Patrick Champin, délégué syndical CGT aux Clavaux, à Gavet, en basse vallée de la Romanche.

FerroPem, issu de Péchiney, est mis en difficulté par les stratégies du groupe américano-espagnol dont il est filiale. L’usine des Clavaux, en Oisans, est concernée.

«Nous sommes dans l’attente ». Mi novembre, Patrick Champin, délégué syndical CGT, tout comme les 147 salariés de Ferropem ne savaient pas ce qu’il allait advenir de leur usine. Et de leurs emplois.

C’est en juin 2019 que l’alerte avait été lancée. Un comité de groupe européen qui se tenait en Espagne – les capitaux de FerroGloble, la maison mère, sont à majorité espagnols. Cette réunion faisait le point sur les difficultés du groupe, déjà : baisse du chiffre d’affaires et perte de rentabilité.

« Notre industrie est cyclique, souligne Patrick Champin, 2019 était prévu comme un point bas des cours et de la demande de silicium et le groupe a choisi d’acheter deux usines en 2018 ». Deux usines de production d’alliages de silicium et de manganèse, l’une à Dunkerque, l’autre en Norvège. Deux acquisitions à l’anglo-suisse Glencore qui ont pesé sur la trésorerie de FerroGlobe, à un moment où le besoin de financement allait être au plus haut.
Puis est venue la Covid 19 et le retard pris sur la remontée de la demande et des cours. Résultat, le groupe emprunte à 9,75% sur les marchés financiers, ce qu’il refacture, à sa filiale FeroPem notamment, à 11,75%.

Stratégie financière, la terre brûlée

Ce qu’on appelle creuser sa tombe, d’autant plus que c’est le choix de la stratégie financière qui a été fait : pour limiter les dégâts sur les comptes, FerroGlobe réduit sa voilure industrielle : allongement des délais de paiement fournisseurs, gestion des stocks de matière première à flux limites, affacturation… Et, en France, le chômage partiel Covid.

Les usines FerroPem ont fait l’objet d’un audit à l’automne dont, mi-novembre, on attendait les résultats. Dans la ligne de mire, les deux usines savoyardes, la gardoise et celle des Clavaux.

« Nous pensons que FerroPem doit être racheté pour mettre en œuvre un projet industriel. » Car c’est la filière française et européenne du silicium qui est menacée, ce qui ferait place nette aux importations chinoises et brésiliennes. Une filière non dépourvue d’atouts : en France, l’électricité (compte tenu des contrats effacement jours de pointe) est moins chère qu’en Norvège. Et c’est une production irremplaçable pour la transition écologique et l’approvisionnement de secteurs clés : matériels médicaux, énergies renouvelables, électrification des transports… L’État a bien sûr un rôle à jouer.

Un site industriel qui vend aussi… ses fumées

Le silicium est extrait du quartz. Pour cela, il faut le passer au four. Avec notamment des copeaux de bois, pour l’alléger. Et beaucoup d’énergie. D’où l’implantation dans les vallées alpines, Romanche, Tarentaise et Maurienne. De l’énergie renouvelable – l’hydroélectricité –, du bois… Approvisionnement en circuits courts et usines propres. La fumée, qui contient du silicium, est récupérée, transformée en poudre puis commercialisée. Des usines propres qui produisent une matière première essentielle à la transition écologique : photovoltaïque, batteries de nouvelle génération, isolants… sans oublier l’amélioration des qualités du béton. Avec du silicium, il devient plus « souple ». Utile pour les ponts, par exemple.

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