leurs copains français et continuent d’appliquer leur feuille de route pour toujours et encore faire baisser le coût du travail, c’est a dire in fine, casser et vider les caisses de cotisations et donc nos solidarités…
Un grand festin, nu peuplé de cons, une ripaille de tous les diables Une logique de paupérisation à son comble.
Une logique d’aubaines en chaîne aussi.
Une cascade d’éructations
Le monde de la culture, intermittents et autres s’est toujours battu pour son monde mais aussi pour tous les précaires. Rappelons que l’intermittence est aussi un chômage.
Croire en la lutte, croire en ses droits, croire en la solidarité permet de garder la tête haute et permet parfois d’ arriver à gagner ou regagner ses droits.
Nous ne pouvons pas laisser passer cette nouvelle loi scandaleuse, désastreuse, dangereuse.
Nous devons descendre dans la rue, informer toutes et tous ceux qui pensent être à l’abri du chômage et toutes et tous ceux qui sont en plein dedans ou au bord de
et lutter sans relâche, en grand nombre, afin de faire reculer ces ogres.
ravalent leur salive, qu’ils s’entre bouffent.
Soyons le contre pouvoir
Sortons nos fourchettes et nos tabliers amidonnés, ne nous laissons pas grignoter.
Il n’a y a pas que les restau clandestins pour les riches, il y a aussi de belles et joyeuses cantines populaires,
A la soupe et bon appétit les amis! »
Ienisseï Teicher
Les étudiants du conservatoire.
En musique.
Ienisseï Teicher.
Prise de parole de Michel Szempruch.