La Rampe-Echirolles – Ne me touchez pas. Un duo original et subtil

Par Régine Hausermann

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Marion Barbeau et Laura Bachman. © Christophe Manquillet
Mardi 6 mai 2025 – Laura Bachman interroge notre rapport au toucher dans toute sa puissance et sa complexité. Les corps se craignent ou s’attirent, s’apprivoisent et s’accordent. Le duo qu’elle forme avec Marion Barbeau commence dans la froideur et la distance puis évolue vers l’exultation, aux sons de l’accordéon de Vincent Peirani et des percussions de Michele Rabbia. Une heure de pur plaisir !

Le titre sug­gère l’injonction de Jésus à Marie Made­leine : Noli me tan­gere, Ne me touche pas, sujet trai­té dans de nom­breux tableaux reli­gieux. Lau­ra Bach­man s’y réfère indi­rec­te­ment lorsqu’elle dit vou­loir « explo­rer le tabou du tou­cher dans une socié­té influen­cée par sa culture reli­gieuse ».

Pre­mière séquence – La dan­seuse Marion Bar­beau est immo­bile au centre d’un car­ré de lumière. Elle se touche le nez, la joue, le bras… sur un rythme tou­jours plus rapide. Les gestes deviennent fébriles, sa robe noire fluide est ani­mée de sur­sauts, les bras enserrent le corps. La dan­seuse est ani­mée de tics, elle se contor­sionne à la recherche de nou­veaux endroits sur son corps et sur une bande son tou­jours plus stri­dente. Puis la ten­sion dimi­nue, le corps s’est assou­pli, prêt à ren­con­trer un autre corps.

Deuxième séquence – Une sil­houette s’approche dans la pénombre, brune, vêtue d’un pan­ta­lon large et d’un sou­tien-gorge noirs. Elle s’arrête der­rière la dan­seuse blonde et, dis­si­mu­lée der­rière son corps, se met à l’effleurer. Seules les mains de Lau­ra Bach­man sont visibles. Elles sus­citent d’abord des mou­ve­ments de refus. De plus en plus auda­cieuses, elles conti­nuent, explo­rant le corps de la dan­seuse blonde qui nous fait face. D’abord reje­tées puis accep­tées et dési­rées. Un duo s’est esquis­sé mais la jeune femme blonde s’échappe.

Troi­sième séquence – Au tour de la dan­seuse brune d’être seule sur scène. Accom­pa­gnée de la chaude musique de l’accordéon de Vincent Pei­ra­ni, Lau­ra Bach­man se lance dans un solo sen­suel, aux anti­podes du solo ini­tial. Chez elle, le corps est roi, le corps exulte. Il se caresse, il se donne à voir dans les pos­tures les plus éro­tiques. C’est d’une extrême beau­té !

Qua­trième séquence – Les deux dan­seuses sont de nou­veau réunies, qua­si à l’inverse de la deuxième séquence. La brune de dos, torse nu. Devant elle, regar­dant le public, la blonde l’invite à se mou­voir sur place, esquisse des caresses, l’attire vers elle.

Marion Bar­beau dans « En corps » de Cédric Kla­pish. © Emma­nuelle Jacob­son-Roques

Dans les séquences sui­vantes, les corps hésitent encore entre dis­tance et proxi­mi­té mais c’est l’attirance qui domine, notam­ment dans un mou­ve­ment de valse où les deux jeunes femmes occupent tout l’espace du pla­teau, au son de l’accordéon. D’abord en robe et pan­ta­lon, leur entente les incite à la nudi­té, sous forme d’éclairs. Le public est conquis.

Toutes deux ont été dan­seuses du bal­let de l’Opéra de Paris. Marion Bar­beau, née en 1991, est deve­nue comé­dienne avec le film En corps de Cédric Kla­pisch où elle inter­prète le rôle d’une dan­seuse étoile clas­sique qui se recon­ver­tit dans la danse contem­po­raine après un acci­dent.

À par­tir de 2016, Lau­ra Bach­man, née en 1994, a sillon­né le monde avec le bal­let Rosas d’Anne Tere­sa de Keers­ma­ker. Elle déve­loppe aujourd’hui ses propres recherches.

Vincent Pei­ra­ni était absent mar­di soir, bles­sé à la main. On ima­gine ce que sa pré­sence sur scène aurait appor­té à sa musique, déjà si sug­ges­tive. On lui sou­haite un prompt réta­blis­se­ment.

Lau­ra Bach­man en répé­ti­tion. © Abel Lla­vall-Ubach

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