Sans liberté de la presse, pas de démocratie !
Par Edouard Schoene
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Il revenait à Alain Boussard, président de la S2LH-38, de présenter la soirée et de souligner l’importance de développer le rayonnement de l’Humanité en élargissant ses lecteurs et en soutenant financièrement le quotidien.
Rosa Moussaoui débutait son propos par une illustration de ce que sont aujourd’hui les contenus de l’information. « L’actualité est occupée ces derniers jours par Trump les droits de douane et sa dernière décision de ne pas les mettre en œuvre immédiatement. Le traitement médiatique s’est beaucoup intéressé à l’effondrement puis à la remontée spectaculaire des cours de bourse. Ce que l’on ne dit pas, c’est que les proches de Trump ont réalisé des profits massifs en achetant quelques heures avant la dernière annonce de Trump : un délit d’initié massif. »

Puis elle a dressé un tableau des ravages que fait subir le capitalisme à la planète et ses habitants, dans le cadre d’une offensive idéologique sans précédent de l’extrême droite, la « post vérité ». La post vérité consiste à donner plus d’importance aux émotions, aux opinions, aux mensonges qu’à la réalité des faits. La bataille de l’information a été centrale pour le retour de l’extrême droite aux Etats-Unis.
Rosa Moussaoui cite Hanna Arendt : « Quand le mensonge devient généralisé, ce qui est détruit c’est le sens par lequel nous nous orientons dans le monde réel. » Plus personne ne croit en rien puis chacun ne croit que ce à quoi il veut croire. Dans ce cadre le rachat de Twitter par Elon Musk s’est inscrite dans une stratégie très pensée. Les algorithmes décident ce qui sera mis en valeur, ce qui sera invisibilisé dans les médias. L’information est un bien public sans lequel la démocratie n’existe plus.

Puis Rosa Moussaoui décrit le paysage médiatique concentré et maîtrisé par les capitalistes, auquel l’Humanité de ce 10 avril consacrait un dossier. Aux États-Unis, 90% des médias sont la propriété de six groupes, là où ils étaient cinquante il y a trente ans. En France, neuf milliardaires possèdent 80% des médias.
La rédactrice en chef souligne les mobilisations des personnels de l’audiovisuel public menacé, méritant notre soutien. Puis elle décrit la dégradation sans précédent des conditions des journalistes, précarisés, qui subissent les violences de l’extrême droite, de la police, qui sont victimes de procédures pour les bâillonner, qui sont victimes de tentatives de livrer leurs sources d’information.
L’Humanité est particulièrement ciblée par des procédures de justice dont elle sort gagnante, mais qui constituent notamment des pressions mentales sur les journalistes. La France est le troisième pays européen, après la Pologne et Malte, pour le nombre de ces procédures bâillon.

Depuis sa création par Jaurès, l’Humanité a défendu son droit et devoir d’indépendance vis-à-vis des puissances de l’argent et du pouvoir. Ceci grâce au soutien de ses lecteurs et des publics de la fête de l’Humanité, qui lui ont permis de dépasser 120 ans d’existence.
La rédactrice en chef rend hommage au personnel de l’Humanité très engagé, qui consacre un temps et une énergie considérables pour faire le quotidien. Elle souligne que l’Huma n’a que cent salariés dont soixante journalistes, tandis que Le Monde, par exemple, en compte quatre cents. « Il nous faudrait dix journalistes supplémentaires, rapidement, mais en 2025, avec les investissements importants de 2024, nous n’avons pas les moyens budgétaires. »
Dans le débat qui a suivi, les premiers échanges portaient sur les évolutions de l’Humanité vers les publications numériques et réseaux sociaux qui captent une part importantes des nouveaux lecteurs et abonnés. Sont évoqués les dispositions légales qu’il y aurait lieu de prendre pour la défense de la presse indépendante, de son droit à la distribution.

Un autre moment fort de la soirée portait sur la ligne éditoriale de l’Humanité. Un intervenant reprochait au journal la place accordée à la gauche non communiste dans ses pages.
Rosa Moussaoui, applaudie par l’assistance, a développé l’importance que l’Humanité, dans une période d’une gravité exceptionnelle, soit un lieu de convergence pour soutenir les grands combats émancipateurs. « Dans un moment où toute une cohésion sociale est en jeu, par une possible arrivée de l’extrême droite au pouvoir, les querelles à gauche sont indécentes. Nos colonnes doivent être ouvertes. Notre quotidien est communiste, ce n’est pas l’organe du PCF. L’Huma est un lieu où la gauche, les syndicalistes, les intellectuels… peuvent avoir un espace d’expression. »

Plusieurs propositions sont formulées par des amis de l’Humanité : une rubrique « revue des revues », une Humanité des enfants, des tirés à part (peu chers) d’enquêtes. Des militants de Saint-Martin‑d’Hères évoquent l’intérêt majeur de la vente hebdomadaire, au porte à porte ou dans des lieux de la cité, pour la diffusion du journal. Pierrot témoigne quant à lui de cinquante ans de vente militante.
Rosa Moussaoui se félicite de cette pratique : « C’est Marcel Cachin qui a créé les Comités de défense de l’Humanité (CDH) et notre pays a besoin de Pierrot partout sur le territoire ». La richesse du long débat ne peut trouver sa place dans cet article. L’échange portait essentiellement sur la réflexion pour trouver les pistes les plus pertinentes pour renforcer la qualité, élargir la lecture du quotidien l’Humanité, dans le paysage politique, économique, social de 2025.

