MC2 — Grenoble – Le Rendez-vous. Transgressif, féministe et drôle !

Par Régine Hausermann

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Rencontre entre l’actrice Camille Cottin et le texte de l’autrice allemande Katharina Volckmer, sous le regard du metteur en scène Jonathan Capdevielle. © Alois Aurelle
Mardi 28 janvier 2025 – Salle pleine pour la première des deux représentations données par Camille Cottin qui s’est emparée du monologue explosif de Katharina Volckmer, « Jewish cock ». Une jeune femme allemande vivant à Londres s’adresse au gynécologue qui va lui greffer un pénis circoncis. Elle règle ses comptes avec ses compatriotes et le patriarcat, frontalement, crûment, refusant toute assignation. Mise en scène par Jonathan Capdevielle, Camille Cottin nous saisit !

Les pro­jec­teurs éclairent un immense rideau vio­let qui tombe des cintres et se pro­longe en large mon­ti­cule avec lequel la comé­dienne, en jus­tau­corps rouge, va jouer. D’abord allon­gée, jambes écar­tées agi­tées mais le torse caché par le rideau, elle com­mence à par­ler au doc­teur Selig­man qui l’ausculte, sa voix ampli­fiée par un micro qua­si invi­sible. Puis le corps rampe jusqu’à l’amoncellement du rideau au sol, se dévoile en gar­çon-fille, qui porte le texte.

Elle en a gros sur le cœur et ne va plus s’arrêter pen­dant qua­rante minutes, par­lant vite, par­lant cru tant elle est révol­tée par deux ques­tions qui la taraudent : le sta­tut infé­rieur des filles et des femmes dans la socié­té domi­née par les mâles et le com­por­te­ment trouble des des­cen­dants des nazis anti­sé­mites qui n’assument pas vrai­ment leur culpa­bi­li­té.

Sa parole jaillit, sans filtre. Fan­tasmes sexuels avec Hit­ler qui l’effraient. Évo­ca­tion de Freud, de ses séances chez son psy­cha­na­lyste, un cer­tain Jason. Com­ment être psy­cha­na­lyste et s’appeler Jason ? Ses rela­tions tor­rides pour un cer­tain K. Son grand-père chef de gare en Silé­sie, sur­veillant les trains en route pour Ausch­witz. Répé­ti­tion fré­quente du mot « bite », cet appen­dice espé­ré par la jeune femme qui rejette son vagin. S’adressant de façon répé­ti­tive au doc­teur Selig­man.

Dans un entre­tien accor­dé à une revue, l’autrice déclare que « pour un Alle­mand, c’est énorme de pou­voir dis­cu­ter si ouver­te­ment avec un Juif, nor­ma­le­ment on ne se le per­met pas. On a peur d’offenser, ou d’être obli­gé de par­ler de soi. » Plus loin, elle pré­cise que vou­loir chan­ger de genre, « au fond, c’est sa manière à elle de vou­loir ces­ser d’être alle­mande, envie par­ta­gée par beau­coup de ses com­pa­triotes ».

© Alois Aurelle

Camille Cot­tin est à l’aise dans les dif­fé­rent registres en accord avec les situa­tions, les per­son­nages et les dési­rs évo­qués. Tan­tôt femme-mec ou femme fatale. Tan­tôt mère auto­ri­taire ou petite-fille en robe de prin­cesse for­ma­tée pour plaire. Bra­vo l’artiste !

© Alois Aurelle

C’est Camille Cot­tin qui est à l’origine du spec­tacle. Le pre­mier roman de Katha­ri­na Vol­ck­mer l’a sai­sie par sa puis­sance, sa pro­vo­ca­tion, son ori­gi­na­li­té. D’où le désir de l’adapter pour le jouer au théâtre. Il fal­lait alors trou­ver un met­teur en scène pour créer un vrai spec­tacle. Ce fut Jona­than Cap­de­vielle, for­mé à l’école de marion­nettes de Char­le­ville-Mézières. Ce der­nier appré­ciait la comé­dienne « qui ose et défend des causes mul­tiples ». Il fut séduit par la den­si­té et les thèmes du texte qu’elle lui avait trans­mis. D’accord sur des sujets brû­lants à mettre en lumière, sur le rôle de l’art « de résis­ter aux choses », de « créer une réflexion », tous deux se sont mis au tra­vail, « tra­vaillant dans la nuance ».

Pour notre plus grand plai­sir. Public conquis !

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