ST Micro. À Crolles comme dans le monde, la mobilisation grandit

Par Pierre-Jean Crespeau

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Près de deux cents salariés de ST Microelectronics se sont rassemblés ce jeudi 12 novembre à midi sur le parking du site de l’entreprise, à Crolles. Un mouvement qui prend de l’ampleur : le 5 novembre, ils étaient un peu plus d’une centaine. Le groupe vit son plus important mouvement social depuis 2012. Entretien avec David Majewski, délégué syndical CGT à ST Microelectronics Crolles.

- Pour­quoi ce mou­ve­ment de grève ?

David Majews­ki : « La non-aug­men­ta­tion des salaires déci­dée par le DRH France mal­gré les résul­tats records de ST Microe­lec­tro­nics. Toute l’année la direc­tion a déca­lé les réunions de négo­cia­tions sala­riales pour fina­le­ment les tenir fin octobre, après la pré­sen­ta­tion des résul­tats le 22 octobre par le P‑DG, Jean-Marc Ché­ry. Ce der­nier a affir­mé dans les médias que ST allait très bien, que le chiffre d’affaire allait aug­men­ter (10 mil­liards, soit +4 % par rap­port à l’année pas­sée qui était déjà excep­tion­nelle). Alors que dans le même temps il est pré­vu par la direc­tion 0 % d’augmentation des salaires… Ce sont les sala­rié-e‑s qui ont créé cette richesse dans l’entreprise, un record de pro­duc­tion cette année mal­gré la crise sani­taire.
La colère a écla­té tout de suite. La CGT a com­men­cé par orga­ni­ser des assem­blées géné­rales et faire des tours dans les ate­liers de pro­duc­tion (mal­gré les vacances sco­laires). On a consta­té que la CFDT fai­sait des tours de salles, le CAD était dans le mou­ve­ment aus­si. On a com­pris qu’il valait mieux s’organiser en inter­syn­di­cale. Seule la CFE-CGC, un syn­di­cat repré­sen­ta­tif, n’a pas vou­lu répondre à l’appel de l’intersyndicale consi­dé­rant que la grève n’était pas la solu­tion.
L’intersyndicale a enta­mé le mou­ve­ment de grève le jeu­di 5 novembre. C’est la plus grosse mobi­li­sa­tion depuis 2012. »


- Qui est est grève sur le site de Crolles ?

D.M. : « Prin­ci­pa­le­ment les équipes de pro­duc­tions avec des opé­ra­teurs et des tech­ni­ciens qui repré­sentent le gros du mou­ve­ment. Mais il y a aus­si quelques ingé­nieurs qui sont aus­si en grève. »

- Quels sont les sites en grève ?

D.M. : « Le pre­mier a été Gre­noble. Dès l’annonce du 0 %, des opé­ra­teurs et tech­ni­ciens pos­tées dans les équipes de pro­duc­tions ont enchaî­né des demi-postes de grève voire des postes entiers de grève. Cela se passe aus­si à peu près comme ça à Crolles où on enchaîne les équipes en grève.

Le mouvement fait tâche d’huile

Suite aux grèves à Gre­noble et Crolles, c’est le site de Bous­kou­ra au Maroc qui démarre une semaine une grève très sui­vie là-bas. Jeu­di 5 novembre en Ita­lie, les sala­rié-e‑s se sont for­te­ment mobi­li­sés sur les sites d’Agrate — non loin de Milan — et de Catane en Sicile pour une jour­née de grève. Aujourd’hui des ingé­nieurs et cadres de Rennes se sont mis en grève. Nous sommes en contact avec d’autres sites dans le monde, c’est une grève qui a beau­coup d’écho. »

Le site crol­lois de ST Microe­lec­tro­nics.

- Et à Crolles ?

D.M. : « Depuis jeu­di on a recen­sé 480 sala­rié-e‑s qui ont fait grève à Crolles. Tout de suite der­rière il y a eu beau­coup d’intimidations de la part de la direc­tion, que ce soit à l’extérieur du site ou sur les postes de tra­vail. L’intersyndicale a dénon­cé ces pra­tiques d’entrave au droit de grève et de pres­sions envers les sala­rié-e‑s. La CGT a dénon­cé ces pra­tiques à l’inspection du tra­vail qui a pu récol­ter plu­sieurs témoi­gnages de sala­rié-e‑s. Mal­gré les inti­mi­da­tions et les pertes de salaires le mou­ve­ment prend de l’ampleur, et les gens sont très moti­vés pour conti­nuer la grève la semaine pro­chaine si la direc­tion n’apporte pas de réponse.

Une grève vir­tuelle aus­si !

Nous sommes en période de COVID, pas mal de per­sonnes sont en télé­tra­vail, et cer­taines sou­haitent s’exprimer sur ce qui se passe. Nous avons mis en place des AG vir­tuelle. Ça com­mence à prendre ! Des gens par­ti­cipent à la lutte de façon ori­gi­nale, der­rière leurs écrans. Cer­taines per­sonnes se décon­nectent du télé­tra­vail pour faire grève. »

- S’a­git-il d’une stra­té­gie à long terme, pour la direc­tion de ST Micro ?

D.M. : « On pro­duit tou­jours de plus en plus mais avec le même effec­tif. Même si on embauche beau­coup de per­sonnes dont des inté­ri­maires, cela com­pense à peine tous les départs. Depuis deux ans, nous pro­dui­sons davan­tage avec le même effec­tif mais avec une masse sala­riale en baisse. Les sala­rié-e‑s ont très bien com­pris la volon­té de la direc­tion de réduire la masse sala­riale, de plus en plus indi­vi­dua­li­ser les aug­men­ta­tions de salaires, et donc de divi­ser les gens. Sachant que notre P‑DG, Jean-Marc Ché­ry, fait par­tie des cinq plus gros reve­nus des patrons du CAC40.
Si on laisse pas­ser le 0 % d’augmentation des salaires mal­gré une année record, der­rière c’est la porte ouverte à toutes les mani­pu­la­tions de la direc­tion qui veut ins­tal­ler une poli­tique outran­ciè­re­ment diri­gée vers le capi­tal. Tou­jours plus aux action­naires. »

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