La Rampe — Échirolles – Le Ballet de Lorraine. Éblouissant !

Par Régine Hausermann

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Static Shot, de Maud Le Pladec. © Laurent Philippe
Jeudi 10 avril 2025 – Les deux ballets signés Maud Le Pladec et Marco da Silva Ferreira, au programme de la soirée, sont un régal pour les yeux. Par la beauté des costumes, le nombre de danseurs et de danseuses, leur énergie et celle de la musique. Ils sont vingt sur scène et la quasi-totalité des séquences sont conçues pour le groupe tout entier. Hymne au collectif et à la beauté, à travers la singularité des corps.

Static Shot, entre défilé de mode et collage cinématographique

Dans Sta­tic Shot, le mou­ve­ment ne s’arrête jamais. Entré·es sur scène, moi­tié à cour et moi­tié à jar­din, les dan­seurs et dan­seuses sai­sissent par la varié­té et l’originalité de leurs cos­tumes — signés Chris­telle Kocher — et l’ordonnancement de leurs évo­lu­tions.

Les deux groupes se croisent dans deux dia­go­nales impec­cables avant de lon­ger les côtés et de repar­tir dans les dia­go­nales au rythme d’une musique élec­tro de la DJ Chloé Thé­ve­nin et du com­po­si­teur Pete Har­den. Ça pulse mais sur un rythme assez lent.

Par moments, dan­seurs et dan­seuses sont aligné·es ou forment une ronde colo­rée, faces tour­nées vers le public. Tou­jours en inter­ac­tion, s’attirant, se repous­sant, s’entremêlant. Ensemble tou­jours.

Les vingt minutes de ce « shot » consti­tuent un seul plan fixe créé à par­tir de don­nées fil­mo­gra­phiques éclec­tiques. Le pro­gramme cré­dite Miracle en Ala­ba­ma d’Arthur Penn, Pos­ses­sion de Zulaws­ki, Cho­rus Line de Bob Fosse, Série noire d’Alain Cor­neau, Beau tra­vail de Claire Denis, Home­co­ming de Beyon­cé, et d’autres encore. C’est à par­tir de ces maté­riaux que Maud Le Pla­dec a réa­li­sé un mon­tage, qui donne les grandes lignes dra­ma­tur­giques du bal­let. Dif­fi­cile d’identifier les sources. Peu importe, on se laisse empor­ter par l’énergie et la cohé­sion du groupe.

A Folia, rencontre entre danse d’antan et d’aujourd’hui

A Folia, de Mar­co da Sil­va Fer­rei­ra. © Laurent Phi­lippe

D’emblée, on est frap­pé par les res­sem­blances entre les deux bal­lets : les cou­leurs des cos­tumes qui semblent sor­tir du même ate­lier, la pré­sence constante du groupe de vingt danseur·ses et leur éner­gie. Mais l’inspiration est bien dif­fé­rente. Le Por­tu­gais Mar­co da Sil­va Fer­rei­ra s’appuie sur La Folia, une danse por­tu­gaise d’origine popu­laire, née au XVIe siècle, où toutes les excen­tri­ci­tés étaient per­mises. Ber­gers et ber­gères dan­saient avec viva­ci­té dans une atmo­sphère de transe col­lec­tive, en por­tant sur leurs épaules des hommes habillés en femmes. Désir de trans­gres­sion, de folie, lors de fêtes liées à la fécon­di­té. La Folia ancienne se mue en une série de défis entre les participant·es, une sorte de bat­tle, applau­die par celles et ceux qui les encerclent avant de prendre le relais.

La danse s’affirme comme exu­toire et force de ras­sem­ble­ment. L’envie nous prend d’entrer dans le mou­ve­ment sur la musique de Luis Pes­ta­na, ins­pi­rée du com­po­si­teur baroque Arcan­ge­lo Corel­li, dont la Sonate pour vio­lon et basse conti­nue en ré mineur nous ravit. Envie de dan­ser ensemble, de souf­fler ensemble, pour lut­ter.

En por­tu­gais, « Fole » signi­fie souf­flet. Vingt souf­flets action­nés ensemble, quelle force ! © Laurent Phi­lippe

Le bal­let Car­cass, que nous avons applau­di en avril 2024 à la MC2, était plus expli­ci­te­ment poli­tique. Sur le tapis blanc redres­sé, deve­nant mur de scène, s’inscrivait la tra­duc­tion de paroles en fran­çais et en anglais où il était ques­tion de tra­vailleuses et de tra­vailleurs, d’exploitation, de bour­geoi­sie pos­sé­dante. Mar­co da Sil­va Fer­rei­ra danse et fait dan­ser pour « rompre avec un pas­sé auto­ri­taire, tota­li­taire et pater­na­liste ».

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