Grenoble. Un dimanche de condamnations au tribunal correctionnel

Par Edouard Schoene

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Deux salles d’audience du tribunal correctionnel de Grenoble ont été ouvertes ce dimanche de 10h à 18h.

Cinq prévenus ont été jugés dans la journée de ce dimanche 2 juillet pour leur participation aux pillages de la nuit du 30 juin au 1er juillet dans le centre ville de Grenoble. Les audiences se sont poursuivies dans la nuit de dimanche à lundi.

Les huit heures d’audience à la salle 5 du tribunal correctionnel de Grenoble auront été lourdes pour les prévenus, leurs familles, les auditeurs, les avocats et magistrats. L’ombre du garde des Sceaux, Eric Dupont Moretti, aura été présente tout au long de la journée. Dans une circulaire envoyée aux parquets à propos des révoltes suite au meurtre de Nahel, le garde des Sceaux demandait en effet « une réponse pénale rapide, ferme et systématique » contre les interpellés. Le procureur de la République a été clair dès l’ouverture des procès. « C’est la première fois en trente ans que ce tribunal se réunit un dimanche, qui plus est dans deux salles du palais de justice. 53 personnes ont été mises en garde à vue. Ce n’est jamais arrivé. Nous allons juger en procédure d’urgence dans les règles judiciaires. Nous disposons de dossiers. La mort de Nahel a provoqué des réactions. Notre justice n’est pas une justice d’émotion. C’est une justice qui protège les citoyens, les prévenus, les lois, une justice avec des débats contradictoires. »
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Le palais de justice de Grenoble.

La présidente du tribunal à l’entrée de chaque prévenu rappelait que celui-ci pouvait demander un report de jugement rappelant toutefois avec insistance que le report pourrait se solder par un maintien en prison. Ce fut dissuasif puisque les cinq premiers prévenus ont accepté le jugement ce dimanche. De dix heures à 18h – l’audience s’est poursuivie ensuite jusque tard dans la nuit avec d’autres prévenus -, ils ont été jugés en procédure de comparution immédiate.

Un des prévenus, qui habite galerie de l’Arlequin, explique être venu en ville vendredi pour manifester en hommage à Nahel. Puis il est resté au centre ville avec d’autres pour manifester contre la mort de Nahel. A 23h50, il est appréhendé par la police pour avoir volé aux galeries Lafayette, qui avaient été vandalisées, trois tee shirts et trois parfums pour une valeur de 431€.

Il regrette son acte, dit avoir perdu la tête : « j’ai agi contre ma volonté ». La présidente lui demande ses revenus : 1300€ bruts. Elle commente : « vous gagnez bien votre vie ». Mon voisin réagit en me disant que ces juges sont assez loin des réalités. Le prévenu travaille chez Mac Do et attend une progression de carrière à l’automne. Le procureur requiert huit mois de prison ferme, le mandat de dépôt et un stage citoyen. L’avocate demande que l’on juge son client, et non pas les centaines de personnes absentes au tribunal. Elle décrit le sérieux de la personne, ses conditions de vie difficiles et estime qu’une peine exagérée pourrait briser sa vie.

Six mois fermes

Après délibération le tribunal le condamnera à six mois de prison ferme en acceptant que la peine soit transformée en prison à domicile sous bracelet. La juge précise que, début 2024, un autre procès complètera la peine en fixant le paiement de dommages qui pourront se situer entre 431€ et 368 000€, première estimation des galeries Lafayette des dégâts, des vols et de la perte d’activité.

Deux autres prévenus, jugés pour vols dans des magasins pillés, d’origine étrangère et en situation irrégulière, ont reçu lors de leur garde à vue une obligation de quitter le territoire (OQTF) avant d’être condamnés à de la prison ferme… qui pourra être commuée s’ils quittent le territoire.

Un prévenu jugé pour vol d’une paire de chaussures, nie les faits. Il apporte trois témoignages pour soutenir sa thèse : « j’étais à l’extérieur d’un magasin ; un homme le quittait avec des cartons de chaussures et me bouscule. Une paire de chaussures tombe à mes pieds au moment où la police m’arrête et considère que j’ai volé cette paire de baskets ». En garde à vue, le prévenu demande en vain que la vidéo de surveillance soit visionnée pour le disculper. L’avocate, développant avec rigueur des éléments de fautes de procédures dues à l’urgence de l’action juridique, demande la relaxe.

Le procureur balaie ces arguments, se moque du prévenu qui inventerait n’importe quoi et réclame sept mois fermes. Le prévenu sera condamné à trois mois de prison ferme avec aménagement de peine sous bracelet, pour lui permettre de continuer à travailler.

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Plusieurs dizaines de personnes s’étaient rassemblées devant le tribunal.

Tout au long de la journée des dizaines de militants étaient présents devant le tribunal. Ils réclamaient une justice équitable. Ce dimanche soir, aux informations télévisées, la violence policière ne fait plus la Une. Les infos régionales rendent compte brièvement de la rapidité de la justice à Grenoble. On oublie qu’en Allemagne, trois tirs mortels dans le contexte d’un refus d’obtempérer ont été enregistrés en dix ans, tandis qu’en France la moyenne est d’un par mois. Et les médias ne font aucun écho à « l’appel pour la jeunesse populaire » cosigné par la CGT, Solidaires, la FSU, ATTAC et cinq autres associations. Appel qui demande une réponse politique aux attentes légitimes des jeunes délaissés. Questions politiques, enjeux de société, qui demeurent. Par delà la nécessaire condamnation de la violence comme moyen d’expression.

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