Grenoble. Pourquoi Chloé Le Bret a démissionné

Par Luc Renaud

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 » Je vais déjà rattraper tout ce que j’ai en retard dans mon travail.  »

Elue en 2020 sur la liste Grenoble en commun, Chloé Le Bret a décidé de quitter le conseil municipal, estimant ne plus pouvoir assumer sa délégation de lutte pour l’égalité des droits. Pour le Travailleur alpin, elle s’en explique.

« Je sors exac­te­ment pour les mêmes rai­sons que je suis entrée ». Chloé Le Bret n’est plus conseillère muni­ci­pale de la ville de Gre­noble. Elle a ren­due publique sa déci­sion le 20 jan­vier.

Chloé Le Bret — 25 ans, pro­fes­seur de lettres, élue com­mu­niste sur la liste Gre­noble en com­mun en 2020 — était char­gée de la lutte pour l’égalité et contre les dis­cri­mi­na­tions. Dans la conti­nui­té d’un com­bat fémi­niste et anti-raciste qui lui tient à cœur depuis long­temps.

Et c’est parce qu’elle a jugé se trou­ver dans l’impossibilité de faire ce pour quoi elle avait été élue qu’elle a pris sa déci­sion. « Élue, pour moi, ça n’a jamais été un rêve, dit-elle, j’ai pris ces res­pon­sa­bi­li­tés pour faire concrè­te­ment avan­cer les choses ».

La goutte d’eau

Il y a eu un fac­teur déclen­chant : le dérou­le­ment du pro­ces­sus d’interpellation citoyenne mis en œuvre à la demande de l’Alliance citoyenne. Où l’on voit res­sur­gir la contro­verse dite du bur­ki­ni – « un dos­sier ouvert en 2018 et dont j’ai héri­té en arri­vant deux ans après ». L’interpellation citoyenne, c’est un dis­po­si­tif mis en place par la majo­ri­té muni­ci­pale de Gre­noble : une asso­cia­tion peut sai­sir la ville d’une demande et la muni­ci­pa­li­té s’oblige à en dis­cu­ter et à lui four­nir une réponse dans un délai fixé. Un des aspects du pro­gramme muni­ci­pal d’élargissement de la démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive.

L’Alliance citoyenne a enga­gé ce pro­ces­sus en octobre 2021 avec une demande : la rédac­tion d’un règle­ment des pis­cines muni­ci­pales per­met­tant leur accès vêtu d’un maillot de bain cou­vrant. Ce qui englobe évi­dem­ment la reven­di­ca­tion du bur­ki­ni. Mais pas que. Chloé Le Bret fait remar­quer que l’évolution du règle­ment peut concer­ner « aus­si bien les aller­gies au soleil que les seins nus des femmes — ceux des hommes, cela ne semble pas poser pro­blème ».

« En l’espèce, la ques­tion n’est pas là », ajoute-t-elle. « Je vou­lais que, confor­mé­ment au dis­po­si­tif que nous avons adop­té, nous don­nions une réponse claire, oui ou non », com­mente-t-elle. Et elle enfonce le clou : « faire de la poli­tique, c’est prendre des déci­sions, les expli­quer, les argu­men­ter ; c’est res­pec­ter ses enga­ge­ments : ce n’est pas ce qui s’est pro­duit ». En l’occurrence, la der­nière ren­contre avec l’Alliance citoyenne — dans un pro­ces­sus conduit par Chloé Le Bret, délé­guée à l’égalité, et Céline Mene­trier, adjointe au sports de la ville — s’est dérou­lée en pré­sence d’un membre du cabi­net du maire et s’est sol­dée… par l’annonce du ren­voi à plus tard de la prise de déci­sion. C’en était trop pour Chloé Le Bret : « le maire a clai­re­ment mani­fes­té qu’il ne nous fai­sait pas confiance, ce qui venait confir­mer l’impossibilité de dia­logue à laquelle je m’étais déjà heur­tée », estime-t-elle.

Dans le seul cadre d’une res­pon­sa­bi­li­té muni­ci­pale

L’incident a eu lieu le mer­cre­di 19 jan­vier au soir et Chloé Le Bret fait part de sa déci­sion le jeu­di 20.

Une déci­sion prise dans le seul cadre d’une res­pon­sa­bi­li­té muni­ci­pale que Chloé Le Bret res­sen­tait n’avoir plus les moyens d’exercer — « de toute façon, faire avan­cer l’égalité et la lutte contre les dis­cri­mi­na­tions avec deux char­gés de mis­sion, cela relève du cos­mé­tique ».

Une déci­sion prise en dehors de tout contexte poli­tique, et notam­ment de sa pré­sence sur la liste Gre­noble en com­mun en tant que membre du PCF.

Une déci­sion qui vient mettre en évi­dence un mal-être qui semble par­ta­gé par plu­sieurs conseillers muni­ci­paux, par delà leurs sen­si­bi­li­tés poli­tiques. En témoigne une moindre impli­ca­tion publique remar­quée, pour un cer­tain nombre d’entre eux.

Aujourd’hui, Chloé Le Bret a tour­né la page. « Je vais déjà rat­tra­per tout ce que j’ai en retard dans mon tra­vail », dit-elle. Son métier d’enseignante, elle ne l’a jamais quit­té : « depuis que je suis élue, j’ai conti­nué à tra­vailler, à 90 %, ce qui fai­sait des jour­nées vrai­ment très longues », explique-t-elle dans un sou­rire. Aujourd’hui, elle a de quoi reprendre ses cours plus serei­ne­ment. Et puis renouer aus­si – d’ici quelques temps – avec ses enga­ge­ments mili­tants que ce soit du côté du mou­ve­ment fémi­niste ou du PCF.

« De toute façon, je n’ai su ne rien faire pen­dant très long­temps. »

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