Stations fermées à Noël : une manifestation historique au Bourg d’Oisans

Par Luc Renaud

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Elus, salariés saisonniers, moniteurs de ski, travailleurs indépendants, commerçants, artisans… c’est l’ensemble de la population de l’Oisans qui s’est retrouvée pour demander au gouvernement de renoncer à la fermeture des stations de ski à Noël.

His­to­rique. Ce mer­cre­di 2 décembre, le mot a ren­con­tré son sens ori­gi­nel : ça ne s’est jamais pas­sé. Près de deux mille mani­fes­tants au Bourg d’Oi­sans, ça n’a jamais exis­té. Près de deux mille per­sonnes qui ont mani­fes­té entre le rond-point où débute la mon­tée de l’Alpe et le centre du Bourg, et un ras­sem­ble­ment qui s’est ache­vé sur les notes de La Mon­tagne de Jean Fer­rat.

Au départ de la mani­fes­ta­tion, au pied de la mon­tée à l’Alpe.

La rai­son de ce mou­ve­ment de pro­tes­ta­tion ? L’in­ter­dic­tion d’ou­vrir les domaines skiables. Et une exi­gence toute simple, que le gou­ver­ne­ment revienne sur cette déci­sion, prise dans le cadre de la lutte contre la pro­pa­ga­tion de l’é­pi­dé­mie. Une ques­tion sans réponse, aus­si : « dans un métro ou un TGV, est-ce qu’on a moins de risque de croi­ser le virus que sur un télé­siège en plein air ? »

Un Noël sans ski, tous les mani­fes­tants — et toute la popu­la­tion de l’Oi­sans — vont pour­tant en subir les consé­quences. Les sala­riés sai­son­niers qui ne pour­ront tra­vailler : la CGT estime à près d’un tiers ceux qui ne sont pas embau­chés, plus par­ti­cu­liè­re­ment de l’hô­tel­le­rie et la res­tau­ra­tion, sec­teurs non cou­verts par la conven­tion col­lec­tive des remon­tées méca­niques — qui pré­voit, dans son article 16, des obli­ga­tions de ré-embauche d’une sai­son à l’autre. Pri­vés de tra­vail éga­le­ment, les indé­pen­dants — des moni­teurs de ski aux com­mer­çants — dont l’ac­ti­vi­té sera réduite à la plus simple expres­sion. Ou encore les arti­sans dont le car­net de com­mande est lié à la fré­quen­ta­tion tou­ris­tique. A plus long terme, les élus rap­pe­laient que la fra­gi­li­sa­tion de l’ac­ti­vi­té éco­no­mique aurait des consé­quences sur tout le tis­su social, le nombre de classes ouvertes dans les écoles par exemple.

Près de deux mille per­sonnes dans les rues du Bourg d’Oi­sans. Du jamais vu.

Aus­si est-ce bien l’en­semble de la popu­la­tion qui mani­fes­tait ce mer­cre­di au Bourg d’Oi­sans — d’autres ras­sem­ble­ments étaient orga­ni­sés dans toutes les Alpes. Tous se retrou­vaient côte à côte, dans une uni­té qui avait pour­tant été écor­née en février der­nier, lorsque les sai­son­niers des remon­tées méca­niques étaient en grève pour pro­tes­ter contre la réforme de l’as­su­rance chô­mage et les menaces sur leur conven­tion col­lec­tive. Sta­tut qui per­met les ré-embauches d’au­jourd’­hui. L’en­semble des élus — muni­ci­pa­li­tés et com­mu­nau­té de com­munes, repré­sen­tants des régions AURA et PACA — s’es­sayaient au pas du mani­fes­tant. A l’is­sue du défi­lé, sur une tri­bune dres­sée au centre du vil­lage, Guy Ver­ney, maire du Bourg et pré­sident de la com­mu­nau­té de com­munes, rap­pe­lait que « 4500 per­sonnes tra­vaillent en acti­vi­té sai­son­nière dans la plaine du Bourg et les sta­tions de l’Alpe d’Huez et des 2 Alpes ». Il notait éga­le­ment que l’ap­pro­vi­sion­ne­ment des sta­tions, pour une part en cir­cuit court, joue un rôle essen­tiel dans l’é­co­no­mie locale. Et il annon­çait la sai­sine du Conseil d’É­tat par les com­munes, dépar­te­ments et régions pour obte­nir l’an­nu­la­tion de la fer­me­ture des remon­tées méca­niques. Le maire des 2 Alpes, Chris­tophe Aubert, fai­sait part de son incom­pré­hen­sion : « le cou­pe­ret est tom­bé alors que nous sommes en négo­cia­tion depuis des mois avec les pré­fets de Savoie et de l’I­sère pour éla­bo­rer un pro­to­cole sani­taire et que nous étions par­ve­nus à un docu­ment qui sem­blait conve­nir ; de loge­ments pour les mises à l’i­so­le­ment à la col­la­bo­ra­tion avec les méde­cins en sta­tion », disait-il. « La mon­tagne est vue par le prisme de la longue vue des cabi­nets pari­siens », com­men­tait un élu.

L’en­semble des élus des com­munes et de la com­mu­nau­té de com­munes de l’Oi­sans.

Les hôpi­taux sur­char­gés par les acci­dents de ski ?  » Les acci­dents qui impliquent l’oc­cu­pa­tion d’un lit de réani­ma­tion s’é­lèvent à une dizaine dans les Alpes pour toute une sai­son », répli­quait Guy Aubert. Dans le cor­tège, une ban­de­role lui fai­sait écho : « ouvrez des lits, on se charge du ski ». Ce n’est pas en sta­tion qu’ont été prises les déci­sions de fer­me­tures de dizaines de mil­liers de lits d’hô­pi­taux par les gou­ver­ne­ments suc­ces­sifs. De la fer­me­ture des urgences à Mou­tiers en Taren­taise, ou de celle de l’hô­pi­tal de Cha­mo­nix.

Par delà les indem­ni­sa­tions aux­quels hôte­liers et com­mer­çants pour­ront pré­tendre, les mesures de chô­mage par­tiel et de pro­lon­ga­tion des droits dont les sai­son­niers — embau­chés — font l’ob­jet, il reste une réa­li­té : « ça ne rem­place pas le salaire que nous per­ce­vons en acti­vi­té », sou­ligne Yvan Bel­le­douche, secré­taire de la CGT des 2 Alpes qui insiste sur la néces­si­té « d’embaucher les sai­son­niers en sta­tion comme d’embaucher les soi­gnants à l’hô­pi­tal » mais aus­si l’a­ban­don de la réforme de l’as­su­rance chô­mage qui ampute les reve­nus des sai­son­niers. Sur la tri­bune, devant les mani­fes­tants, il pre­nait la parole pour appe­ler à l’u­ni­té du mou­ve­ment pour obte­nir l’ou­ver­ture des sta­tions à Noël, ce que reven­dique la CGT dans tous les mas­sifs : une ouver­ture dans le res­pect de la pru­dence sani­taire.

Yvan Bel­le­douche, CGT 2 Alpes.

La crise qui frappe la mon­tagne résonne éga­le­ment comme une prise de conscience. « Sala­riés sai­son­niers, com­mer­çants, libé­raux, indé­pen­dants… nous sommes tous des sai­son­niers », nous disait Yvan Bel­le­douche. Parce que la neige est sai­son­nière et qu’elle repré­sente, aujourd’­hui encore, l’es­sen­tiel de l’ac­ti­vi­té annuelle. « Si nous vou­lons que l’on puisse vivre et tra­vailler en Oisans dans les décen­nies qui viennent, il est temps de se poser et de réflé­chir à ce que peut deve­nir la mon­tagne avec les hivers sans neige qui vont deve­nir la règle ». On en est pas encore tout à fait là mais toutes réflexions sur un enri­chis­se­ment du tout ski/vélo seront utiles.

Dans l’im­mé­diat, deux ren­dez-vous ont été don­nés aux mani­fes­tants : le same­di 5 à 14h devant la CCI de Gre­noble et ce même same­di 14h, devant le palais de jus­tice de Cham­bé­ry où se retrou­ve­ront les tra­vailleurs de la mon­tagne.

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