Baisse de la biodiversité : une menace pour l’homme ?

Par Edouard Schoene

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Le « café sciences et citoyens de l’agglomération gre­no­bloise » orga­ni­sait le 3 novembre en visio­con­fé­rence une soi­rée sur la baisse de la bio­di­ver­si­té.
Le thème était ain­si défi­ni : « Les façons de mesu­rer la bio­di­ver­si­té ter­restre, végé­tale comme ani­male, sont nom­breuses : on met sou­vent en avant le nombre d’espèces qui ont ou vont dis­pa­raître, mais les effec­tifs sont sans doute plus impor­tants, car une espèce relique ne peut pas jouer son rôle dans l’écosystème. Il y a peu de débats sur la réa­li­té de la dégra­da­tion de la plu­part des para­mètres de la bio­di­ver­si­té, et le rôle des acti­vi­tés humaines n’est guère contes­té : défo­res­ta­tion, agri­cul­ture inten­sive, indus­trie, pol­luants, occu­pa­tion des terres se conjuguent pour aggra­ver la situa­tion. Mais y‑a-t il d’autres causes, et quelles sont les plus importantes?Quelles sont les consé­quences pour les éco­sys­tèmes ter­restres, et pour les humains qui les habitent ? Et quelles sont les pistes envi­sa­geables pour enrayer le phé­no­mène ? »

Phoque moine , éteint en France en 1975. (pho­tos pixabay.com)

Au cœur de la ren­contre, plus de cin­quante par­ti­ci­pants écou­taient et échan­geaient.

Les experts pour intro­duire le débat et répondre aux ques­tions :

  • Marie-Pas­cale Colace, cher­cheuse au labo­ra­toire d’écologie alpine de l’université de Gre­noble.
  • Yves Fran­çois, agri­cul­teur dans le Nord Isère, admi­nis­tra­teur d’or­ga­ni­sa­tions pro­fes­sion­nelles agri­coles et  d’une asso­cia­tion natio­nale d’a­gro­no­mie
  • Jean-Fran­çois Noblet, mili­tant natu­ra­liste isé­rois.

Très rapi­de­ment le consen­sus s’établit sur l’importance de per­mettre la bio­di­ver­si­té pour que chaque espèce puisse sur­vivre face aux menaces et évo­lu­tions. Or les chiffres énon­cés par M.P. Colace sont effrayants. Plus de 32 000 espèces sont mena­cées d’extinction : 41% des amphi­biens, 26% des mam­mi­fères, 14% des oiseaux , les requins , les raies, les insectes,…
70% des ver­té­brés ont dis­pa­ru dans les 50 der­nières années.
Le phoque moine, éteint en France en 1975, le lapin de garenne vul­né­rable. Les forêts de chêne liège,… Les zones humides ont régres­sé (super­fi­cie de 3 fois la Corse en France en 100 ans)

La cause pre­mière est la dégra­da­tion des habi­tats des ani­maux, puis la chasse légale, le bra­con­nage, la pêche. Les pol­lu­tions et les espèces exo­tiques enva­his­santes sont d’autres causes majeures avec le réchauf­fe­ment cli­ma­tique. Toutes sont humaines.

Elan, espèce dis­pa­rue en France depuis Char­le­magne.

La sur­po­pu­la­tion humaine est une ques­tion majeure sachant notam­ment que le bétail pour nour­rir l’homme repré­sente 30 fois la bio­masse de tous les mam­mi­fères sau­vages.

Jean-Fran­çois Noblet : « S’il n’y avait pas le planc­ton et les arbres tu ne vivrais pas. La bio­di­ver­si­té nous nour­rit, nous soigne, nous pro­tège contre les dif­fi­cul­tés natu­relles. La bio­di­ver­si­té stocke le car­bone, limite le réchauf­fe­ment. La bio­di­ver­si­té nous ins­pire depuis les temps pré­his­to­riques. Elle nous émer­veille tous les jours. St John Perse : « un oiseau passe et nous ne sommes plus les mêmes ».

Il reve­nait à Yves Fran­çois, agri­cul­teur, de conclure les intro­duc­tions. Il a évo­qué les alter­na­tives au labour sys­té­ma­tique en pré­ci­sant qu’ainsi on arrive à agir sur la diver­si­té fonc­tion­nelle. Il cite « La Vil­larde », vache robuste, (race mixte du pla­teau du Ver­cors) qui a été sau­vée non sans dif­fi­cul­tés. « Si des espèces sont en voie de dis­pa­ri­tion, atten­tion, l’agriculteur est en voie de dis­pa­ri­tion ! »

Au cours de la soi­rée plu­sieurs ques­tions ont été débat­tues par­mi les­quelles, en pre­mier lieu, la pan­dé­mie du coro­na­vi­rus. Jean-Fran­çois Noblet a don­né quelques élé­ments de réponse. « Il y a quelques pré­somp­tions que la chauve sou­ris aurait atta­qué la san­té via les cochons. Le com­merce inter­na­tio­nal per­met de trans­por­ter des ani­maux n’importe com­ment. La pro­mis­cui­té avec la faune sau­vage va nous atti­rer des pro­blèmes sani­taires. Avant il n’y avait per­sonne dans cer­taines régions d’Afrique. Aujourd’hui c’est fini. On sert au res­tau­rant, en Afrique, un tas d’animaux sau­vages, des ron­geurs,… Si on se nour­ris­sait des ron­geurs en France ça ferait des dégâts énormes. »

Ours brun, en dan­ger cri­tique d’extinction.

Une ques­tion, bien pré­sente dans l’actualité : « Je me suis fait atta­quer par quatre patous ; pour­quoi pro­tège-t-on le loup ? »

Jean Fran­çois Noblet : « On pro­tège le loup comme toute espèce. Il repré­sente la nature sau­vage. Nous avons détruit tout ce qui gênait l’homme. La vraie ques­tion : notre sur­vie dépend de la bio­di­ver­si­té. Le loup lutte effi­ca­ce­ment contre les diva­ga­tions de chiens (40 morts chez les hommes/an) , les chats errants causes de mort d’oiseaux. Il faut apprendre à vivre avec les loups. En Isère on a un spé­cia­liste du chien patou. On peut les tes­ter avant de les mettre au tra­vail. On peut donc évi­ter les mor­sures par les patous. Cela ne me gêne pas qu’on tue des loups qui attaquent fré­quem­ment les mou­tons. Les pro­me­neurs vont apprendre. les chiens patous seront sélec­tion­nés. Le métier de ber­ger va se spé­cia­li­ser. Il faut défendre la pré­sence d’élevage de mou­tons en mon­tagne. »

Plu­sieurs pistes ont été évo­quées pour faire face à la baisse de la bio­di­ver­si­té.

Jean Fran­çois Noblet : La popu­la­tion mon­diale trop grande. Il faut aider les popu­la­tions du Sud à aug­men­ter leur niveau de vie. Il faut dimi­nuer la consom­ma­tion et mieux par­ta­ger les biens. L’usage des pes­ti­cides doit être radi­ca­le­ment réduit. Ils menacent les insectes. L’urbanisation et l’imperméabilisation des sols doivent être repen­sés d’urgence. Il y a lieu de favo­ri­ser libre cir­cu­la­tion de la faune et de la flore (trames vertes et bleues, noires).

Lapin de garenne, vul­né­rable.

Yves Fran­çois : Il y a 50 ans 50% du bud­get fami­lial était consa­cré à se nour­rir, aujourd’hui 12%. Les ren­de­ments ont été mul­ti­pliés par cinq ou dix. Ce sys­tème est en fin de vie. Par le pas­sé, on ne s’est pas occu­pé d’autre chose que des ren­de­ments. Ca change. On fait des cultures asso­ciées qui per­mettent de réduire les mala­dies. En per­ma­cul­ture on arrive à des résul­tats tout à fait remar­quables. Mais que faire pour que les agri­cul­teurs existent et nour­rissent. Il faut que le bud­get fami­lial fruits-légumes-viande soit consé­quent et pro­tège la bio­di­ver­si­té. La PAC, poli­tique euro­péenne de l’agriculture de demain sera très impor­tante.

Marie-Pas­cale Colace : Il faut aus­si agir pour ren­for­cer la pro­tec­tion des espèces. On a pu sau­ver le bou­que­tin des Alpes en pro­té­geant espèce et milieu. Le bras­sage géné­tique se réa­lise si la popu­la­tion des espèces est suf­fi­sante. Aller vers une dimi­nu­tion de la consom­ma­tion de viande en rééqui­li­brant nos ali­men­ta­tions. L’importance de la for­ma­tion a été sou­li­gnée, en pré­ci­sant que la bio­lo­gie doit être plus ensei­gnée ain­si que la sen­si­bi­li­sa­tion à la ques­tion des semences, que les grands groupes indus­triels ont consi­dé­ra­ble­ment réduit, avec la com­pli­ci­té des lois et règle­ments.

Jean Fran­çois Noblet a conclu la soi­rée ani­mée par Patrick Szul­zaft : La bio­di­ver­si­té c’est essen­tiel. C’est l’équilibre.
La diver­si­té des eth­nies, des fro­mages, des langues,des menus. La diver­si­té est source d’équilibre. Tout sys­tème mono­li­thique c’est un dan­ger. La diver­si­té est une assu­rance pour notre vie.

Pro­chain café sur le thème « low tech, high tech ».

Plus d’in­fos.

Forêt marais – les zones humides mena­cées

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