Mardi 5 décembre 2023 – Un public varié s’installe. De tous âges, de toutes nuances de peau. La chanteuse est arménienne et l’affiche a séduit la diaspora. En fait, le répertoire est sous deux influences majeures : les sonorités des Balkans au sens large – de l’Arménie à la Grèce – et le jazz. Prévu pour durer 1h15, le concert nous a dynamis·ées plus de deux heures pour se terminer en dansant. Vive le métissage !

Jaklin, Louis et les autres

Ils se sont rencontrés en 2018, dans un bar de jazz à Lille. Elle, Jaklin Baghdasaryan, l’Arménienne qui chante depuis qu’elle est enfant, arrivée de Biélorussie pour tenter sa chance, trouver sa voie et sa voix. Lui, Louis Thomas, nom bien français, école de musique de Quesnoy-sur-Deule dès sept ans, conservatoire de jazz de Lille, voyages, glaneur de rythmes, multi-instrumentiste – trompette, flûte, guitare -.

Avec leurs complices – Romain au saxophone, Ninon au chœur, Pierre à la batterie et Aurélien comme ingénieur du son – ils ont fait émerger en quelques années un groupe musical de haut niveau, en réinventant la pop balkanique, entre tradition et modernité, en mêlant et revisitant tout.

Leurs airs aux arrangements nomades nous invitent plutôt à la fête qu’à la mélancolie. C’est bien l’énergie qui porte la chanteuse-autrice-compositrice de 25 ans, enthousiaste et généreuse, cherchant le contact avec le public, l’entraînant dans son voyage musical.

L’âme du groupe en robe rouge ultra-courte

Elle arrive, mutine et souriante, à l’aise, se saisit du micro pour un premier air arménien co-écrit avec Louis Thomas. « Manoushak » affirme de façon lancinante la volonté de témoigner pour les êtres en souffrance : « Je veux chanter pour eux » « qui a mal au cœur » « je crierai plus fort / pour toi qui n’a pas de force » « je serai ta voix d’espoir » … mais nous ne le saurons que le lendemain grâce à la traduction trouvée sur Internet.

La voix est cristalline, le charme impertinent. Elle joue de sa robe si courte qui pourrait contrarier sa mère. Elle s’amuse à tirer sur le tissu… qui ne descend pas ! Un peu plus tard, elle revendique défendre la tradition… à condition que sa liberté soit respectée.

Avec Louis, son complice, ils ont composé un répertoire nourri de « saudade balkanique » et de vibrations créoles. La chanson « Oror » s’élève contre l’indifférence aux victimes du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. « Ararat » chante le symbole national de l’Arménie, pourtant situé en Turquie. Suivent quelques chansons en français. Une reprise de Marie Laforêt : « … Mon amour, mon ami / Quand je chante c’est pour toi … ». Le concert se clôt avec « La Montagne » où il est question d’une maison, à des milliers de kilomètres, au-delà des montagnes. Il fait aussi la part belle aux instrumentistes, en solo.

Ladaniva, d’où vient ce nom qui fait penser aux voitures Lada bien connues en Europe de l’Est ? C’est effectivement celui d’un modèle de 4×4, très répandu dans l’ex-Union soviétique et aujourd’hui démodé. Comme un clin d’oeil aux origines de Jaklin, assumées avec humour et tendresse. J’en veux pour signe les trois références à la mère pendant le concert.

C’était le dernier concert de l’année, d’où cette difficulté à quitter la scène, dont le public de la Rampe a bénéficié avec entrain.

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