Après la répétition © Vincent Berenger

Jeudi 11 avril 2024 – Une belle affiche pour ces deux soirées grenobloises. Ingmar Bergman mis en scène par Ivo Van Hove. Deux pièces interprétées par Charles Berling, Emmanuelle Bercot et Justine Bachelet dans laquelle brillent les deux actrices et se révèle la puissance des pièces de Bergman.

Après la répétition

Pour Henrik Vogler, directeur de théâtre, après la répétition c’est encore la répétition. Le théâtre c’est sa vie, il n’en sort pas. D’ailleurs, il est déjà sur scène lorsque le public s’installe. Il lit assis sur un canapé de son bureau, concentré sur la mise en scène de sa prochaine pièce, « Le Songe » de Strindberg. Henrik n’est pas au mieux de sa forme : il vieillit, son ventre pousse les pans de sa veste. Soudain, il est interrompu par l’entrée d’Anna Egerman, une jeune comédienne fougueuse. Avec elle, il est attentif, ouvert à ses propositions sur la mise en scène. On pressent le schéma classique du quinquagénaire attiré par la chair fraîche. Il est question de la mère d’Anna, une comédienne proche d’Henrik, sa maîtresse, et d’un certain Michaël. On n’est pas sûr de comprendre les relations entre les personnages passés. Anna est-elle la fille d’Hendrik ? Elle s’apprête à jouer le rôle tenu par Rakel, sa mère, aujourd’hui décédée, qu’elle ne porte pas dans son cœur.

Entrée toniturante de Rakel, alcoolique et hystérique, cherchant à renouer avec Hendrik, sentimentalement et professionnellement. Elle s’offre à lui, il la repousse. Après des années de succès et de notoriété, Rakel est finie. Emmanuelle Bercot réveille la pièce dans un long retour en arrière revécu par Hendrik. Magnifique !

Sorti de sa rêverie, Henrik Vogler se retrouve face à la jeune Anna, qui ressemble tellement à sa mère que le désir l’emporte. Il se met en colère quand il apprend qu’elle vient de se faire avorter pour pouvoir jouer le rôle. Elle part en claquant la porte.

Persona
© Vincent Berenger

Persona

Place aux femmes, Bibi Anderson et Liv Ulmann chez Bergman en 1966, Emmanuelle Bercot et Justine Bachelet chez Van Ove aujourd’hui.

Une femme nue est allongée de dos sur un lit d’hôpital. Corps musclé, allongé, sculpté. Très belle image. C’est Emmanuelle Bercot, alias Elisabeth Vogler, une actrice célèbre, épouse ou ex-épouse d’Hendrik, qui a subitement été frappée de mutisme lors d’une représentation d’Electre. La médecin l’envoie convalescence sur une île de la Baltique, avec Alma, une infirmière chargée de la surveiller. Le contraste est saisissant entre la chambre d’hôpital étroite et carcérale et le vaste espace de la maison dans l’île qui s’élargit encore lorsque les murs tombent et laissent apparaître la mer qui les entoure. Elisabeth écoute mais ne dit rien en écho au flot de paroles d’Alma. Excellente Justine Bachelet. Les confidences sont de plus en plus crues. Des tensions naissent entre les femmes.

« Pour Elisabeth, le théâtre n’est pas la vie. Il implique même de s’en extraire. De ne pas toujours être là, dans la vraie vie, quand il le faudrait. […] Mettre en parallèle les deux pièces revient donc pour moi à confronter deux points de vue sur la place et le rôle de l’art, en particulier du théâtre, dans notre société et dans nos vies. » Ivo van Hove

 

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