Isère. Le tribunal administratif somme la préfecture de réviser l’accueil des étrangers
Par Manuel Pavard
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« Cette décision nous satisfait pleinement », commente sobrement la coordination Bouge ta préf 38, qui regroupe 56 organisations, associations et collectifs locaux. Sans verser dans le triomphalisme — les écueils restant très nombreux -, celle-ci savoure néanmoins l’ordonnance rendue le 21 juillet 2025 par le tribunal administratif de Grenoble. Une réelle victoire dans le duel judiciaire qui l’oppose à la préfecture depuis de longs mois.
Il est ainsi « enjoint à la préfète de l’Isère de mettre en place, à titre provisoire, des mesures alternatives aux procédures dématérialisées » pour les demandes de délivrance et renouvellement de titre de séjour. Et ce, « dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente ordonnance ». Pour couronner le tout, « cette injonction est assortie d’une astreinte de 500 euros par jour de retard », avertit le tribunal.

Un peu moins d’un mois après l’audience du 27 juin, le juge des référés donne donc raison aux associations requérantes, toutes membres de Bouge ta préf. L’Accueil des demandeurs d’asile (Ada), l’Association de parrainage républicain des demandeurs d’asile (Apardap), l’Observatoire des discriminations et des territoires interculturels (ODTI), l’Institut de défense des droits de l’Homme (IDH) et la Cimade avaient en effet déposé un recours en référé devant le tribunal administratif, afin de faire constater la non-application par la préfecture d’une précédente décision de la juridiction.
La « mauvaise foi totale » de la préfecture
D’après les associations, les services de l’État n’avaient tout simplement « pas exécuté l’ordonnance du 28 mars 2025 ». Laquelle leur intimait déjà de permettre un accès physique aux guichets et d’offrir des alternatives à la prise de rendez-vous en ligne. De son côté, la préfète soutenait avoir respecté l’injonction du tribunal, notamment en instaurant un nouveau système de demande de rendez-vous.
Robert Seassau, co-président de l’Apardap, fustige sa « mauvaise foi totale ». Certes, reconnaît-il, « les personnes peuvent désormais venir retirer leur titre de séjour mais ce n’est qu’une petite partie de la question ». Car malgré certaines « améliorations », il subsiste « encore de gros points noirs », souligne le militant. Illustration avec le nouveau système vanté par la partie adverse. « La préfecture dit qu’il est possible de prendre rendez-vous avec le point d’accueil numérique (PAN). Mais il faut prendre rendez-vous par mail car au numéro de téléphone indiqué, ça ne répond pas, dénonce Robert Seassau. Et même par mail, on n’a souvent pas de réponse. »

Que ce soit via le PAN ou le téléservice « démarches simplifiées », la procédure relève bien souvent du parcours du combattant. Exemple pour les premières demandes de titre de séjour, avec « à peine 30 % de rendez-vous donnés », indique le militant, qui accuse la préfecture de « filtrer selon le motif de la demande », bafouant ainsi le droit.
Et que dire des délais de traitement des dossiers ? « Pour les régularisations, il y a plein de gens qui attendent depuis un an et demi ou deux ans », s’indigne Robert Seassau. Des retards presque toujours synonymes de situations individuelles et familiales dramatiques. Reste maintenant une question : que va faire la préfecture ?