Isère. Le tribunal administratif somme la préfecture de réviser l’accueil des étrangers

Par Manuel Pavard

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Bouge ta préf 38 avait appelé à un rassemblement, le 24 mars, devant le tribunal administratif, qui examinait un recours des associations contre les conditions d'accueil des étrangers à la préfecture.
Le tribunal administratif de Grenoble a enjoint, dans une ordonnance du 21 juillet, à la préfète de l'Isère de mettre en place "des mesures alternatives aux procédures dématérialisées" pour les demandes et renouvellement de titre de séjour, dans un délai de deux mois. Le tout assorti d'une astreinte de 500 euros par jour de retard. Les associations requérantes, membres de la coordination Bouge ta préf, accusaient la préfecture de ne pas respecter une précédente décision à ce sujet.

« Cette déci­sion nous satis­fait plei­ne­ment », com­mente sobre­ment la coor­di­na­tion Bouge ta préf 38, qui regroupe 56 orga­ni­sa­tions, asso­cia­tions et col­lec­tifs locaux. Sans ver­ser dans le triom­pha­lisme — les écueils res­tant très nom­breux -, celle-ci savoure néan­moins l’or­don­nance ren­due le 21 juillet 2025 par le tri­bu­nal admi­nis­tra­tif de Gre­noble. Une réelle vic­toire dans le duel judi­ciaire qui l’op­pose à la pré­fec­ture depuis de longs mois.

Il est ain­si « enjoint à la pré­fète de l’I­sère de mettre en place, à titre pro­vi­soire, des mesures alter­na­tives aux pro­cé­dures déma­té­ria­li­sées » pour les demandes de déli­vrance et renou­vel­le­ment de titre de séjour. Et ce, « dans un délai de deux mois à comp­ter de la noti­fi­ca­tion de la pré­sente ordon­nance ». Pour cou­ron­ner le tout, « cette injonc­tion est assor­tie d’une astreinte de 500 euros par jour de retard », aver­tit le tri­bu­nal.

Le col­lec­tif Bouge ta préf en pro­ces­sion le 24 mars, place de Ver­dun, pour l’en­ter­re­ment des droits.

Un peu moins d’un mois après l’au­dience du 27 juin, le juge des réfé­rés donne donc rai­son aux asso­cia­tions requé­rantes, toutes membres de Bouge ta préf. L’Accueil des deman­deurs d’a­sile (Ada), l’Association de par­rai­nage répu­bli­cain des deman­deurs d’a­sile (Apar­dap), l’Observatoire des dis­cri­mi­na­tions et des ter­ri­toires inter­cul­tu­rels (ODTI), l’Ins­ti­tut de défense des droits de l’Homme (IDH) et la Cimade avaient en effet dépo­sé un recours en réfé­ré devant le tri­bu­nal admi­nis­tra­tif, afin de faire consta­ter la non-appli­ca­tion par la pré­fec­ture d’une pré­cé­dente déci­sion de la juri­dic­tion.

La « mauvaise foi totale » de la préfecture

D’a­près les asso­cia­tions, les ser­vices de l’É­tat n’a­vaient tout sim­ple­ment « pas exé­cu­té l’or­don­nance du 28 mars 2025 ». Laquelle leur inti­mait déjà de per­mettre un accès phy­sique aux gui­chets et d’of­frir des alter­na­tives à la prise de ren­dez-vous en ligne. De son côté, la pré­fète sou­te­nait avoir res­pec­té l’in­jonc­tion du tri­bu­nal, notam­ment en ins­tau­rant un nou­veau sys­tème de demande de ren­dez-vous.

Robert Seas­sau, co-pré­sident de l’A­par­dap, fus­tige sa « mau­vaise foi totale ». Certes, recon­naît-il, « les per­sonnes peuvent désor­mais venir reti­rer leur titre de séjour mais ce n’est qu’une petite par­tie de la ques­tion ». Car mal­gré cer­taines « amé­lio­ra­tions », il sub­siste « encore de gros points noirs », sou­ligne le mili­tant. Illus­tra­tion avec le nou­veau sys­tème van­té par la par­tie adverse. « La pré­fec­ture dit qu’il est pos­sible de prendre ren­dez-vous avec le point d’ac­cueil numé­rique (PAN). Mais il faut prendre ren­dez-vous par mail car au numé­ro de télé­phone indi­qué, ça ne répond pas, dénonce Robert Seas­sau. Et même par mail, on n’a sou­vent pas de réponse. »

Près de 150 per­sonnes étaient venues sou­te­nir Bouge ta préf lors de l’au­dience du 24 mars.

Que ce soit via le PAN ou le télé­ser­vice « démarches sim­pli­fiées », la pro­cé­dure relève bien sou­vent du par­cours du com­bat­tant. Exemple pour les pre­mières demandes de titre de séjour, avec « à peine 30 % de ren­dez-vous don­nés », indique le mili­tant, qui accuse la pré­fec­ture de « fil­trer selon le motif de la demande », bafouant ain­si le droit.

Et que dire des délais de trai­te­ment des dos­siers ? « Pour les régu­la­ri­sa­tions, il y a plein de gens qui attendent depuis un an et demi ou deux ans », s’in­digne Robert Seas­sau. Des retards presque tou­jours syno­nymes de situa­tions indi­vi­duelles et fami­liales dra­ma­tiques. Reste main­te­nant une ques­tion : que va faire la pré­fec­ture ?

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