Exposition Banksy : un « objet culturel non identifié » atterrit à Échirolles

Par Manuel Pavard

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"Love is in the Air" (ou "Flower Thrower"), œuvre iconique de Banksy, réalisée en Cisjordanie.
L'exposition Banksy s'ouvre ce samedi 12 avril à la salle des fêtes d'Échirolles. Près de 280 œuvres du mythique et mystérieux artiste, issues de la collection d'un comédien, seront présentées au public jusqu'au 27 avril. Derrière cet événement street art, la "Banksy modeste collection", exposition éphémère et itinérante impliquant à chaque étape des dizaines d'associations locales. Avec un credo : partager les engagements militants de Banksy et refuser tout usage mercantile.

« Ça y est, les œuvres de Bank­sy sont à Échi­rolles et je n’en suis pas peu fière », avoue Aman­dine Demore. La maire d’É­chi­rolles sou­haite ain­si « par­ta­ger l’im­mense émo­tion » qu’elle a res­sen­tie en entrant dans la salle des fêtes, ce mer­cre­di 9 avril, et en décou­vrant l’ex­po­si­tion, à trois jours de son ouver­ture au public. Une fier­té tota­le­ment légi­time au regard de l’im­por­tance de l’é­vé­ne­ment.

Près de 280 œuvres de Bank­sy, expo­sées sur des palettes, seront visibles dans la salle des fêtes d’É­chi­rolles.

Bank­sy s’est en effet impo­sé pro­gres­si­ve­ment, depuis ses débuts dans les années 1990, comme l’un des, voire le nom le plus connu du street art — y com­pris en dehors des cercles de pas­sion­nés. Une noto­rié­té et une recon­nais­sance que le street-artiste doit bien sûr à la qua­li­té de ses pro­duc­tions, à son inven­ti­vi­té ain­si qu’à la dimen­sion poli­tique, sociale et socié­tale de son tra­vail.

« La Petite Fille au bal­lon », pein­ture au pochoir appa­rue pour la pre­mière fois en 2002 à Londres.

Huma­niste, anti­ca­pi­ta­liste, anti­co­lo­nia­liste, fémi­niste, éco­lo­giste, anti­ra­ciste, anti­fas­ciste… Chaque œuvre délivre un mes­sage épou­sant ses valeurs et enga­ge­ments. Mais le mythe Bank­sy doit aus­si beau­coup au mys­tère entou­rant sa véri­table iden­ti­té, laquelle fait l’ob­jet de mul­tiples spé­cu­la­tions. Un secret qui n’a tou­jours pas été per­cé à jour, ali­men­tant encore un peu plus la légende.

Une collection constituée en dix-sept ans

À Échi­rolles, ce sont près de 280 œuvres qui seront expo­sées du same­di 12 au dimanche 27 avril. « Toutes des œuvres ori­gi­nales », pré­cise Fran­çois Berar­di­no, alias Béru. L’homme qui s’est consti­tué cette fan­tas­tique col­lec­tion au fil des dix-sept années pas­sées. Et celui sans qui rien de tout cela ne serait arri­vé.

Fran­çois Berar­di­no aka Béru, comé­dien et pas­sion­né de street art, a débu­té cette col­lec­tion après avoir ren­con­tré Bank­sy par hasard en Angle­terre, en 2007.

Tout a com­men­cé lors d’une tour­née théâ­trale, en 2007, en Angle­terre, raconte le comé­dien, lui aus­si graf­feur et féru de street art : « J’ai ren­con­tré un artiste par hasard, sans savoir à qui j’a­vais affaire. Fina­le­ment, quelques mois après, j’ai su… J’ai com­pris, j’ai cher­ché, j’ai foui­né et j’ai mon­té ce que vous allez pou­voir décou­vrir ici. »

Béru confie avoir été, d’emblée, « énor­mé­ment tou­ché par l’es­prit de l’ar­tiste. Ça parle à notre huma­ni­té, à nos contra­dic­tions, de notre monde… Des sujets qu’on connaît tous : l’é­co­lo­gie, la guerre, la paix, l’a­mour, la situa­tion des enfants, les femmes, la vio­lence, la sur­con­som­ma­tion, le capi­ta­lisme », énu­mère-t-il.

Le por­trait d’une femme de ménage d’un motel de Los Angeles, immor­ta­li­sée par Bank­sy.

Des thèmes par­lant à tout le monde, pour des œuvres acces­sibles, sou­ligne le col­lec­tion­neur : « Que vous connais­siez l’ar­tiste ou non, il y a tou­jours plu­sieurs niveaux de lec­ture. Quels que soient son âge, ses convic­tions poli­tiques ou reli­gieuses, son appé­tence pour l’art, on est tou­ché par les images. »

Une exposition gratuite pour respecter le combat de Banksy

Après avoir acquis son pre­mier objet — la pochette du double album de Blur, Think Tank (pré­sen­tée à l’ex­po­si­tion) -, Fran­çois Berar­di­no a conti­nué à gla­ner pho­tos, affiches, vinyls, cartes pos­tales, séri­gra­phies, sti­ckers… Et ce, à une époque où cette chasse au tré­sor était encore pos­sible. « J’en rachète encore si j’ai l’oc­ca­sion mais aujourd’­hui, les prix sont tel­le­ment éle­vés que je ne pour­rais pas me recons­ti­tuer une telle col­lec­tion », recon­naît-il. De fait, cer­taines œuvres de Bank­sy se vendent désor­mais plu­sieurs mil­lions d’eu­ros aux enchères.

La pochette de l’al­bum « Think Tank » de Blur, pre­mier objet de Bank­sy acquis par le col­lec­tion­neur, Béru.

Mais com­ment les acqui­si­tions de Béru se sont-elles retrou­vées en 2025 dans la salle des fêtes d’É­chi­rolles ? C’est là qu’in­ter­vient la Bank­sy modeste col­lec­tion (BMC). En 2020, le comé­dien a un temps hési­té à revendre une par­tie de sa col­lec­tion. Appre­nant cela, plu­sieurs per­son­na­li­tés du milieu cultu­rel l’ont alors contac­té, lui pro­po­sant de rejoindre une nou­velle struc­ture et un nou­veau concept : la BMC, une expo­si­tion éphé­mère et iti­né­rante qui fait étape durant quinze jours dans une ville.

Le concept ? Mettre à dis­po­si­tion la col­lec­tion de Béru pour la pré­sen­ter au public, tout en res­pec­tant la phi­lo­so­phie et les com­bats de Bank­sy. Ce der­nier refuse en effet caté­go­ri­que­ment que son art soit exploi­té à des fins mer­can­tiles. La Bank­sy modeste col­lec­tion orga­nise donc des expo­si­tions gra­tuites, les visi­teurs étant sim­ple­ment invi­tés à effec­tuer des dons — selon leur envie et leurs moyens — qui sont ensuite rever­sés en par­tie à des asso­cia­tions locales.

Ce sont par ailleurs les muni­ci­pa­li­tés inté­res­sées qui se portent elles-mêmes can­di­dates. Illus­tra­tion à Échi­rolles où Aman­dine Demore a eu vent de l’ex­po­si­tion Bank­sy par l’in­ter­mé­diaire de son homo­logue com­mu­niste de Gri­gny (Essonne), pre­mière com­mune à avoir accueilli la tour­née, en 2021. Séduite par l’i­dée, l’é­dile PCF a alors sol­li­ci­té les orga­ni­sa­teurs pour deve­nir ville hôte à son tour.

« L’i­dée, c’est que les asso­cia­tions fassent de cette expo la leur et qu’elles se servent des œuvres de Bank­sy pour par­ler de leurs propres actions. C’est un peu un objet cultu­rel non iden­ti­fié. »

Sophie Ursel­la (Bank­sy Modeste Col­lec­tion)

L’autre grande par­ti­cu­la­ri­té, c’est la par­ti­ci­pa­tion des asso­cia­tions. « On vient en géné­ral six mois avant le début de l’ex­po ren­con­trer le tis­su asso­cia­tif », explique Sophie Ursel­la, char­gée de com­mu­ni­ca­tion et de par­te­na­riat à la Bank­sy modeste col­lec­tion. « L’i­dée, c’est que les asso­cia­tions fassent de cette expo la leur et qu’elles se servent des œuvres de Bank­sy pour par­ler de leurs propres actions. C’est un peu un objet cultu­rel non iden­ti­fié, cette expo­si­tion. »

Les membres des asso­cia­tions locales par­ti­ci­pant à l’as­so­cia­tion.

Plus de cin­quante asso­cia­tions — échi­rol­loises ou basées dans le reste de l’ag­glo­mé­ra­tion gre­no­bloise — sont ain­si impli­quées dans un véri­table pro­gramme « hors les murs ». Ate­liers graff, pochoir, écri­ture, fresques, concerts, théâtre, sports, ciné­ma, accueil des élèves des éta­blis­se­ments sco­laires locaux… Une mul­ti­tude d’a­ni­ma­tions sont pré­vues durant la quin­zaine dans dif­fé­rents lieux d’É­chi­rolles.

Exemple par­mi d’autres, « l’as­so­cia­tion Reg’arts inter­vien­dra à tra­vers deux confé­rences », indique son pré­sident Chris­tian Bou­vier. « L’une sur le thème du street art, le 16 avril, à la Mai­son des asso­cia­tions. Elle revien­dra sur le contexte de l’ap­pa­ri­tion du street art aux États-Unis, dans les années 1960, avec l’un­der­ground new-yor­kais, Andy Warhol, etc. L’autre le 18 avril, au ciné­ma Pathé, sur la thé­ma­tique ‘De la contes­ta­tion à l’embourgeoisement’. Cela illus­tre­ra ce qu’est deve­nu le mar­ché de l’art et com­ment le capi­ta­lisme essaye de tout récu­pé­rer à son pro­fit. »

Natha­lie Pichet, elle, tra­vaille à l’É­ta­blis­se­ment et ser­vice d’ac­com­pa­gne­ment par le tra­vail (Esat) Pré-clou (qui dépend de l’APF France han­di­cap) et fait par­tie du conseil de vie sociale. Avec une dizaine d’autres per­sonnes éga­le­ment en situa­tion de han­di­cap, elle a « rou­lé dans les ate­liers les affiches de l’ex­po­si­tion ». Et plu­sieurs tra­vailleurs de l’E­sat inter­vien­dront auprès du public « pour expli­quer des œuvres », pré­cise-t-elle.

Au moins 30 000 personnes attendues à Échirolles

Après le ver­nis­sage orga­ni­sé ven­dre­di soir, la salle des fêtes accueille­ra ses pre­miers visi­teurs ce same­di 12 avril. Ceux-ci pour­ront déam­bu­ler dans ce vaste entre­pôt où les œuvres et objets de Bank­sy, expo­sés sur des palettes — une scé­no­gra­phie unique et propre à chaque ville -, sont répar­tis de manière thé­ma­tique : musique, guerre, éco­lo­gie, injus­tice sociale, fémi­nisme, royau­té bri­tan­nique, Pales­tine, migrants…

Si les der­nières expo­si­tions de la BMC ont atti­ré en moyenne 15 à 20 000 per­sonnes, l’or­ga­ni­sa­tion espère bien s’ap­pro­cher des chiffres records de Libourne et Brest (res­pec­ti­ve­ment 39 000 et 42 0000 spec­ta­teurs). Au vu de l’en­goue­ment et de la pro­mo, l’é­quipe peut ain­si rai­son­na­ble­ment tabler sur au moins 30 000 per­sonnes.

Sophie Ursel­la (BMC), entre Béru et Aman­dine Demore, maire d’É­chi­rolles.

Après Échi­rolles, la Bank­sy modeste col­lec­tion met­tra le cap sur Bor­deaux, puis Mont­pel­lier. Avant une pre­mière esca­pade à l’é­tran­ger pro­gram­mée en fin d’an­née en Sicile, à Agri­gente, capi­tale ita­lienne de la culture 2025. Sophie Ursel­la en salive d’a­vance : « Bank­sy chez Melo­ni, c’est la classe ! »

Une expo­si­tion gra­tuite et quo­ti­dienne

Du same­di 12 au dimanche 27 avril, de 11 à 19 heures, à la salle des fêtes d’Échirolles, 19 ave­nue du 8 mai 1945 (tram A, arrêt La Rampe — centre-ville). Noc­turnes les 12 et 27 avril jusqu’à 22 heures. Entrée gra­tuite (avec une affiche offerte) ; dons pos­sibles et bien­ve­nus.

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