Les retraités CGT dénoncent une pauvreté accrue chez les seniors

Par Martine BRIOT

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A la boure du travail de Grenoble, pour un large échange sur le dossier.
A la veille de la journée nationale de mobilisation – le 20 mars – des retraités pour la reconquête de la Sécurité sociale et l’augmentation des pensions, le syndicat multipro CGT des retraités a reçu Jean Giard pour un exposé sur la réalité de la pauvreté.

Jean Giard s’est appuyé sur les don­nées four­nies par l’Institut natio­nal des sta­tis­tiques et des études éco­no­miques (INSEE) qui défi­nit ain­si la pau­vre­té : « Le seuil de pau­vre­té est fixé par conven­tion à 60 % du niveau de vie médian de la popu­la­tion. Il cor­res­pond à un reve­nu dis­po­nible de 1 216 euros par mois pour une per­sonne vivant seule et de 2 554 euros pour un couple avec deux enfants âgés de moins de 14 ans. »

Les évo­lu­tions récentes font appa­raître uen sta­bi­li­sa­tion de la pau­vre­té chez les plus jeunes, caté­go­rie d’âge où elle demeure la plus impor­tante. Pour les plus âgés, où ce taux est moindre, la ten­dance est net­te­ment à la hausse : les taux de pau­vre­té par âge convergent.

Reste qu’en 20 ans, le nombre de pauvres a aug­men­té de 1,4 mil­lion.

Jean Giard au cours de son inter­ven­tion.

Les ouvriers consti­tuent la caté­go­rie sociale la plus confron­tée à cette pré­ca­ri­té. Leur compte ban­caire est dans le rouge deux fois plus sou­vent que le reste de la popu­la­tion (31 %). Dans l’ensemble de la popu­la­tion, près d’une per­sonne sur deux peine à payer ses fac­tures d’énergie : 47 %, un nou­veau record, au terme d’une hausse de deux points depuis 2023. Les fac­tures sont si lourdes que 43 % des per­sonnes inter­ro­gées ne chauffent pas leur loge­ment lorsqu’il fait froid, 38 % peinent à payer loyer et emprunt immo­bi­lier. Un Fran­çais sur trois (32 %) est tou­jours contraint « par­fois ou régu­liè­re­ment » de ne pas faire trois repas par jour. L’an der­nier, la Banque de France enre­gis­trait 134 804 dos­siers de sur­en­det­te­ment en hausse de 10,8% par rap­port à 2023. En Isère, le nombre de dos­siers en 2024 s’élève à 2216 soit une hausse de 12,4% par rap­port à 2023. La même année, la Banque de France esti­mait à 4,3 mil­lions le nombre de per­sonnes en situa­tion de fra­gi­li­té finan­cière . Pour les enfants, la situa­tion est inédite depuis la Deuxième guerre mon­diale : de plus en plus d’enfants dorment à la rue. En 2024, plus de 2000 enfants sont sans abri dont plus de 460 de moins de 3 ans. Soit une aug­men­ta­tion de 3% par rap­port à l’année pré­cé­dente et de 120% par rap­port à 2020.

Enfin pour com­plé­ter ce tableau de la pau­vre­té en France, il faut ajou­ter la baisse de la nata­li­té pour des rai­sons d’inquiétude quant à l’avenir et l’augmentation des sui­cides, notam­ment chez les agri­cul­teurs. A l’issue de cette pré­sen­ta­tion, les échanges de la salle ont par­ti­cu­liè­re­ment concer­né l’étendue et la diver­si­té des rai­sons pour les­quelles les trois quarts de la popu­la­tion vivent de plus en plus mal. Le loge­ment, avec l’augmentation du fon­cier qui entraîne l’augmentation des loyers. L’accès aux soins plus dif­fi­cile de part la hausse du reste à charge et le manque de soi­gnants. L’alimentation, tou­jours plus oné­reuse. Dans le débat éga­le­ment, des inquié­tudes concer­nant l’avenir.

Le syn­di­cat mul­ti­pro CGT retrai­tés se réunit men­suel­le­ment à la bourse du tra­vail de Gre­noble pour des débats consa­crés à l’ac­tua­li­té ou à un thème par­ti­cu­lier.

L’intelligence arti­fi­cielle : ce nou­vel élé­ment a fait l’objet d’un débat impor­tant au sein des syn­di­qués retrai­tés. Une grande inquié­tude sur les dérives pos­sibles et sur­tout la néces­si­té d’installer une véri­table démo­cra­tie à tous les éche­lons comme garan­tie de sa bonne uti­li­sa­tion au ser­vice du pro­grès pour l’humain.

Les chan­ge­ments cli­ma­tiques avec leur cor­tège de pol­lueurs et de pol­lués. Un chan­tier énorme qui dépasse lar­ge­ment les efforts de chaque indi­vi­du et qui inter­pelle le rôle que devrait jouer l’État pour arrê­ter cette éro­sion pla­né­taire. Pour conclure, Jean Giard a rap­pe­lé a cité la Consti­tu­tion de la Répu­blique : « [La Nation] garan­tit à tous, notam­ment à l’en­fant, à la mère et aux vieux tra­vailleurs, la pro­tec­tion de la san­té, la sécu­ri­té maté­rielle, le repos et les loi­sirs. Tout être humain qui, en rai­son de son âge, de son état phy­sique ou men­tal, de la situa­tion éco­no­mique, se trouve dans l’in­ca­pa­ci­té de tra­vailler a le droit d’ob­te­nir de la col­lec­ti­vi­té des moyens conve­nables d’existence. »

La C.G.T. Retrai­tés de l’Isère a quant à elle déci­dé de lan­cer une vaste consul­ta­tion en direc­tion des retrai­tés : « La san­té et vous : expri­mez-vous ». Car l’accès à la san­té est une des don­nées de la pau­vre­té. Le déman­tè­le­ment de la Sécu­ri­té sociale, des ser­vices publics, de l’industrie et de la mar­chan­di­sa­tion du sys­tème de san­té, la dif­fi­cul­té d’accès aux soins par le manque de pra­ti­ciens et par les dépas­se­ments d’honoraires sont autant de causes de ce constat. De fait, 700 000 retrai­tés n’ont plus de com­plé­men­taire san­té et 1,6 mil­lion ne se soignent plus ou peu pour des rai­sons de coût.

Le pays en a les moyens, estiment les retrai­tés CGT : 170 mil­liards d’euros d’aides aux entre­prises, 45 mil­liards d’euros d’aides pour le chô­mage par­tiel, 80 mil­liards d’euros d’exonération de coti­sa­tions sociales sans contre­par­ties… Des sommes qui pour­raient per­mettre de finan­cer notre sys­tème de pro­tec­tion sociale et de com­bler son défi­cit.

Jean Giard

Jean Giard, 98 ans, est ancien dépu­té com­mu­niste de l’Isère, ancien élu dépar­te­men­tal. Il a éga­le­ment été maire-adjoint de la ville de Gre­noble durant un des man­dats de Hubert Dube­dout. Il est syn­di­qué à la CGT, membre fon­da­teur du col­lec­tif « Une socié­té pour tous les âges », vice-pré­sident de l’association « Vieillir, c’est vivre ». Jean Giard inter­vient régu­liè­re­ment sur les thé­ma­tiques du grand âge et de la citoyen­ne­té des aînés.

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