Exposition Banksy : un « objet culturel non identifié » atterrit à Échirolles
Par Manuel Pavard
/

« Ça y est, les œuvres de Banksy sont à Échirolles et je n’en suis pas peu fière », avoue Amandine Demore. La maire d’Échirolles souhaite ainsi « partager l’immense émotion » qu’elle a ressentie en entrant dans la salle des fêtes, ce mercredi 9 avril, et en découvrant l’exposition, à trois jours de son ouverture au public. Une fierté totalement légitime au regard de l’importance de l’événement.

Banksy s’est en effet imposé progressivement, depuis ses débuts dans les années 1990, comme l’un des, voire le nom le plus connu du street art — y compris en dehors des cercles de passionnés. Une notoriété et une reconnaissance que le street-artiste doit bien sûr à la qualité de ses productions, à son inventivité ainsi qu’à la dimension politique, sociale et sociétale de son travail.

Humaniste, anticapitaliste, anticolonialiste, féministe, écologiste, antiraciste, antifasciste… Chaque œuvre délivre un message épousant ses valeurs et engagements. Mais le mythe Banksy doit aussi beaucoup au mystère entourant sa véritable identité, laquelle fait l’objet de multiples spéculations. Un secret qui n’a toujours pas été percé à jour, alimentant encore un peu plus la légende.
Une collection constituée en dix-sept ans
À Échirolles, ce sont près de 280 œuvres qui seront exposées du samedi 12 au dimanche 27 avril. « Toutes des œuvres originales », précise François Berardino, alias Béru. L’homme qui s’est constitué cette fantastique collection au fil des dix-sept années passées. Et celui sans qui rien de tout cela ne serait arrivé.

Tout a commencé lors d’une tournée théâtrale, en 2007, en Angleterre, raconte le comédien, lui aussi graffeur et féru de street art : « J’ai rencontré un artiste par hasard, sans savoir à qui j’avais affaire. Finalement, quelques mois après, j’ai su… J’ai compris, j’ai cherché, j’ai fouiné et j’ai monté ce que vous allez pouvoir découvrir ici. »
Béru confie avoir été, d’emblée, « énormément touché par l’esprit de l’artiste. Ça parle à notre humanité, à nos contradictions, de notre monde… Des sujets qu’on connaît tous : l’écologie, la guerre, la paix, l’amour, la situation des enfants, les femmes, la violence, la surconsommation, le capitalisme », énumère-t-il.

Des thèmes parlant à tout le monde, pour des œuvres accessibles, souligne le collectionneur : « Que vous connaissiez l’artiste ou non, il y a toujours plusieurs niveaux de lecture. Quels que soient son âge, ses convictions politiques ou religieuses, son appétence pour l’art, on est touché par les images. »
Une exposition gratuite pour respecter le combat de Banksy
Après avoir acquis son premier objet — la pochette du double album de Blur, Think Tank (présentée à l’exposition) -, François Berardino a continué à glaner photos, affiches, vinyls, cartes postales, sérigraphies, stickers… Et ce, à une époque où cette chasse au trésor était encore possible. « J’en rachète encore si j’ai l’occasion mais aujourd’hui, les prix sont tellement élevés que je ne pourrais pas me reconstituer une telle collection », reconnaît-il. De fait, certaines œuvres de Banksy se vendent désormais plusieurs millions d’euros aux enchères.

Mais comment les acquisitions de Béru se sont-elles retrouvées en 2025 dans la salle des fêtes d’Échirolles ? C’est là qu’intervient la Banksy modeste collection (BMC). En 2020, le comédien a un temps hésité à revendre une partie de sa collection. Apprenant cela, plusieurs personnalités du milieu culturel l’ont alors contacté, lui proposant de rejoindre une nouvelle structure et un nouveau concept : la BMC, une exposition éphémère et itinérante qui fait étape durant quinze jours dans une ville.

Le concept ? Mettre à disposition la collection de Béru pour la présenter au public, tout en respectant la philosophie et les combats de Banksy. Ce dernier refuse en effet catégoriquement que son art soit exploité à des fins mercantiles. La Banksy modeste collection organise donc des expositions gratuites, les visiteurs étant simplement invités à effectuer des dons — selon leur envie et leurs moyens — qui sont ensuite reversés en partie à des associations locales.

Ce sont par ailleurs les municipalités intéressées qui se portent elles-mêmes candidates. Illustration à Échirolles où Amandine Demore a eu vent de l’exposition Banksy par l’intermédiaire de son homologue communiste de Grigny (Essonne), première commune à avoir accueilli la tournée, en 2021. Séduite par l’idée, l’édile PCF a alors sollicité les organisateurs pour devenir ville hôte à son tour.
« L’idée, c’est que les associations fassent de cette expo la leur et qu’elles se servent des œuvres de Banksy pour parler de leurs propres actions. C’est un peu un objet culturel non identifié. »
Sophie Ursella (Banksy Modeste Collection)
L’autre grande particularité, c’est la participation des associations. « On vient en général six mois avant le début de l’expo rencontrer le tissu associatif », explique Sophie Ursella, chargée de communication et de partenariat à la Banksy modeste collection. « L’idée, c’est que les associations fassent de cette expo la leur et qu’elles se servent des œuvres de Banksy pour parler de leurs propres actions. C’est un peu un objet culturel non identifié, cette exposition. »

Plus de cinquante associations — échirolloises ou basées dans le reste de l’agglomération grenobloise — sont ainsi impliquées dans un véritable programme « hors les murs ». Ateliers graff, pochoir, écriture, fresques, concerts, théâtre, sports, cinéma, accueil des élèves des établissements scolaires locaux… Une multitude d’animations sont prévues durant la quinzaine dans différents lieux d’Échirolles.

Exemple parmi d’autres, « l’association Reg’arts interviendra à travers deux conférences », indique son président Christian Bouvier. « L’une sur le thème du street art, le 16 avril, à la Maison des associations. Elle reviendra sur le contexte de l’apparition du street art aux États-Unis, dans les années 1960, avec l’underground new-yorkais, Andy Warhol, etc. L’autre le 18 avril, au cinéma Pathé, sur la thématique ‘De la contestation à l’embourgeoisement’. Cela illustrera ce qu’est devenu le marché de l’art et comment le capitalisme essaye de tout récupérer à son profit. »

Nathalie Pichet, elle, travaille à l’Établissement et service d’accompagnement par le travail (Esat) Pré-clou (qui dépend de l’APF France handicap) et fait partie du conseil de vie sociale. Avec une dizaine d’autres personnes également en situation de handicap, elle a « roulé dans les ateliers les affiches de l’exposition ». Et plusieurs travailleurs de l’Esat interviendront auprès du public « pour expliquer des œuvres », précise-t-elle.
Au moins 30 000 personnes attendues à Échirolles
Après le vernissage organisé vendredi soir, la salle des fêtes accueillera ses premiers visiteurs ce samedi 12 avril. Ceux-ci pourront déambuler dans ce vaste entrepôt où les œuvres et objets de Banksy, exposés sur des palettes — une scénographie unique et propre à chaque ville -, sont répartis de manière thématique : musique, guerre, écologie, injustice sociale, féminisme, royauté britannique, Palestine, migrants…

Si les dernières expositions de la BMC ont attiré en moyenne 15 à 20 000 personnes, l’organisation espère bien s’approcher des chiffres records de Libourne et Brest (respectivement 39 000 et 42 0000 spectateurs). Au vu de l’engouement et de la promo, l’équipe peut ainsi raisonnablement tabler sur au moins 30 000 personnes.

Après Échirolles, la Banksy modeste collection mettra le cap sur Bordeaux, puis Montpellier. Avant une première escapade à l’étranger programmée en fin d’année en Sicile, à Agrigente, capitale italienne de la culture 2025. Sophie Ursella en salive d’avance : « Banksy chez Meloni, c’est la classe ! »
Une exposition gratuite et quotidienne
Du samedi 12 au dimanche 27 avril, de 11 à 19 heures, à la salle des fêtes d’Échirolles, 19 avenue du 8 mai 1945 (tram A, arrêt La Rampe — centre-ville). Nocturnes les 12 et 27 avril jusqu’à 22 heures. Entrée gratuite (avec une affiche offerte) ; dons possibles et bienvenus.