La Rampe-Echirolles – Albin de la Simone et l’ensemble Contraste, « Les Choses de la vie »
Par Régine Hausermann
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Johan Farjot, Arnaud Torette et Albin de la Simone ©Amélie Baudry Tcherniak
Un récital tout en élégance et délicatesse pour chanter les Choses de la vie ! Musique classique, chanson française, compositions originales et chansons nouvelles signées Albin de la Simone mais aussi chansons de quelques « aînés ». Avec comme point commun les petites joies et les peines de l’existence. En poésie.
© Contraste Productions
Mardi 11 octobre – Quelques instruments sur la scène, quelques projecteurs. On est loin de l’efervescence et de la foule de musicien·nes de la semaine précédente avec l’ONL. Le calme règne dans la salle, dans l’attente de l’entrée du trio de l’ensemble Contraste. Johan Farjot au piano, Arnaud Torette à l’alto et Rozenne Le Trionnaire à la clarinette. artistes classiques virtuoses ont concrétisé leur projet pendant le confinement . Faut-il dire « grâce au… » ? Ils voulaient décomplexer la musique classique, mélanger les genres et provoquer la surprise par des rencontres audacieuses. C’est réussi ! Albin de la Simone, auteur-compositeur-interprète et pianiste de jazz, entre peu après, et s’installe au premier pupitre. « Moi moi », sa première chanson, se rit de la tendance de certain·es à l’égocentrisme, avec tendresse presque. Parle-t-il aussi de lui ? Le premier « aîné » convoqué est Bourvil et son « p’tit bal perdu ». Douceur nostalgique.Bourvil en 1967 ©Kroon, Ron / Anefo
Puis Gabriel Fauré et son chant mélancolique, « Tristesse ». « Avril est de retour, La première des roses, De ses lèvres mi-closes, Rit au premier beau jour, La terre bienheureuse S’ouvre et s’épanouit Tout aime, tout jouit, Hélas ! j’ai dans le cœur Une tristesse affreuse!… » Deux chansons d’Albin de la Simone : « La Fuite » où un mauvais garçon qui a « déconné » invite son amoureuse à le rejoindre « sur le ponton du bout du lac » pour se faire la belle ; « Le Grand amour » teinté d’ironie, qui se termine par ces deux vers : « L’amour, le vrai, le beau S’était barré au galop ». Entre les deux, une composition de Thorette et Farjot, « Viens avec moi ». Puis le terrible poème de Prévert mis en musique par Kosma, « Déjeuner du matin », interprété sobrement, quasi sans affect, s’en tenant à la description. « Il a mis le café Dans la tasse Il a mis le lait Dans la tasse de café Il a mis le sucre Dans le café au lait Avec la petite cuiller Il a tourné Il a bu le café au lait Et il a reposé la tasse Sans me parler Il a allumé Une cigarette Il a fait des ronds Avec la fumée Il a mis les cendres Dans le cendrier Sans me parler Sans me regarder Il s’est levé Il a mis Son chapeau sur sa tête Il a mis son manteau de pluie Parce qu’il pleuvait Et il est parti Sous la pluie Sans une parole Sans me regarder Et moi j’ai pris Ma tête dans mes mains Et j’ai pleuré »Jacques Prévert en 1961
Albin de la Simone enchaîne avec une de ses créations « Mes épaules », tout en autodérision. « Rimes » de Nougaro qui joue sur les mots comme la Toulousain savait si bien le faire. Musique d’Aldo Romano. « J’aime la vie quand elle rime à quelque chose J’aime les épines quand elles riment avec la rose J’aimerais même la mort si j’en sais la cause Rimes ou prose J’aime ma chanson quand elle rime avec ta bouche Comme les ponts de Paris avec bateau-mouche Et la perle des pleurs avec l’œil des biches Rimes tristes … » Puis deux chansons connues qu’Albin de la Simone interprète seul, s’accompagnant au piano. « La Chanson d’Hélène » paroles de Jean-Louis Dabadie/musique de Philippe Sarde, écrite pour le film « Les Choses de la vie » dont Claude Sautet n’a retenu que la musique et qui constitue le climat du film. D’où le titre du spectacle de ce soir ! Hélène (Romy Schneider) et Pierre (Michel Piccoli) y dialoguent la fin de leur amour.Affiche du film de Claude Sautet (1970)
« Vertige de l’amour » d’Alain Bashung. « J’ai crevé l’oreiller J’ai dû rêver trop fort Ça me prend les jours fériés Quand Gisèle clape dehors J’aurais pas dû ouvrir À la rouquine carmélite La mère sup’ m’a vu venir Dieu avait mis un kilt Y’a dû y’avoir des fuites Vertige de l’amour … » Et trois morceaux d’Albin de la Simone pour terminer, « Petit moi », « Une femme », « A midi on m’a dit » en compagnie de ses compères et commère. Puis un bis, évidemment, une interprétation désopilante de « Qu’est-ce qu’elle a ma gueule » tant le contraste est fort avec l’interprétation de Johnny Hallyday. Voix douce versus voix rauque, gestuelle sobre versus coups de talon, tenue de ville en beige et brun versus pailllettes et cuir, orchestration shootée aux décibels versus trio virtuose classique, questionnement tout en douceur versus agressivité testostéronée. Albin de la Simone, l’anti-macho, on aime ! Retrouvez l’Ensemble Contraste • A la MC2, le 9 décembre – Schubert in love • A l’Espace Paul Jargot à Crolles, le 21 janvier – Joséphine Baker, Paris mon amour