« La langue de mon père » au Prunier sauvage

Par Edouard Schoene

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Sultan Ulutaş Alopé, autrice et actrice seule en scène, dans "la Langue de mon père", une pièce qu'elle a écrite et dont elle s'est faite l'interprète.
Le festival de la Cimade « Migrant scène », le festival Fita, en collaboration avec de nombreux partenaires présentait au Prunier sauvage, à Grenoble, un spectacle de grande qualité qui a fait salle comble.

L’autrice de la pièce, actrice seule en scène, Sultan Ulutaş Alopé, est une comédienne d’origine turque et kurde. La Langue de mon père raconte l’histoire de cette jeune femme, turque émigrée en France, qui décide d’apprendre la langue de son père, le kurde. Proscrite dans son pays d’origine comme dans sa famille, elle se réapproprie une identité enfouie à travers la découverte de cette langue jusqu’alors inconnue.

Bloquée par une procédure administrative qui l’empêche d’obtenir ses papiers, elle ne peut ni travailler, ni retourner en Turquie. Apprendre le kurde lui apparaît comme une échappatoire. C’est un voyage vers son passé qui commence. Elle se remémore le racisme anti kurde en Turquie, la honte qu’elle a portée en elle durant toute son enfance, profondément ancrée dans sa famille, et son père qui a fui très loin et avec lequel elle n’a plus de relations. Un tendre manifeste pour défendre, découvrir et magnifier les sons, la syntaxe de sa langue maternelle qu’elle n’a jamais pratiquée.

A l’issue du spectacle fortement applaudi, l’auteure-actrice a accepté un échange riche avec la salle. Elle a notamment indiqué qu’elle vivait en France depuis sept ans. « J’ai obtenu mon titre de séjour ce qui m‘a permis de me rendre au village de mon père cet été. En ce moment je fais une résidence d’artiste à la Chartreuse d’Avignon où j’écris une pièce de théâtre, Réduction sauvage, inspirée d’une expérience de travail en France, pendant six mois, dans un supermarché. » Pièce qui sera créée à l’automne 2026.

La question lui a été posée sur la « honte » d’être kurde en Turquie. « Oui, à force de cacher, enfant, que j’étais kurde, j’ai eu honte. Ma honte vient de la violence de la société dans laquelle j’ai vécu. A l’école une enfant me détestait parce que j’étais kurde. Cela m’a marquée. »

L’identité kurde qu’elle revendique, même si elle n’a pas grandi dans cette culture, elle estime la détenir de son père. « On hérite de nos ancêtres même si on ne les a pas rencontrés. » Et Sultan Ulutaş Alopé de souligner : « Avec cette pièce je n’ai pas fait du théâtre pour une cause. C’est une question existentielle. Je souhaite que mon travail soit entendu au-delà des Kurdes.« 

Photo Jean-Louis Fernandez

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