MC2-Grenoble – La Vie est une fête

Par Régine Hausermann

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© Philippe Lebruman

L’insolente compagnie des Chiens de Navarre bouscule, mord, déchire et secoue les spectateurs et les spectatrices. La violence se déchaîne dans cet asile de fous, métaphore de nos sociétés « civilisées ». Rien ne va plus au royaume de France et de Navarre. Tragique et jouissif !

Mar­di 27 sep­tembre – Lorsque nous entrons dans la grande salle Georges Lavau­dant, le bruit nous sai­sit. Il n’est que 19h50 et le spec­tacle semble avoir com­men­cé dans une salle qua­si comble.Les places ne sont pas numé­ro­tées mais nous trou­vons deux sièges, au bout d’une ran­gée occu­pée par des lycéen·nes.
Devant le rideau de scène, un per­choir, qui évoque celui de l’Assemblée natio­nale, sur lequel s’agite son pré­sident, impuis­sant à cal­mer les invec­tives de six député·es de tous bords, déchaîné·es, s’empoignant au sujet du der­nier pro­jet de loi. La France est folle !
La salle est chauf­fée lorsque le rideau se lève et que les député·es réap­pa­raissent, ayant tro­qué leurs cos­tumes pour les tenues, plus ou moins dénu­dées, de six patient·es et soignant·es du ser­vice d’urgence d’un hôpi­tal psy­chia­trique.

Le bateau prend l’eau, l’hôpital est en ruines, la meute est lâchée

Ce n’est pas vrai­ment la fête sur le pla­teau dont le pla­fond fuit, le sol est cou­vert de terre, le dis­tri­bu­teur de bois­sons est en panne, les fau­teuils sont déglin­gués et l’horloge murale défi­ni­ti­ve­ment blo­quée à la même heure.

Dans ce lieu en voie de déla­bre­ment entrent et sortent des per­son­nages tout aus­si atteints par la décré­pi­tude. Les séquences se suc­cèdent sur un rythme endia­blé.
Une femme, la qua­ran­taine, subit un exa­men vagi­nal mus­clé dans le cabi­net d’une gyné­co­logue bru­tale qui s’effare de ce qu’elle observe et conseille à sa patiente « d’entretenir la machine ». On la retrouve un peu plus tard dans un cabi­net de chi­rur­gie esthé­tique, où elle fait une attaque à l’annonce du prix des tra­vaux d’entretien pres­crits.

Le créa­teur d’une star­tup est en crise, à la suite de son évic­tion de sa propre entre­prise par deux jeunes loups aux dents longues et sans prin­cipes. Mais pas­sés maîtres dans la « nov­langue mana­gé­riale ».

Un autre homme souffre de soli­tude affec­tive et sexuelle.

Une grou­pie du chan­teur Chris­tophe ne se remet pas de la mort de son idole. Elle déprime et raconte – illu­mi­née — sa ren­contre avec l’interprète des « Mots bleus », au stand de l’Aveyron à la Fête de l’Huma.

©Philippe

© Phi­lippe Lebru­man

Défilent sous nos yeux une bro­chette de per­son­nages secon­daires affo­lés : un monstre san­gui­naire en slip, un flic et un mani­fes­tant tout aus­si enra­gés – allu­sion aux gilets jaunes et aux vio­lences poli­cières — , le Joker de Joa­quin Phoe­nix… La meute des Chiens de Navarre est lâchée. Les sujets trai­tés sont en lien étroit avec notre actua­li­té. S’insinue alors la petite musique que cet asile de fous, c’est notre socié­té, c’est nous. Un spec­tacle d’une éner­gie folle, por­té par sept comédien·nes et des ama­teurs. Les lycéen·nes, dont c’est peut-être le pre­mière expé­rience théâ­trale, ne sont pas prêt·es de l’oublier. La Vie est une fête. Les Chiens de Navarre. Mise en scène de Jean-Chris­tophe Meu­rissse.

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