Sans liberté de la presse, pas de démocratie !

Par Edouard Schoene

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Rédactrice en chef de l'Humanité, Rosa Moussaoui s'est prêtée au jeu des questions réponses pendant plus de deux heures.
La Société des lectrices et lecteurs de l’Humanité (S2LH) invitait, avec le Travailleur alpin, ce jeudi 10 avril à Grenoble, à une rencontre avec Rosa Moussaoui, rédactrice en chef de l’Humanité, sur le thème « sans liberté de la presse pas de démocratie ». Après un exposé liminaire de la journaliste, connue pour ses années consacrées à la rubrique internationale, un débat très riche a suivi durant plus de deux heures.

Il reve­nait à Alain Bous­sard, pré­sident de la S2LH-38, de pré­sen­ter la soi­rée et de sou­li­gner l’importance de déve­lop­per le rayon­ne­ment de l’Humanité en élar­gis­sant ses lec­teurs et en sou­te­nant finan­ciè­re­ment le quo­ti­dien.

Rosa Mous­saoui débu­tait son pro­pos par une illus­tra­tion de ce que sont aujourd’hui les conte­nus de l’information. « L’actualité est occu­pée ces der­niers jours par Trump les droits de douane et sa der­nière déci­sion de ne pas les mettre en œuvre immé­dia­te­ment. Le trai­te­ment média­tique s’est beau­coup inté­res­sé à l’effondrement puis à la remon­tée spec­ta­cu­laire des cours de bourse. Ce que l’on ne dit pas, c’est que les proches de Trump ont réa­li­sé des pro­fits mas­sifs en ache­tant quelques heures avant la der­nière annonce de Trump : un délit d’initié mas­sif. »

Rosa Mous­saoui, rédac­trice en chef de l’Hu­ma­ni­té, et Alain Bous­sard, pré­sident de la socié­té des lec­teurs de l’Hu­ma 38.

Puis elle a dres­sé un tableau des ravages que fait subir le capi­ta­lisme à la pla­nète et ses habi­tants, dans le cadre d’une offen­sive idéo­lo­gique sans pré­cé­dent de l’extrême droite, la « post véri­té ». La post véri­té consiste à don­ner plus d’importance aux émo­tions, aux opi­nions, aux men­songes qu’à la réa­li­té des faits. La bataille de l’information a été cen­trale pour le retour de l’extrême droite aux Etats-Unis.

Rosa Mous­saoui  cite Han­na Arendt : « Quand le men­songe devient géné­ra­li­sé, ce qui est détruit c’est le sens par lequel nous nous orien­tons dans le monde réel. » Plus per­sonne ne croit en rien puis cha­cun ne croit que ce à quoi il veut croire. Dans ce cadre le rachat de Twit­ter par Elon Musk s’est ins­crite dans une stra­té­gie très pen­sée. Les algo­rithmes décident ce qui sera mis en valeur, ce qui sera invi­si­bi­li­sé dans les médias. L’information est un bien public sans lequel la démo­cra­tie n’existe plus.

Un débat qui s’est pour­sui­vi sans aucun temps mort.

Puis Rosa Mous­saoui décrit le pay­sage média­tique concen­tré et maî­tri­sé par les capi­ta­listes, auquel l’Humanité de ce 10 avril consa­crait un dos­sier. Aux États-Unis, 90% des médias sont la pro­prié­té de six groupes, là où ils étaient cin­quante il y a trente ans. En France, neuf mil­liar­daires pos­sèdent 80% des médias.

La rédac­trice en chef sou­ligne les mobi­li­sa­tions des per­son­nels de l’audiovisuel public mena­cé, méri­tant notre sou­tien. Puis elle décrit la dégra­da­tion sans pré­cé­dent des condi­tions des jour­na­listes, pré­ca­ri­sés, qui subissent les vio­lences de l’extrême droite, de la police, qui sont vic­times de pro­cé­dures pour les bâillon­ner, qui sont vic­times de ten­ta­tives de livrer leurs sources d’information.

L’Humanité est par­ti­cu­liè­re­ment ciblée par des pro­cé­dures de jus­tice dont elle sort gagnante, mais qui consti­tuent notam­ment des pres­sions men­tales sur les jour­na­listes. La France est le troi­sième pays euro­péen, après la Pologne et Malte, pour le nombre de ces pro­cé­dures bâillon.

Témoi­gnage sur le rôle que joue l’Hu­ma­ni­té au cœur des vies.

Depuis sa créa­tion par Jau­rès, l’Humanité a défen­du son droit et devoir d’indépendance vis-à-vis des puis­sances de l’argent et du pou­voir. Ceci grâce au sou­tien de ses lec­teurs et des publics de la fête de l’Humanité, qui lui ont per­mis de dépas­ser 120 ans d’existence.

La rédac­trice en chef rend hom­mage au per­son­nel de l’Humanité très enga­gé, qui consacre un temps et une éner­gie consi­dé­rables pour faire le quo­ti­dien. Elle sou­ligne que l’Huma n’a que cent sala­riés dont soixante jour­na­listes, tan­dis que Le Monde, par exemple, en compte quatre cents. « Il nous fau­drait dix jour­na­listes sup­plé­men­taires, rapi­de­ment, mais en 2025, avec les inves­tis­se­ments impor­tants de 2024, nous n’avons pas les moyens bud­gé­taires. »

Dans le débat qui a sui­vi, les pre­miers échanges por­taient sur les évo­lu­tions de l’Humanité vers les publi­ca­tions numé­riques et réseaux sociaux qui captent une part impor­tantes des nou­veaux lec­teurs et abon­nés. Sont évo­qués les dis­po­si­tions légales qu’il y aurait lieu de prendre pour la défense de la presse indé­pen­dante, de son droit à la dis­tri­bu­tion.

Rosa Mous­saoui et Manuel Pavard, rédac­teur en chef du Tra­vailleur alpin.

Un autre moment fort de la soi­rée por­tait sur la ligne édi­to­riale de l’Humanité. Un inter­ve­nant repro­chait au jour­nal la place accor­dée à la gauche non com­mu­niste dans ses pages.

Rosa Mous­saoui, applau­die par l’assistance, a déve­lop­pé l’importance que l’Humanité, dans une période d’une gra­vi­té excep­tion­nelle, soit un lieu de conver­gence pour sou­te­nir les grands com­bats éman­ci­pa­teurs. « Dans un moment où toute une cohé­sion sociale est en jeu, par une pos­sible arri­vée de l’extrême droite au pou­voir, les que­relles à gauche sont indé­centes. Nos colonnes doivent être ouvertes. Notre quo­ti­dien est com­mu­niste, ce n’est pas l’organe du PCF. L’Huma est un lieu où la gauche, les syn­di­ca­listes, les intel­lec­tuels… peuvent avoir un espace d’expression. »

De nom­breuses ques­tions sur le déve­lop­pe­ment de l’Hu­ma­ni­té comme média numé­rique, sa chaîne Twitch

Plu­sieurs pro­po­si­tions sont for­mu­lées par des amis de l’Humanité : une rubrique « revue des revues », une Huma­ni­té des enfants, des tirés à part (peu chers) d’enquêtes. Des mili­tants de Saint-Martin‑d’Hères évoquent l’intérêt majeur de la vente heb­do­ma­daire, au porte à porte ou dans des lieux de la cité, pour la dif­fu­sion du jour­nal. Pier­rot témoigne quant à lui de cin­quante ans de vente mili­tante.

Rosa Mous­saoui se féli­cite de cette pra­tique : « C’est Mar­cel Cachin qui a créé les Comi­tés de défense de l’Humanité (CDH) et notre pays a besoin de Pier­rot par­tout sur le ter­ri­toire ». La richesse du long débat ne peut trou­ver sa place dans cet article. L’échange por­tait essen­tiel­le­ment sur la réflexion pour trou­ver les pistes les plus per­ti­nentes pour ren­for­cer la qua­li­té, élar­gir la lec­ture du quo­ti­dien l’Humanité, dans le pay­sage poli­tique, éco­no­mique, social de 2025.

Pierre Bau­det, infa­ti­gable dif­fu­seur de l’Hu­ma­ni­té.

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