La Rampe-Echirolles – Ne me touchez pas. Un duo original et subtil
Par Régine Hausermann
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Le titre suggère l’injonction de Jésus à Marie Madeleine : Noli me tangere, Ne me touche pas, sujet traité dans de nombreux tableaux religieux. Laura Bachman s’y réfère indirectement lorsqu’elle dit vouloir « explorer le tabou du toucher dans une société influencée par sa culture religieuse ».
Première séquence – La danseuse Marion Barbeau est immobile au centre d’un carré de lumière. Elle se touche le nez, la joue, le bras… sur un rythme toujours plus rapide. Les gestes deviennent fébriles, sa robe noire fluide est animée de sursauts, les bras enserrent le corps. La danseuse est animée de tics, elle se contorsionne à la recherche de nouveaux endroits sur son corps et sur une bande son toujours plus stridente. Puis la tension diminue, le corps s’est assoupli, prêt à rencontrer un autre corps.
Deuxième séquence – Une silhouette s’approche dans la pénombre, brune, vêtue d’un pantalon large et d’un soutien-gorge noirs. Elle s’arrête derrière la danseuse blonde et, dissimulée derrière son corps, se met à l’effleurer. Seules les mains de Laura Bachman sont visibles. Elles suscitent d’abord des mouvements de refus. De plus en plus audacieuses, elles continuent, explorant le corps de la danseuse blonde qui nous fait face. D’abord rejetées puis acceptées et désirées. Un duo s’est esquissé mais la jeune femme blonde s’échappe.
Troisième séquence – Au tour de la danseuse brune d’être seule sur scène. Accompagnée de la chaude musique de l’accordéon de Vincent Peirani, Laura Bachman se lance dans un solo sensuel, aux antipodes du solo initial. Chez elle, le corps est roi, le corps exulte. Il se caresse, il se donne à voir dans les postures les plus érotiques. C’est d’une extrême beauté !
Quatrième séquence – Les deux danseuses sont de nouveau réunies, quasi à l’inverse de la deuxième séquence. La brune de dos, torse nu. Devant elle, regardant le public, la blonde l’invite à se mouvoir sur place, esquisse des caresses, l’attire vers elle.

Dans les séquences suivantes, les corps hésitent encore entre distance et proximité mais c’est l’attirance qui domine, notamment dans un mouvement de valse où les deux jeunes femmes occupent tout l’espace du plateau, au son de l’accordéon. D’abord en robe et pantalon, leur entente les incite à la nudité, sous forme d’éclairs. Le public est conquis.
Toutes deux ont été danseuses du ballet de l’Opéra de Paris. Marion Barbeau, née en 1991, est devenue comédienne avec le film En corps de Cédric Klapisch où elle interprète le rôle d’une danseuse étoile classique qui se reconvertit dans la danse contemporaine après un accident.

À partir de 2016, Laura Bachman, née en 1994, a sillonné le monde avec le ballet Rosas d’Anne Teresa de Keersmaker. Elle développe aujourd’hui ses propres recherches.
Vincent Peirani était absent mardi soir, blessé à la main. On imagine ce que sa présence sur scène aurait apporté à sa musique, déjà si suggestive. On lui souhaite un prompt rétablissement.
Laura Bachman en répétition. © Abel Llavall-Ubach