© Jean-Claude Carbonne
Mardi 17 janvier 2023 – D’emblée, on est saisi par la jeunesse et l’énergie de cette équipe de jeunes gens et jeunes filles engagé·es dans un spectacle dont l’originalité nous ravit. Extraits de vidéo, play-back, monologues, chants, scènes à plusieurs sur… le bonheur. Etes-vous heureux ? Qu’est-ce qui vous rend heureux ? Et autres questions, posées à des gens, dans la rue, en auto-stop. Les tableaux s’enchaînent, drôles ou non, mais toujours émouvants. Les gens se racontent et la troupe les raconte. On ne peut qu’applaudir à l’inventivité du spectacle, à son foisonnement et à son authenticité.
Nous avouons notre faible pour le travail d’Angelin Preljocaj, qu’il s’agisse du ballet-histoire comme son sublime « Blanche-Neige » (2008) ou du ballet « Le Parc » (1994), tout aussi sublime, qui traite des relations amoureuses dans la littérature des 18ème et 19ème siècles. Qu’il s’agisse aussi de « Suivront mille ans de calme » vu à la MC2 et créé en coopération avec le ballet Bolchoï, de « Siddhârta » vu à l’Opéra Bastille en 2010 et entré au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris, tout comme « Le Parc » et cinq autres de ses créations.
Dans la salle de la Rampe pleine à craquer, le rideau s’ouvre sur une nature morte en noir et beige plongée dans la pénombre. Morceaux de bois abattus en désordre ? Grâce à la durée du plan, le regard s’habitue, identifie des jambes, des troncs, des corps, immobiles, enchevêtrés. Puis une main trouve son autonomie, une jambe se détache du groupe, une autre suit… Le groupe a vaincu l’inertie, la presque mort, et trouvé son énergie vitale. Six danseuses et six danseurs de noir vêtus, justaucorps de cuir travaillé soulignant leurs sihouettes, se mettent à évoluer. Trois groupes se forment, de composition inégale, isolés dans des halos de lumière, s’attirant, se repoussant. Six hommes, six femmes au costume identique, explorant le mouvement, de la marche aux formes les plus audacieuses, en accord avec la musique résolument moderne de cette première séquence.
Les danseurs et danseuses reviennent, habillé·es de jupes, indistinctement. On apprécie ce refus de l’assignation de genre qui confirme le souci d’égalité hommes-femmes, perçu d’entrée. Plus tard, les danseuses reviendront habillées de justaucorps blancs au soutien-gorge proméminent, classiques, comparativement aux tenues noires de la première séquence plutôt futuristes.
Cloué·es sur nos sièges, nous participons au désir d’affranchissement de la pesanteur. A deux reprises, des couples homme-femme semblent dépasser la condition humaine ordinaire en un être hybride mi-homme mi-femme, en mouvement. Impressionnant !
Pour chaque séquence, le chorégraphe explique avoir voulu trouver les textures sonores adaptées à la notion de gravité évoquée dans la séquence. C’est ainsi que l’on passe de la musique baroque de Bach à la musique de Ravel, que l’on glisse vers Chostakovitch, Daft Punk, Xenakis, Philipp Glass, pour revenir à Ravel et à son Boléro qui clôt la démonstration gravitationnelle.
Au terme d’une heure vingt de dépense d’énergie, le temps est venu de se poser, de se reposer. Les douze corps s’allongent distants les uns des autres, comme abandonnés. La danse comme métaphore de la vie ?
© Jean-Claude Carbonne
Saluons les costumes signés Igor Chapurin tout en sobriété de couleurs, noir et blanc uniquement, mais de styles variés. Saluons aussi le travail sur les lumières d’Éric Soyer qui structurent l’espace, isolent les individus ou accentuent leur liens au contraire.
Une très belle soirée où la recherche chorégraphique n’est jamais pesante ou didactique mais nous transporte par son éclectisme et sa beauté formelle. « Gravité » a été créé pour la biennale de Lyon en septembre 2018 et continue à charmer le public.
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