Grenoble. Intelligence artificielle et travail, quels enjeux ?

Par Edouard Schoene

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Cette journée sur l'IA était organisée dans le cadre de l'initiative "Mondes du travail".
L’Institut d’urbanisme et de géographie alpine (IUGA) a accueilli le 17 octobre, à Grenoble, une journée d’étude sur les enjeux de l’intelligence artificielle au travail. Un phénomène de société suscitant autant de craintes que d’espoirs.

Orga­ni­sée par le mas­ter Res­sources humaines, orga­ni­sa­tion et conduite du chan­ge­ment (RHO2C), l’Institut d’études sociales (IES), la facul­té d’économie de Gre­noble et l’association Fil rouge, cette deuxième jour­née d’étude « Mondes du tra­vail » pro­po­sait une réflexion sur les enjeux du déve­lop­pe­ment de l’intelligence arti­fi­cielle (IA) sur le tra­vail. « Mal­gré une adop­tion encore rela­ti­ve­ment faible au sein des orga­ni­sa­tions, les pre­miers outils dévoi­lés — à l’instar de ChatGPT — laissent entre­voir que l’IA peut à l’avenir pro­fon­dé­ment bou­le­ver­ser la confi­gu­ra­tion des emplois et le nature du tra­vail », sou­li­gnaient les orga­ni­sa­teurs dans leur invi­ta­tion, évo­quant des enquêtes aux résul­tats « très par­ta­gés ».

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L’am­phi­théâtre de l’IU­GA avait fait le plein pour l’é­vé­ne­ment.

Ain­si, « la plu­part des études annoncent des dis­pa­ri­tions mas­sives d’emplois de toutes caté­go­ries (en géné­ral 30 % des emplois occu­pés), et notam­ment des emplois à qua­li­fi­ca­tion éle­vée. D’autres, signalent, à par­tir des avis d’employeurs, de pro­bables consé­quences posi­tives : davan­tage de satis­fac­tion au tra­vail, de san­té et d’amélioration des situa­tions des tra­vailleurs han­di­ca­pés », obser­vaient-ils.

Et ceux-ci de pour­suivre : « Dans tous les cas, les études s’accordent sur une très forte aug­men­ta­tion de la per­for­mance éco­no­mique obte­nue par une mobi­li­sa­tion d’outils de l’IA. Si la des­truc­tion mas­sive et rapide d’emplois est peu pro­bable à moyen terme, ce sont plu­tôt les chan­ge­ments poten­tiels de la nature des emplois et de la qua­li­té du tra­vail qui risquent d’être très pro­fonds et peut-être insai­sis­sables aujourd’hui. »

L’IA, facteur d’émancipation ou d’aliénation ?

Par­ti­cu­la­ri­té de cette ren­contre, la pré­sence, à la tri­bune et dans la salle, de sala­riés et syn­di­ca­listes qui ont fait part de leurs expé­riences, inter­ro­ga­tions et ana­lyses. Nombre de ques­tions émergent ain­si. La pos­sible libé­ra­tion des tâches auto­ma­tiques ou répé­ti­tives qui peuvent être prises en charge par des outils de l’IA, va-t-elle libé­rer du temps pour des tâches à plus forte valeur ajou­tée, pour une créa­tion d’emplois de qua­li­té, pour une éman­ci­pa­tion d’un grand nombre de sala­riés, notam­ment des sala­riés femmes ?

L’impact de l’introduction des outils de l’IA sur le tra­vail humain est-il annon­cia­teur d’un « mana­ge­ment algo­rith­mique », c’est-à-dire d’une ges­tion des conduites humaines et des rela­tions de tra­vail à l’aide d’instructions d’un logi­ciel ? Ces outils de l’IA ne sont-ils pas intrin­sè­que­ment por­teurs à la fois d’impossibilités « à dis­cu­ter » autour du tra­vail et de sa réa­li­sa­tion, mais aus­si, comme le note la socio­logue Domi­nique Méda, de nou­velles logiques de sur­veillance au tra­vail ?

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Inter­ven­tion à dis­tance d’E­ric Bar­bier, jour­na­liste à l’Est répu­bli­cain, en charge de l’IA au sein du SNJ.

Ces pre­miers ques­tion­ne­ments appellent donc des ana­lyses croi­sant les points de vue autour de situa­tions de tra­vail concer­nées par l’introduction de pro­cé­dés rele­vant de l’IA. Ils impliquent aus­si l’élaboration col­lec­tive d’outils pour que les sala­riés puissent non seule­ment s’approprier ces débats mais aus­si résis­ter aux chan­ge­ments les plus dévas­ta­teurs du tra­vail humain dont l’IA peut être por­teuse.

L’ensemble des débats seront retrans­crits sous forme d’un film, qui sera acces­sible notam­ment sur le site du Fil rouge. Par­mi les inter­ven­tions, celles d’Éric Bar­bier, repor­ter à l’Est répu­bli­cain, membre du bureau du Syn­di­cat natio­nal des jour­na­listes (SNJ), en charge de l’IA, et de Yann Fer­gu­son, direc­teur scien­ti­fique du Labo­rIA, répon­daient par­ti­cu­liè­re­ment à la thé­ma­tique « L’introduction de l’IA dans l’activité, quel impact sur le tra­vail et quelles ana­lyses des sala­riés concer­nés ? ».

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La pla­quette de pré­sen­ta­tion de la jour­née d’é­tude.

« Cette ini­tia­tive a été ini­tiée par le Fil rouge, à l’issue d’une recherche action sur le tra­vail, il y a dix ans après la crise de 2008 », a expli­qué Michel Szem­pruch, membre de l’association. « L’objectif était de pro­duire des sources, des archives, comme dans les années 30. Cela a don­né lieu à une jour­née d’étude. Suite à cela, ce qui res­sor­tait très for­te­ment, c’était la souf­france au tra­vail », a‑t-il ajou­té. Ce der­nier s’est donc inter­ro­gé, avec ses par­te­naires : « Si on fai­sait un tra­vail sur le mana­ge­ment et la souf­france au tra­vail ? Cela a don­né un film, Les maux du tra­vail. »

« Des cher­cheurs, des orga­ni­sa­tions syn­di­cales (Unsa, CGT, CFDT, Soli­daires) ont tra­vaillé ensemble pour faire un voyage dans le nou­veau mana­ge­ment, le nou­veau libé­ra­lisme », a éga­le­ment pré­ci­sé Michel Szem­pruch. « Des syn­di­ca­listes nous disaient être dépour­vus face à des drames de leurs col­lègues en souf­france. Ensuite, on a tra­vaillé sur le numé­rique dans la san­té avec l’IRS. Cela nous a ame­né à vou­loir tra­vailler sur l’intelligence au tra­vail qui per­cute les tra­vailleurs. »

Les membres du Fil rouge sont alors par­ve­nus à cette conclu­sion : « Il fal­lait qu’on joue notre rôle dans l’éducation popu­laire en met­tant à dis­po­si­tion des infor­ma­tions, outils cri­tiques, pour avoir un point de vue sur l’IA – que nous n’avions pas au départ », a recon­nu Michel Szem­pruch, racon­tant un pro­jet lan­cé en 2019, puis blo­qué par le Covid, avant de redé­mar­rer en 2023. L’objectif ? « Don­ner la parole à des tra­vailleurs de sec­teurs concer­nés. Ce que l’on espère faire, après cette jour­née, c’est fabri­quer des outils (expo­si­tion, vidéos) sur l’IA. »

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Le public a échan­gé sur les appli­ca­tions et impli­ca­tions de l’IA au tra­vail.

Application avec ChatGPT

Voi­ci le texte pro­duit par l’outil d’intelligence arti­fi­cielle ChatGPT, sur la jour­née d’étude du 17 octobre : ChatGPT — IA et tra­vail

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