© Patrick Berger

Mardi 7 novembre 2023 – Soir de première. Nous nous frayons un chemin entre les groupes de jeunes qui se sont donné rendez-vous sur le parvis de la Rampe avant la représentation. Ce soir, la salle sera aux deux-tiers « jeune ». On salue le travail effectué par La Rampe en direction du public scolaire et l’engagement des professeur·es pour initier leurs élèves au spectacle vivant. Ce soir, ils seront subjugués. Aucun bruit parasite pendant l’heure et demie où les oiseaux vont s’ébattre devant nous. Ont-ils été, comme nous, éblouis par l’inventivité et la virtuosité de la création de la Cie Aniki Vóvó?

Cinq silhouettes grises collées les unes aux autres se déplacent à petits pas chassés dans une ambiance sombre. Elles cherchent leur chemin dans le noir, lanterne à bout de bras. Elles s’accompagnent de sons répétitifs évoquant des cris d’oiseaux. Les oiseaux vont mal. Sont-ils condamnés ? Vont-ils se résigner ? Comment échapper à l’extinction des espèces ?

Au bout d’une dizaine de minutes, le groupe s’anime. Les individualités se révèlent. Les costumes prennent des couleurs, d’abord discrètes puis de plus en plus éclatantes vers l’apothéose. Les pépiements s’intensifient, les cris se diversifient. Chants et ramages montent en intensité. Les danseurs et danseuses-oiseaux grimpent aux échelles tombées sur le plateau, s’interpellent, tanguent aux sonorités de la samba, sortent de scène pour rentrer vêtu·es de tissus aux couleurs toujours plus éclatantes, maquillé·es avec exubérance. C’est superbe !

© Patrick Berger

Conjurer la peur – Célébrer la beauté du monde

Joana Schweizer ne se résigne pas, elle résiste ! Avec ses quatre partenaires, créatures hybrides, à la fois humaines et oiseaux, elle compose un hymne à la vie : chants, couleurs, danse se conjuguent dans un langage corporel unique. Du jamais vu !

La chorégraphe explicite sa démarche.

« Chorégraphiquement nous nous inspirons de l’observation des oiseaux, notamment des parades nuptiales d’oiseaux de paradis. […] Nous nous inspirons de leur gestuelle, de leurs micromouvements de têtes, isolations de poitrine, déambulations terrestres menées par le bec. Nous cherchons à nous transformer, et à devenir oiseau. »

« Lors de mes recherches, j’ai beaucoup dansé sur de la samba, car c’est une musique qui me donne envie de vivre lorsque je l’écoute. Il se trouve qu’à l’origine c’est une musique et une danse de résistance. Cette danse a été créée par des esclaves venant d’Angola ou du Congo, souvent jugée trop obscène, car faisant entre autre un appel à la gaieté et à l’énergie du ventre. Samba signifie nombril en Bantou. L’origine de la Samba est probablement une des raisons pour lesquelles c’est un style qui me donne envie d’être avec l’autre et dans la joie, et qui me met en mouvement depuis l’endroit du cœur. »

« La voix est mise à l’honneur. Le chant, mais également le souffle, le sifflement, les gazouillis, la parole et le cri… Des Oiseaux sera composé d’un vrai orchestre de volatiles, accompagnés d’instruments traditionnels de la batucada, pandeiros, cloches et autres percussions brésiliennes jouées en live par les perfomeur.euses. »

© Patrick Berger

La Compagnie Aniki Vóvó créée par Joana Schweizer en 2016

La création de la Cie correspond à la nécessité de créer des objets artistiques qui cherchent à résoudre une équation dont les trois inconnues sont le corps, la musique, et l’espace. La compagnie regroupe des artistes aux profils hybrides et pluridisciplinaires, qui ne rentrent jamais dans une seule case, et qui sont toujours prêts à explorer de nouvelles voies. Les spectacles s’inspirent de l’humain, de ses limites, de ses espoirs et de ses soulèvements. Prenant souvent la forme de fable, dans une approche sociale, documentaire et poétique.

Joana Schweizer.

​La Cie Aniki Vóvó (du nom d’une comptine portugaise) est associée au Dôme Théâtre (Albertville) et à La Rampe (Échirolles) pour les saisons 2023-2024 et 2024-2025.

En réponse à une question que nous lui posons après le spectacle, sur le processus de création, Joana Schweizer répond : travail en équipe, complémentarité. Elle cite particulièrement Gala Ognibene, scénographe et photographe avec qui elle co-dirige la Cie.

Un collectif à suivre !

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