Grenoble. « Arrêtons de stigmatiser les pauvres ! Ils n’ont pas décidé de l’être »

Par Luc Renaud

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La ligne A pointée du doigt pour son ratio de fraude. Est-ce un hasard ?

Face à la campagne « anti-fraude » mise en œuvre par la M’Tag et le Syndicat des mobilités de l’aire grenobloise (SMMAG), trois collectifs dénoncent une « campagne humiliante et infantilisante ». Ces trois collectifs agissent pour la gratuité de l’accès aux transports publics.

Le collectif pour la gratuité des transports, Alternatiba et Grenoble citoyenne se sont associés pour conduire une campagne pour la gratuité des transports. Ils proposent notamment la signature d’une pétition en ligne. Ces trois collectifs ont adressé une lettre ouverte, datée du 13 octobre, à Sylvain Laval, président du SMMAG ; Jean-Paul Trovéro, président de M’TAG et Michael Guthmuller, directeur général de M’TAG.
Courrier dont on trouvera ci-après la teneur :

Nous souhaitons par ce courrier réagir à la campagne que vous menez ces dernières semaines pour lutter contre la fraude. Nous considérons, visiblement nous ne sommes pas les seuls au vu des nombreuses réactions recueillies ici ou là, que cette campagne stigmatise les jeunes et les personnes qui pour une raison ou une autre ne peuvent pas s’acquitter du prix du ticket.

Pensez-vous réellement que l’augmentation du nombre de personnes ne payant pas leur ticket de transport n’a rien à voir avec les difficultés financières grandissantes auxquelles sont confrontées une grande partie de la population ? Le 17e baromètre IPSOS SPF paru en septembre dernier alerte pourtant : « la situation des Français et des Françaises continue d’empirer en 2023, après une année 2022 déjà marquée par une forte dégradation », et « les difficultés pour assurer les dépenses courantes ont encore augmenté ; et pour une impressionnante batterie de besoins essentiels (santé, besoins des enfants, énergie et alimentation), elles atteignent de nouveaux records ».

Croyez-vous réellement que si la ligne de transports où le nombre de personnes sans ticket est le plus important est la ligne A, ligne fréquentée par les milieux populaires et les jeunes, ce soit le fruit du hasard ?

Les usagers sans titre sont pour beaucoup des gens qui n’ont pas d’argent à consacrer au prix du billet + à leur loyer+ à leurs charges + à leurs études + à leur alimentation. Arrêtons de stigmatiser les pauvres ! Ils n’ont pas décidé de l’être. Ils ont besoin de mobilité. Ils ont besoin de rompre l’isolement. Nous avons tous besoin d’être ensemble sans que nos droits soient différents selon notre niveau de vie, d’accéder au travail, à la formation, aux rendez-vous médicaux, aux loisirs, à nos associations sportives, à nos ami.es…

Les difficultés des gens sont réelles. Nous sommes persuadés que la recherche de financements complémentaires et alternatifs, accompagnés de respect entre salariés et usagers de la tag permettra une amélioration de ce bien commun.

Les difficultés financières des transports en commun ne viennent pas des usagers fraudeurs, alors que les recettes issues des usagers ne représentent qu’une faible partie du budget de la TAG, elles viennent de la faiblesse des moyens pour un fort développement des transports collectifs. Les moyens nécessaires pour cela sont d’une toute autre ampleur que les gains que vous pouvez espérer faire avec cette campagne humiliante et infantilisante.

Nous sommes par ailleurs choqués par votre décision de solliciter la mise en œuvre la loi de 2016, dite loi Savary, qui institue le « délit de fraude d’habitude » , délit qui au bout de cinq contraventions dans l’année expose à des peines pouvant aller jusqu’à 7500 € d’amende et six mois d’emprisonnement. Pensez-vous réellement que quelques dizaines d’euros d’impayés méritent une telle peine ? Plutôt que de remettre dix dossiers au procureur comme la presse l’annonce, vous feriez bien mieux de vous élever contre une telle disposition qui n’honore pas le gouvernement qui l’a fait adopter. Nous souhaitons vivement que vous interveniez pour que ces poursuites soient abandonnées, afin d’éviter que des personnes se retrouvent dans des situations dramatiques.

Nos trois collectifs (Alternatiba, Collectif pour la gratuité des transports publics, Grenoble Citoyenne) mènent depuis plusieurs mois une campagne pour le développement et la gratuité des transports publics. C’est une proposition qui vise à changer nos façons de nous déplacer tout en garantissant le droit à la mobilité de chacun. C’est une autre façon de faire société et de vivre ensemble, répondant à l’urgence climatique, sanitaire et sociale que nous traversons. 42 métropoles ont déjà fait ce choix, dont Montpellier qui est une métropole en tous points comparable à celle de Grenoble. Ce que Montpellier a fait, la Métropole grenobloise doit pouvoir le faire. C’est une question de choix financiers et de priorités.

Dégager des moyens suffisants pour un développement important des transports publics est une question politique importante, qui ne doit pas être escamotée par le biais d’une campagne qui, in fine, désigne une partie de la population comme responsable des difficultés rencontrées.

Cordialement

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