Grenoble. Les jeunes générations et l’Algérie

Par Edouard Schoene

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Rocé et Lynda Bensella, deux parcours et la mise en parallèle de deux regards sur l’Algérie et la France.

Rocé, rappeur, qui chantait à la Bobine samedi et Lynda Bensella, militante syndicale, participaient samedi 19 mars à une table ronde sur le thème « 1962 : indépendance de l’Algérie, un événement marquant pour tous les peuples. 2022 : quel regard les générations d’aujourd’hui portent sur leur histoire et sur les combats actuels pour l’égalité ? »

Dans le cadre du pro­gramme du mois déco­lo­nial ce débat ras­sem­blait 80 per­sonnes, same­di 19 mars à l’amphithéâtre de la mai­son du tou­risme. Pour le « col­lec­tif du 17 octobre 1961 » et « le mois déco­lo­nial » Maria­no Bona intro­dui­sait la ren­contre.

Que sont deve­nus les enfants de l’Algérie de 1962 ? Trois ques­tions sont posées à la salle : « indé­pen­dance des peuples, colo­ni­sa­tion, droit des peuples, qu’avez-vous à dire ? ».

Plu­sieurs inter­ve­nants réagissent notam­ment en par­lant de l’actualité de l’Ukraine. Des mises au point his­to­riques sont faits sur des évé­ne­ments trop mécon­nus, comme la répres­sion du 8 mai 1945 en Algé­rie , consi­dé­rée comme acte un de la révolte algé­rienne. Le hirak, plus récem­ment a com­men­cé à Kera­ta, lieu mar­tyr de mai 45.

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Quatre-vingt per­sonnes ont par­ti­ci­pé à cet échange.

Rocé se pré­sente : « Né à Alger, je suis arri­vé à quatre ans en France. Mon père est russe, ma mère Algé­rienne. Mon grand père était au « bund », dans les années 20, mou­ve­ment juif, russe, com­mu­niste, anti­sio­niste. Fiché anar­chiste, il a du fuir en Argen­tine. Mon père est né en France avec la natio­na­li­té d’Argentine. Ayant des connais­sances en chi­mie, il est ren­tré dans la résis­tance pour faire des faux papiers. Le FLN l’a fait tra­vailler à par­tir de ses com­pé­tences. Il a pas­sé la plu­part de sa vie dans la clan­des­ti­ni­té à tra­vers le monde. J’ai gran­di en décou­vrant une famille bizarre sans être poli­ti­sé. L’Algérie me touche dans ma chair. Dans mon par­cours artis­tique et mili­tant l’indépendance est une valeur majeure. Mon père était caché, moi artiste, je suis dans la lumière ».

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Rocé.

Lyn­da Ben­sel­la, ancienne secré­taire dépar­te­men­tale de la CGT, part d’œuvres lit­té­raires, ciné­ma­to­gra­phiques pour par­ler de l’Algérie, en par­ti­cu­lier, Simone de Beau­voir. Elle a cité éga­le­ment un ouvrage, La maqui­sarde, livre écrit par Nora Ham­di avec une pho­to de cou­ver­ture de Marc Garan­ger.

« J’ai gran­di en Algé­rie pas loin d’une rue qui por­tait le nom de mon oncle. J’ai une par­tie de ma famille qui a refu­sé de quit­ter l’Algérie. J’ai récem­ment posé la ques­tion à ma mère. Elle a refu­sé de me répondre d’années sombres. On ne parle pas. Le silence est lourd. J’ai cin­quante ans. Je me suis inter­ro­gée : je ne veux pas être l’enfant des colo­nies, je sou­haite être enfant révo­lu­tion­naire. Pour expli­quer à ma fille, j’ai dit que l’Algérie a été fran­çaise avant la Savoie, mais les Algé­riens n’avaient pas les mêmes droits. J’ai consta­té les injus­tices au tra­vail. En arabe il y a un mot qui nomme « l’injusteur ». J’ai choi­si le syn­di­ca­lisme. Peut être que j’ai choi­si la CGT qui exis­tait en Algé­rie. Je com­bats aujourd’hui un empire, le capi­ta­lisme-patriar­cat, dans le pro­lon­ge­ment de l’engagement pour la jus­tice de ma famille algé­rienne. »

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Lyn­da Ben­sel­la.

Pen­dant une heure trente les échanges dans la salle et avec la tri­bune ont été riches et divers.

Par­mi les ques­tions évo­quées :
• « peut on être indé­pen­dants » ,
• La guerre d’Algérie trans­mise par ma mère née en 38, mon père agri­cul­teur, dis­cret.
• Les popu­la­tions en Algé­rie colo­ni­sée oppo­sées les unes aux autres, selon des droits très dif­fé­rents (droit à l’école, au vote,…).
• Les actions de résis­tance algé­riennes
• La réti­cence des anciens à obte­nir la natio­na­li­té Fran­çaise, mal­gré l’attachement à la France
• La guerre gagnée mais le pou­voir qui échappe au peuple en Algé­rie
• « Les stig­mates que je porte de mes aïeux, par exemple la réac­tion face aux poli­ciers qui ont fait jadis des raton­nades »
• De quand dater la résis­tance au colo­ni­sa­teur ? 1945,…1830 ?
• Un témoi­gnage d’une femme dont la famille a été très gra­ve­ment détruite par la guerre : « nous n’avons jamais été édu­qués dans la haine »
• Com­ment construire le tra­vail mémo­riel ?
• Je veux com­prendre ce qui s’est pas­sé. Rien, dans ma géné­ra­tion n’a été ensei­gné sur la guerre d’Algérie. En 60 ans, deux géné­ra­tions l’histoire a dis­pa­ru.

Dans le débat infor­mel qui a sui­vi cette riche ren­contre, une idée forte s’est déga­gée : « pour­sui­vons les ini­tia­tives en direc­tion des jeunes, qui étaient bien pré­sents à cette ren­contre, mais à qui la parole n’a pas assez été don­née ».

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