La CGT dénonce une « recentralisation territoriale »

Par Luc Renaud

/

Image principale

Un citoyen toujours plus loin du niveau où se prennent les décisions, des collectivités et des services publics étranglés par des mécanismes mis en œuvre par le gouvernement, des agents aux conditions de travail souvent dégradées par cette recentralisation… la CGT a réuni une conférence régionale des services publics les 30 et 31 mai au Pont-de-Claix.

 

Res­ti­tu­tion des tra­vaux en ate­liers.

Le mou­ve­ment est là. Fusion des régions, nais­sance de l’Au­ra, comme Auvergne Rhône-Alpes. Média­tique dès lorsque Wau­quiez est sur le devant de l’i­mage, il l’est moins lorsque l’on quitte le devant de la scène. Et pour­tant. Le dépar­te­ment du Puy-de-Dôme comp­tait qua­rante-quatre inter­com­mu­na­li­tés en 2015, plus que qua­torze en 2018 dont la métro­pole de Cler­mont-Fer­rand. Le mou­ve­ment est bien sûr géné­ral. La métro­pole de Gre­noble compte qua­rante-neuf com­munes dont celle de Quaix-en-Char­treuse avec ses 950 habi­tants et la ville de Gre­noble qui en dénombre 164 000. C’est aus­si à l’é­che­lon com­mu­nal que la fusion est à l’œuvre. Au 1er jan­vier 2017, la com­mune d’An­ne­cy est pas­sée de 54 000 à 122 000 habi­tants : six com­munes ont don­né nais­sance à une nou­velle cité lacustre.

Mou­ve­ment de cen­tra­li­sa­tion qui n’est pas sans consé­quence pour le lien entre les citoyens et le pou­voir local. Repre­nons l’exemple d’An­ne­cy. Avant la fusion, il y avait deux cent deux élus dans les six com­munes. A l’is­sue des pro­chaines élec­tions muni­ci­pales, en 2020, le conseil muni­ci­pal d’An­ne­cy en com­por­te­ra cin­quante-neuf.

L’essence, la garderie…
Deux jour­nées de tra­vail pour finir en beau­té.

« Il y a des consé­quences pour les citoyens et leur capa­ci­té à inter­ve­nir dans les affaires de la cité, note Eric Hours, co secré­taire géné­ral avec Mali­ka Bel­kaï de la région CGT fonc­tion publique ter­ri­to­riale, mais aus­si pour les agents ». Là encore, une illus­tra­tion qui parle d’elle-même. C’est en Ardèche. Une employée de mai­rie emme­nait ses enfants à pied à l’é­cole et tra­vaillait quelques dizaines de mètres plus loin au ser­vice de la com­mune. Trans­ferts de com­pé­tences à la com­mu­nau­té de com­munes, trans­ferts de per­son­nels : elle tra­vaille aujourd’­hui à 25 kilo­mètres de son domi­cile. Gar­de­ries, essence, dégra­da­tion des condi­tions de tra­vail… un pré­ju­dice qui n’est aucu­ne­ment pris en compte.

Eric Hours, co secré­taire géné­ral de la coor­di­na­tion régio­nale CGT.

En se réunis­sant au niveau régio­nal, la CGT des agents de la fonc­tion publique ter­ri­to­riale a vou­lu abor­der l’en­semble des cas de figure. « La recen­tra­li­sa­tion va très vite, sou­ligne Mali­ka Bel­kaï, et notre volon­té est de ne lais­ser per­sonne au bord de la route, d’as­so­cier tous les syn­di­qués à notre acti­vi­té, qu’ils tra­vaillent à Aurillac, Tho­non ou dans une grande métro­pole ».

Maison des services publics : un ordinateur…

En région, trois cas de figures. Les pôles métro­po­li­tains, au nombre de cinq : Cler­mont-Fer­rand, Saint-Etienne, Lyon, Gre­noble et la péri­phé­rie fran­çaise de Genève. Le péri­ur­bain, ensuite, en terme de bas­sin de vie plus que de décou­page ins­ti­tu­tion­nel. Les zones rurales, afin. Des pro­blé­ma­tiques dif­fé­rentes, mais une constante : le recul du ser­vice public.

Les métro­poles, un nou­vel enjeu pour l’or­ga­ni­sa­tion syn­di­cale.
Les pouvoirs de la région

En zone rurale par exemple, l’é­ga­li­té des citoyens quant à l’ac­cès au ser­vice public est deve­nu un mythe. Et c’est la région qui ouvre le bal,  sous l’ap­pel­la­tion de « mai­son du ser­vice au public », dont la créa­tion et le fonc­tion­ne­ment sont une com­pé­tence de la région Auvergne Rhône-Alpes. Lorsque le tré­sor public, la poste, l’a­gence EDF, la gare… ferment, on ouvre un local dans lequel on trou­ve­ra… quel­qu’un. « Il n’y a pas de règle, le lieu peut être géré par une col­lec­ti­vi­té ou une asso­cia­tion, note Eric Hours, la carac­té­ris­tique géné­rale, c’est que l’es­sen­tiel de l’ac­ti­vi­té de l’agent qui se trouve sur place consiste à allu­mer des ordi­na­teurs et à ten­ter d’ai­der les gens à se débrouiller avec les démarches en ligne ». Avec la dif­fi­cul­té, pour un agent qui tra­vaillait dans une mai­rie, de s’y retrou­ver dans les démarches fis­cales d’un arti­san ou de don­ner un ren­sei­gne­ment pré­cis sur une indem­ni­sa­tion de la sécu­ri­té sociale. .

Mali­ka Bekaï, co secré­taire géné­rale de la coor­di­na­tion régio­nale CGT.

Dans le péri­ur­bain, le citoyen est direc­te­ment concer­né par des déci­sions prises au centre… sur les­quelles il n’a pas voix au cha­pitre, puisque sa com­mune est… péri­phé­rique, jus­te­ment. Tan­dis que les com­munes inté­grées dans les métro­poles dis­posent de moins en moins de com­pé­tences.

Mais ce n’est pas tout. La région dis­pose aujourd’­hui d’im­por­tantes com­pé­tences éco­no­miques. « Si la métro­pole de Gre­noble ‑même au niveau de la métro­pole- veut prendre des déci­sions qui sont contra­dic­toires avec le sché­ma de déve­lop­pe­ment déci­dé au niveau régio­nal, explique Eric Hours, le pré­fet de région et le pré­sident du conseil régio­nal ont le pou­voir d’im­po­ser leur déci­sion ». Une posi­tion de sujé­tion des col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales qui réduit leurs marges de manœuvre : il reste la pro­tes­ta­tion publique pour se faire entendre.

Guerre à la démocratie locale

A ces moyens coer­ci­tifs, il faut encore ajou­ter le nerf de la guerre. Le gou­ver­ne­ment a affi­ché ses ambi­tions : la dis­pa­ri­tion de 120 000 emplois de fonc­tion­naires — une manière comme une autre de lut­ter contre le chô­mage. 70 000 de ces sup­pres­sions d’emplois sont à la charge des col­lec­ti­vi­tés locales. Pour impo­ser cette sai­gnée, le gou­ver­ne­ment uti­lise une arme : la baisse des dota­tions, c’est à dire la dimi­nu­tion des rever­se­ments aux com­munes, inter­com­mu­na­li­tés, dépar­te­ments… de l’im­pôt col­lec­té par l’E­tat pour finan­cer les ser­vices publics. Avec cette année une inno­va­tion : la contrac­tua­li­sa­tion, dans un pre­mier temps pour les grandes col­lec­ti­vi­tés — quatre en Isère, la Capi, le conseil géné­ral, la métro­pole et la ville de Gre­noble. Le méca­nisme est simple : soit la hausse des dépenses de fonc­tion­ne­ment est blo­quée à moins de 1,2% et la baisse de la dota­tion n’est appli­quée qu’au trois quarts, soit la col­lec­ti­vi­té refuse de signer sa sen­tence et la baisse est appli­quée à 100%. Or, 1,2% c’est le niveau de l’in­fla­tion et cela ne tient pas compte du prix de l’es­sence, pour ne prendre que cet exemple.

Cent vingt délé­gués, repré­sen­ta­tifs de trois cents syn­di­cats, ont par­ti­ci­pé aux tra­vaux de cette pre­mière confé­rence régio­nale.
Onze mille adhérents, trois cents syndicats

La confé­rence régio­nale du syn­di­cat ne man­quait ain­si par de sujets de débats. C’é­tait une pre­mière depuis la consti­tu­tion de la grande région et les tra­vaux qui ont eu lieu au Pont-de-Claix ont mon­tré la per­ti­nence d’une inter­ven­tion syn­di­cale à cet éche­lon de la prise de déci­sion. « C’est à ce niveau se gèrent les choix stra­té­giques de déve­lop­pe­ment, d’or­ga­ni­sa­tion du ter­ri­toire », relève Mali­ka Bel­kaï. Et puis, concer­nant la défense des agents et de leur sta­tut -« le sta­tut Tho­rez, comme disent nos inter­lo­cu­teurs », sou­rit Eric Hours‑, il est impor­tant d’être là lorsque se créent des inter­com­mu­na­li­tés sur deux dépar­te­ments, voire deux régions comme c’est le cas au Sud de l’Ar­dèche. Et ça compte : 11 000 des 210 000 agents de la fonc­tion publique ter­ri­to­riale qui tra­vaillent en Auvergne Rhône Alpes sont syn­di­qués à la CGT.

Une force au ser­vice des sala­riés et des citoyens sou­cieux de démo­cra­tie locale et de vita­li­té des ser­vices publics.

Partager cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *