Congrès du PCF. Ce dont on a discuté en Isère

Par Luc Renaud

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Les communistes entament la phase finale des débats de leur congrès extraordinaire. Il se réunira au niveau national fin novembre à Ivry. Ce sera le moment du choix d’une orientation politique et d’une direction nationale. Les débats préparatoires, a la base, ont été engagés dès l’automne 2017. Reportage dans la section du Grésivaudan.

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Les communistes ont planché pendant plusieurs mois pour préparer un congrès extraordinaire. Ici lors d'une réunion à Saint-Martin-d'Hères.

Le congrès du PCF, c’est un long che­min. Réflexion par­ta­gée sur une orien­ta­tion poli­tique qui débouche sur des textes par­mi les­quels les com­mu­nistes choi­sissent celui qui ser­vi­ra de « base com­mune » aux débats qui seront tran­chés au congrès natio­nal d’Ivry, du 23 au 25 novembre… Une longue marche de plus d’un an de dis­cus­sions à laquelle la sec­tion com­mu­niste du Gré­si­vau­dan a par­ti­ci­pé. Tout d’abord avec une pré­sen­ta­tion de la feuille de route puis de la base com­mune pro­po­sée par le conseil natio­nal au prin­temps qui a ame­né la sec­tion à suivre le pro­ces­sus du congrès, mais pas de faire des pro­po­si­tions à ces périodes-là.

Des cri­tiques por­taient sur la com­plexi­té de s’y retrou­ver dans les contri­bu­tions envoyées sur le site du congrès, que le pro­ces­sus échap­pait un peu aux cama­rades. Ensuite deux réunions, dont celle du 29 sep­tembre, ont per­mis une ana- lyse com­pa­ra­tive sur plu­sieurs points des pro­po­si­tions de base com­mune du congrès. A l’occasion de ces échanges tou­jours empreints de res­pect et de fra­ter­ni­té, cha­cun a pu se faire une opi­nion poli­tique éclai­rée et construite. Nous avons pu dis­cu­ter avec Joël Mar­seille : « ce 38e congrès est qua­li­fié d’extraordinaire en rai­son du para­doxe sui­vant : à la pré­si­den­tielle de 2017 et dans le sillage de l’espérance ouverte en 2012 par le Front de gauche, une par­tie des valeurs, des idées et des pro­po­si­tions com­mu­nistes ont réa­li­sé un score de près de 20%, aus­si­tôt sui­vi d’un échec cui­sant aux légis­la­tives. Par ailleurs, le congrès se tient dans un contexte dif­fi­cile : celui d’une contre-révo­lu­tion néo- libé­rale menée par un césa­risme de droite en sym­biose avec le capi­ta­lisme finan­cier. Face à cette exa­cer­ba­tion de la lutte des classes, le mou­ve­ment social fait preuve de ten­ta­tives de résis­tances pug­naces. Mais ces résis­tances sont en par­tie gênées par l’absence de pers­pec- tives poli­tiques due à l’éclatement de la gauche de trans­for­ma­tion sociale, éco­lo­gique et démo­cra­tique. Le congrès du par­ti n’aurait que peu d’intérêt s’il n’était pas en prise avec ces enjeux », explique-t-il.

Une année riche de débats, mais aussi d’initiatives

À l’is­sue de ces pre­mières approches des débats du congrès, les com­mu­nistes du Gré­si­vau­dan ont réuni leur confé­rence de sec­tion le 20 octobre. Assem­blée qui fut l’occasion de reve­nir sur les réunions de quar­tiers ini­tiées par la sec­tion, sur le safa­ri pêche et les débats poli­tiques orga­ni­sés lors de cette jour­née convi­viale, la soi­rée sur le film la Sociale, la fête du Tra­vailleur alpin et enfin la vente soli­daire de fruits et légumes en lien avec le MODEF. Cette der­nière ini­tia­tive a reçu un excellent accueil de la part des habi­tants des Che­ne­vières à Domène. Dis­cus­sions sur les marges scan­da­leuses de la grande dis­tri­bu­tion, sur la rému­né­ra­tion des pro­duc­teurs. « Vous reve­nez la semaine pro­chaine ? » pou­vait-on entendre ! Preuve que cette ini­tia­tive fédé­rale connaît des suc­cès sur tous les points de vente. L’autre grand évé­ne­ment cette année à la sec­tion qui a été abor- dé n’est autre que la dif­fu­sion du film La Sociale de Gilles Per­ret, en pré­sence de Michel Etiévent. L’histoire de la mise en place de la sécu­ri­té sociale, les attaques du patro­nat contre celle-ci, ont fait ré- flé­chir une soixan­taine de per­sonnes qui s’étaient dépla­cées pour la pro­jec­tion-débat annon­cée dans la presse locale et sur Radio Gré­si­vau­dan. Comme chaque année le safa­ri pêche et le stand de la sec­tion à la fête du Tra­vailleur alpin ont mobi­li­sés les cama­rades, le bilan est posi­tif.

Après ces débats, la confé­rence de sec­tion a élu le nou­veau bureau de sec­tion. Elle a éga­le­ment réélu son secré­taire de sec­tion, Alain Pia­net­ta. Il a été conve­nu qu’il pas­se­rait la main à Pierre-Jean Cres­peau après une période de tran­si­tion.

Le débat sur le texte et les amen­de­ments qui étaient pro­po­sés par les com­mu­nistes du Gré­si­vau­dan a été par­ti­cu­liè­re­ment ani­mé, dans le res­pect de tous. Le texte pré­pa­ra­toire aux dis­cus­sions du congrès, choi­si début octobre par les adhé­rents s’intitule Pour un mani­feste du Par­ti com­mu­niste du XXIe siècle. En Gré­si­vau­dan comme ailleurs, les com­mu­nistes ont débat­tu de l’objectif par­ta­gé par tous les com­mu­nistes d’un ren­for­ce­ment de leur par­ti, dans l’action et les idées, dont le peuple a tant besoin.

Ce n’est qu’à l’issue du pro­ces­sus de ce congrès extra­or­di­naire que nous pour­rons mesu­rer l’étendue des nou­velles pers­pec­tives pour le par­ti ain­si que l’ampleur du tra­vail à accom­plir de recons­truc­tion cel­lule par cel­lule, sec­tion par sec­tion, fédé­ra­tion par fédé­ra­tion. Un par­ti à l’avant garde de la lutte contre le capi­ta­lisme et le patriar­cat.

Pierre-Jean Cres­peau

Les com­mu­nistes de l’Isère rho­da­nienne misent sur l’éducation popu­laire.

S’organiser pour faire davantage

Faire avan­cer des idées. « Nous avons com­men­cé une série que nous avons appe­lée les ate­liers du com­mun et nous comp­tons bien pour­suivre », explique Daniel Oriol, secré­taire de sec­tion à Rous­sillon. Ces ate­liers, ce sont des réunions publiques aux­quelles tout le monde est invi­té et où on tente de réflé­chir ensemble au monde tel qu’il devrait aller. Au prin­temps der­nier, trois ren­contres ont eu lieu à Vienne, Rous­sillon et Beau­re­paire. Trois ren­contres ani­mées par Ber­nard Friot, éco­no­miste, cher­cheur… sur le thème du tra­vail : salaire, pro­prié­té des entre­prises, com­mu­nisme… Des réunions à l’invitation des com­mu­nistes du sec­teur, une tren­taine de par­ti­ci­pants chaque fois. Au salon du livre orga­ni­sé à Vienne fin sep­tembre avec une cen­taine de per­sonnes, les com­mu­nistes pour­sui­vaient le débat, tout comme cela avait été le cas lors de la fête de la sec­tion de Beau­re­paire en juillet.

Le rap­port avec le congrès ? « Ce qui nous importe, c’est de ren­con­trer des citoyens, de faire bou­ger des lignes idéo­lo­giques, de construire des ras­sem­ble­ments », sou­ligne Daniel Oriol. En Isère rho­da­nienne, le congrès est un moment de réflexion sur l’organisation des com­mu­nistes pour y par­ve­nir. « Nous tra­vaillons ensemble en mutua­li­sant les capa­ci­tés de nos trois sec­tions ». C’est ain­si qu’un jour­nal, Uto­piques, est édi­té quatre fois par an et dis­tri­bué à 13000 exem­plaires sur les mar­chés ou dans les boîtes aux lettres. « Orga­ni­ser le cycle des ate­liers du com­mun, cela se fait avec des mili­tants des trois sec­tions et nous per­met d’en dyna­mi­ser l’activité ». A cette échelle trans­ver­sale, on réflé­chit aus­si à l’intégration des nou­veaux adhé­rents – plus d’une dizaine ces der­niers mois. « Des col­lec­tifs par thème, com­mun aux trois sec­tions qui per­met­traient aux jeunes adhé­rents de pou­voir trou­ver leur compte dans l’activité, pour­quoi pas ? », notent Daniel Oriol et Daniel Maron, de Beau­re­paire. Au total, la volon­té de pri­vi­lé­gier « le débat de fond sur les confron­ta­tions d’écurie », résume Jean Delaz, de Vienne.

Un par­ti « orien­té ter­rain », c’est aus­si le choix du ras­sem­ble­ment. « Per­sonne à gauche n’y arri­ve­ra tout seul », constate André Mon­dange. Les com­mu­nistes mènent le débat au grand jour.

A l’Ouest du dépar­te­ment, on réflé­chit à du nou­veau. Pour avan­cer ensemble.

Au programme

Une date est déjà fixée : le jeu­di 6 décembre, salle du Rocher à Beau­re­paire. A par­tir de 15h, le PCF invite à une ren­contre sur la Pales­tine, avec le concours de l’AFPS. Expo-vente de soli­da­ri­té à par­tir de 15h, débat à 18h. D’autres dates sont en cours de déter­mi­na­tion pour des ate­liers du com­mun qui por­te­ront sur la laï­ci­té ou la san­té au tra­vail.

Tan­dis qu’un pro­chain numé­ro d’Utopiques est en cours de rédac­tion.

Annie David, secré­taire dépar­te­men­tale du PCF avant le der­nier congrès dépar­te­men­tal.

Un congrès pour « un parti utile au peuple »

Un congrès qui bouge que celui du PCF. Entretien avec Annie David sur les débats et les raisons d’être de son parti.

« C’est dans la phase ouverte après le choix de la ’’base com­mune de dis­cus­sion’’ que nous avons abor­dé le cœur du débat, le moment où les com­mu­nistes ont pu tra­vailler sur leurs sou­haits pour leur par­ti », note Annie David, secré­taire dépar­te­men­tale – et qui devait pas­ser la main lors du congrès dépar­te­men­tal début novembre. Après ce vote, les com­mu­nistes ont réuni leurs confé­rences de sec­tion, puis le congrès dépar­te­men­tal. Le congrès natio­nal aura lieu du 23 au 25 novembre.

Trop tôt pour un bilan, à l’heure où ces lignes sont écrites. Quelques pistes de réflexions, pour­tant. « Nous avons beau­coup inno­vé dans la pré­pa­ra­tion de ce congrès », constate d’abord Annie David. Elle cite la consul­ta­tion des com­mu­nistes dès l’automne 2017, for­ma­li­sée lors de l’assemblée des ani­ma­teurs de sec­tion. « C’est à par­tir de cette feuille de route que le tra­vail a été enga­gé, sous la forme d’ateliers d’écriture qui ont abou­ti au texte pro­po­sé par le conseil natio­nal. Le texte adop­té était ain­si celui des com­mu­nistes dans leur ensemble. » Deuxième inno­va­tion, la rédac­tion de ce texte lui-même, « écrit pour sus­ci­ter le débat en met­tant les ques­tions sur la table, pré­sen­tant trente- trois points pré­cis de façon à faci­li­ter les par­tagent nos valeurs, et ils sont nom­breux ; c’est cela, un par­ti utile au peuple ».

« Plus forts et plus visibles lorsque nous sommes unis et efficaces »

Inno­va­tions dans le dépar­te­ment, aus­si. « Nous avons créé une com­mis­sion du congrès, qui a tenu des réunions thé­ma­tiques pour contri­buer à la dis­cus­sion, nous avons infor­mé la presse de nos tra­vaux pour ne pas res­ter en vase clos ». De la même manière que chaque mili­tant a pu, et nombre ne s’en sont pas pri­vés, mettre en ligne des contri­bu­tions per­son­nelles au débat.

Ce n’est fina­le­ment pas le texte du conseil natio­nal qui a été choi­si. « Là encore, nous inno­vons, sou­rit Annie David, aucun des textes en pré­sence n’a obte­nu de majo­ri­té : une autre façon de ren­voyer la balle à la base ». Au moment où ce jour­nal est impri­mé, les mili­tants isé­rois ont débat­tu et déci­dé.

Pour Annie David, l’es­sen­tiel demeure l’unité des com­mu­nistes et leur capa­ci­té à inter­ve­nir, avec d’autres, sur la réa­li­té. « Notre his­toire, c’est celle de com­bats pour des conquêtes sociales et la trans­for­ma­tion de la socié­té ; ce com­bat, nous avons tou­jours été plus robustes pour le mener lorsque nous étions unis, effi­caces et capables de tra­vailler avec des citoyens qui par­tagent nos valeurs, et ils sont nom­breux ; c’est cela, un par­ti utile au peuple ». Rai­son pour laquelle « j’ai tou­jours été favo­rable à un débat sur les conte­nus plu­tôt que sur les per­sonnes, sur ce que nous fai­sons, nos plans de tra­vail, la façon dont nous allons ren­con­trer le plus grand nombre de nos conci­toyens : le rou­leau com­pres­seur du gou­ver­ne­ment et du patro­nat ne nous laisse pas le choix de regar­der pas­ser les trains en dis­cu­tant entre nous. »

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