Santé. La boule au ventre des soignants

Par Luc Renaud

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Ce 22 septembre, rassemblement place de verdun à l’appel de la CGT.

A l’appel de la CGT, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées le 22 septembre à Grenoble. Des témoignages d’un quotidien qui racontent comment tout un système est en train de basculer par des démissions en cascade. Avec une angoisse, celle de la « maltraitance malgré soi ».

Entre 2013 et 2020, 27000 lits d’hospitalisation ont dis­pa­ru. ‑6,5 % en sept ans. Et cela selon un rap­port de la Direc­tion de la recherche, des études de l’é­va­lua­tion et des sta­tis­tiques, très offi­ciel orga­nisme dépen­dant du minis­tère de la San­té. Le 22 sep­tembre, place de Ver­dun, devant la pré­fec­ture de l’Isère, les pro­fes­sion­nels de san­té ras­sem­blés dans le cadre de la jour­née natio­nale d’action ini­tiée par la CGT, illus­traient ce que ça veut dire dans leur quo­ti­dien pro­fes­sion­nel. Un quo­ti­dien qui n’en est plus un pour trop d’entre eux : ils démis­sionnent. « Il y a aujourd’hui 180 000 infir­mières diplô­mées qui exercent un autre métier », disait Michel Sou­lier, res­pon­sable de la CGT à l’hôpital de Saint-Egrève, s’appuyant sur une décla­ra­tion de la dépu­tée insou­mise Caro­line Fiat.
CGT-CHU-Grenoble/

Le témoi­gnage d’une infir­mière et d’une aide-soi­gnante du CHU de Gre­noble.

Car tra­vailler à l’hôpital est deve­nu humai­ne­ment dif­fi­cile. Deux soi­gnantes du CHU évo­quaient les heures sup­plé­men­taires impo­sées par le chan­tage à la bonne prise en charge des patients, les jour­nées de douze heures au cours des­quelles la concen­tra­tion dimi­nue à un moment ou un autre, les congés annu­lés parce qu’il faut venir rem­pla­cer… Avec une boule au ventre, celle de la crainte de mal faire son tra­vail, de deve­nir « mal­trai­tant mal­gré soi ».
Collectif-Voiron/

Les membres du col­lec­tif san­té de Voi­ron sont venus expo­ser leur action pour la défense de l’hô­pi­tal.

Des repré­sen­tants du col­lec­tif san­té de Voi­ron expli­quait pour­quoi l’hôpital ne fonc­tionne plus à plein régime : trop de méde­cins ont démis­sion­né. Constat iden­tique au grou­pe­ment hos­pi­ta­lier mutua­liste, la Mut’ ven­due au pri­vé lucra­tif. Et les constats sont simi­laires dans le médi­co-social ou l’action sociale : renon­ce­ments face à la dégra­da­tion des condi­tions d’exercice, sous-effec­tifs… au détri­ment des per­sonnes accom­pa­gnées.
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Damien Bagnis, secré­taire de l’u­nion syn­di­cale dépar­te­men­tale san­té CGT.

De tout cela, il a été ques­tion lors d’une ren­contre, le 16 sep­tembre, en pré­fec­ture. Damien Bagnis, secré­taire de l’union syn­di­cale dépar­te­men­tale san­té CGT, et Eli­sa Bales­trie­ri, secré­taire de l’union dépar­te­men­tale, ont été reçus par le direc­teur de cabi­net du pré­fet et la sous-direc­teur de l’agence régio­nale de san­té. Tout deux ont évo­qué ces situa­tions, mais aus­si les déserts médi­caux qui s’étendent, et la baisse du nombre d’étudiants dans les for­ma­tions ini­tiales des métiers de la san­té et du médi­co-social. « Le mode dégra­dé du fonc­tion­ne­ment des hôpi­taux, dont on nous a expli­qué que c’était sim­ple­ment pour pas­ser l’été, est en train de s’installer dura­ble­ment », consta­tait Eli­sa Bales­trie­ri.
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Eli­sa Bales­trie­ri, secré­taire de l’u­nion dépar­te­men­tale CGT.

« Nous avons éga­le­ment posé la ques­tion de la créa­tion d’un centre de san­té à Rous­sillon, face à l’absence de méde­cins », indi­quait Damien Bagnis. Leurs inter­lo­cu­teurs ont vou­lu croire que les quelques aug­men­ta­tions de rému­né­ra­tion issues du « Ségur de la san­té » pou­vaient pré­sen­ter une solu­tion au manque d’attractivité de ces métiers. « Nous sommes évi­dem­ment très loin du compte, que ce soit en terme de salaires mais aus­si de condi­tions de tra­vail pour résoudre les pro­blèmes », sou­li­gnait Damien Bagnis, en appe­lant à la pour­suite de la mobi­li­sa­tion. Caro­line Audric, secré­taire de l’union locale CGT de Gre­noble et sala­riée de la sécu­ri­té sociale, don­nait ren­dez-vous à la jour­née de grève et de mani­fes­ta­tion du 29 sep­tembre : « ce n’est bien sûr pas dans les cabi­nets pré­fec­to­raux que nous règle­rons les pro­blèmes, c’est en nous réunis­sant dans nos éta­blis­se­ments et en asso­ciant les usa­gers à nos luttes que nous obtien­drons les moyens de faire notre bou­lot, c’est-à-dire de pou­voir nous occu­per cor­rec­te­ment des gens ».
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Mickael Trous­sier, pré­sident de l’as­so­cia­tion Han­di-moi-oui.

Han­di­cap : une asso­cia­tion qui regroupe per­sonnes et métiers concer­nés Par­mi les par­ti­ci­pants au ras­sem­ble­ment du 22 sep­tembre, les membres d’une nou­velle asso­cia­tion, « Han­di-moi-oui ». Une asso­cia­tion qui regroupe les per­sonnes en situa­tion de han­di­cap, mais aus­si les per­son­nels qui tra­vaillent à leurs côtés ain­si que les aidants. « C’est une spé­ci­fi­ci­té de notre asso­cia­tion, pré­side Mickaël Trous­sier, son pré­sident, il est impor­tant pour nous que la situa­tion de toutes les per­sonnes concer­nées soit prise en compte pour la réflexion et les reven­di­ca­tions ». La vice pré­si­dente de l’association, Cata­ri­na Leleu do Espi­ri­to San­to, est ain­si accom­pa­gnante d’élève en situa­tion de han­di­cap (AESH). L’association se pro­pose d’intervenir auprès de la métro­pole pour amé­lio­rer l’accessibilité du centre ville de Gre­noble (« une voie lisse per­met­trait aux per­sonnes qui ont de la dif­fi­cul­té à se dépla­cer de mieux accé­der aux quar­tiers pié­tons ») et met en avant des reven­di­ca­tions natio­nales : aug­men­ta­tion de 400 euros de l’allocation adulte han­di­ca­pé (actuel­le­ment de 918 euros, sous le seuil de pau­vre­té), retour à l’obligation de l’accessibilité des loge­ments neufs (la loi Elan est reve­nue en arrière par rap­port à celle de 2005), appli­ca­tion réelle de l’obligation aux entre­prises publiques d’employer 6 % de per­sonnes en situa­tion de han­di­cap (3 % dans le pri­vé) et aug­men­ta­tion des ces seuils. L’association appelle à par­ti­ci­per à la jour­née d’action CGT du 29 sep­tembre. Contact : handi.moi.oui@gmail.com

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