Proche-Orient. Une tribune du secrétaire du PCF 38
Par Luc Renaud
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Manifestation du 28 octobre à Grenoble.
Jérémie Giono, secrétaire départemental du PCF Isère, appelle dans une tribune à comprendre pour agir en faveur d’une paix juste et durable.
Proche-Orient : agir, comprendre et avancer, pour une Paix juste et durable
Le 7 octobre 2023 restera une date-clé du XXIe siècle. En commettant un massacre de civils sur le sol même d’Israël, les terroristes du Hamas ont ouvert une nouvelle page de l’horreur au Proche-Orient. L’extrême-droite israélienne a saisi l’occasion pour engager une offensive sans précédent contre l’enclave de Gaza, alliant bombardements massifs, blocus humanitaire et combats terrestres.
Dans le territoire le plus densément peuplé de la planète, une telle offensive ne peut que se solder par un carnage parmi la population, et les plus de 17 000 morts à l’heure où ces lignes sont écrites pourraient bien n’être qu’un avant-goût si le blocus humanitaire persiste.
Alors que la trêve précaire de libération des otages israéliens et prisonniers politiques palestiniens a pris fin il y a quelques jours, l’urgence est donc à obtenir un cessez-le-feu et l’ouverture sécurisée du poste frontière de Rafa, où des milliers de camions d’aide humanitaire s’entassent aujourd’hui dans l’impuissance.Les états occidentaux, alliés traditionnels d’Israël, ont une responsabilité de premier plan pour imposer un cessez-le-feu. L’Histoire jugera sévèrement ceux qui ont préférés détourner le regard.
Et au-delà de l’urgence, comprendre est indispensable.
Comprendre n’est pas excuser. Bien au contraire, comprendre c’est mettre en pleine lumière les responsabilités, toutes les responsabilités.
Comprendre, c’est poser les bonnes questions.
Comment se fait-il qu’alors qu’il était visiblement informé par ses services de renseignement avant le 7 octobre, le gouvernement d’extrême-droite israélien n’a pris aucune mesure pour éviter le drame ?
Comment se fait-il qu’alors qu’elles prétendent aujourd’hui incarner le fer de lance de « la civilisation contre le terrorisme » du Hamas, droite et extrême-droite israéliennes ont été des soutiens actifs et assumés de ce même Hamas pendant des années, permettant à l’organisation de s’implanter à Gaza et de s’y maintenir pour affaiblir l’Organisation de libération de la Palestine, l’OLP de Yasser Arafat ?
Comment se fait-il que les dirigeants du Hamas puissent bénéficier en toute impunité de l’asile et du soutien financier massif du Qatar, pétro-monarchie réactionnaire pourtant désignée par les Etats-Unis comme « allié majeur » dans la région ?
Oui, comprendre est essentiel, et loin d’excuser, c’est ce qui permet au contraire de pointer l’ensemble des responsabilités. En la matière, l’extrême-droite israélienne a des comptes à rendre à son peuple, des comptes en lettres de sang.
Comprendre, c’est aussi revenir sur le contexte du drame.
Dans ce domaine, comment imaginer que le pourrissement extrême de la situation gazaouis ne soit pas le terreau idéal de mouvements terroristes ?
Pour rappel, la bande de Gaza compte plus de deux millions d’habitants maintenus dans une pauvreté extrême, sous blocus depuis plus de 15 ans.
Les espoirs soulevés par les accords d’Oslo ont été enterrés par trois décennies de poursuite de la colonisation en Cisjordanie, malgré les condamnations régulières de l’ONU.En Cisjordanie, la colonisation est utilisée par les dirigeants israéliens comme « soupape sociale » dans un pays où les inégalités explosent – en incitant financièrement les israéliens pauvres à s’installer dans les colonies –, mais c’est aussi un mode d’exploitation économique : entre 2000 et 2020, les colonies ont rapporté au PIB israélien l’équivalent de 2,7 fois le PIB palestinien sur la même période.
La politique des gouvernements de droite et d’extrême-droite israéliens a tout fait pour bloquer la perspective d’un développement économique et humain autonome de la Palestine, maintenant le peuple palestinien dans une situation de dépendance subalterne, dans un rôle de sous-prolétariat au service de l’économie israélienne. Une situation que de nombreuses ONG qualifient désormais d’apartheid.
La répression menée contre les civils palestiniens ne peut qu’engendrer le développement du terrorisme. L’armée française a mené des études non-officielles en la matière, et il en ressort que dans ce type de contexte, chaque civil innocent tué par des forces d’occupations permet en moyenne aux groupes armées locaux de recruter sept nouveaux combattants. Qu’on mette en perspective avec les milliers de morts civils qui s’accumulent depuis quelques semaines, et tous ceux victimes des opérations précédentes.
Les Etats-Unis portent une responsabilité écrasante dans ce pourrissement, eux qui se posaient en garants du processus de paix mais n’ont en réalité eu de cesse de bloquer toute médiation de l’ONU, encourageant ainsi indirectement les « ultras » de l’extrême-droite israélienne au détriment du camp de la Paix.
Alors oui, comprendre, c’est mesurer à quel point le terrorisme est une mauvaise herbe qui pousse sur le terreau putride de l’impérialisme.
Comprendre, enfin, c’est chercher des perspectives qui mettent fin à l’escalade meurtrière.
Le chemin était pointé en 1993 : deux États, le respect de frontières reconnues internationalement. C’est ce chemin qu’il faut urgemment reprendre, en contraignant le camp de la guerre en Israël et en Palestine à laisser la main à ceux qui sont prêts à la Paix.
Un homme symbolise cette perspective : Marwan Barghouti.
Dirigeant historique du Fatah aux côtés de Yasser Arafat, emprisonné injustement depuis vingt-et-un ans par l’État Israélien, il incarne la voie de l’indépendance. Ni terroriste, ni corrompu, il est désigné par beaucoup comme le Nelson Mandela palestinien.
Alors oui, si la France veut réellement faire aboutir une solution à deux Etats, elle doit agir. Elle doit exiger la libération de Marwan Barghouti et l’ouverture de négociations sous l’égide de l’ONU. Le chemin de la Paix passe par de vraies négociations internationales
Ces négociations destinées à aboutir à la création d’un État Palestinien viable ne pourront pas se limiter au seul périmètre d’Israël et de la Cisjordanie, mais devront inclure l’ensemble des zones où résident des populations palestiniennes, et au premier chef la Jordanie, qui compte une population à 75% composé de palestiniennes et palestiniens. La question des plus de 700 000 colons israéliens en Cisjordanie est également un sujet important, le retour au respect du droit international étant une condition majeure pour une paix durable.
En parallèle, le nœud de tension que représente la question du statut de Jérusalem doit faire l’objet de positions volontaristes. En 1947, il était prévu que la ville sainte des trois religions « du Livre » soit placée sous administration internationale. Aujourd’hui, cette solution pourrait être remise sur la table pour répondre aux défis posés et de garantir l’égalité de ses résidents comme la sécurité de tous. La France, qui est officiellement présente à Jérusalem et assure la sécurité de plusieurs lieux historiques majeurs, peut avoir un rôle pivot dans la construction de ce statut international. Jérusalem, de pomme de la discorde, deviendrait alors un symbole de Paix et de multilatéralisme.
Le chemin ne sera pas simple, il serait irréaliste de penser le contraire.
Mais nous n’avons pas le droit de regarder ailleurs, nous n’avons pas le droit de faire preuve de l’indifférence de la distance, car ce qui se joue au Proche-Orient déterminera l’image du monde du XXIe siècle : s’agira-t-il d’un monde régi par la loi du plus fort, par la loi de la violence et de toutes les barbaries ? Ou au contraire, d’un monde où l’Humanité est capable d’agir en commun pour régler ses conflits, d’un monde où la Raison l’emporte ?
Ce qui se joue en ce moment, c’est bien une lutte entre Lumières et Obscurantisme. Mais les lignes de front ne sont pas celles des propagandes de guerre, toutes partisanes d’un « choc des civilisations » porteur d’un nouvel Age sombre.
Face à ces propagandes, soyons à la hauteur des Lumières, faisons triompher le chemin de la Paix !
Jérémie GIONO
Secrétaire départemental du PCF Isère