Mercredi 28 juin, la CGT et ses responsables devront répondre devant la justice de faits qu’ils n’ont pas commis. C’est l’objet juridique innovant que la direction de l’hôpital de Saint-Egrève souhaite présenter devant les juges. Le syndicat appelle à un rassemblement devant le palais de justice mercredi à partir de 9 heures.

 

Vingt-six mille euros, c’est la somme que la direction de l’hôpital de Saint-Egrève entend faire payer à CGT et à sa secrétaire départementale, Lynda Bensella. L’argent, c’est l’un des enjeux de l’audience qui aura lieu mercredi prochain devant le tribunal correctionnel de Grenoble. Mais pas seulement, bien loin de là.

Comment en est-on arrivé à cette assignation? Les salariés de l’hôpital sont en mouvement depuis ce printemps, pour l’amélioration des conditions de traitement des patients et de leurs conditions de travail – voir notre édition papier du mois de juin. Dans une action de ce genre, il y a toujours un ou quelques salariés de l’établissement qui se défoulent en écrivant leur rage sur un mur. La direction a donc trouvé le truc : chaque graffiti est comptabilisé, chaque drap utilisé comme calicot, chaque fleur troublée par le courant d’air d’une porte qui claque… et la note est présentée à la CGT. Parce que c’est naturellement le syndicat qui est responsable de n’importe quel acte de n’importe quel individu, pourvu que les faits poursuivis se soient déroulés pendant une période de mobilisation syndicale. Et, pour faire bonne mesure, comme la direction hospitalière pense – perspicace – que le syndicat des agents hospitaliers n’est pas riche, elle incrimine la secrétaire générale de l’union départementale CGT, à titre personnel.

Empêcher les salariés d’organiser collectivement la défense de leurs intérêts

« Tout cela dépasse largement l’hôpital de Saint-Egrève et le conflit en cours, note Lynda Bensella, ce qui est en cause, c’est le droit de créer et de faire fonctionner des syndicats dans ce pays, le droit pour les salariés de s’organiser collectivement pour faire valoir leurs intérêts ensemble ». Taper à la caisse, c’est vieux comme le monde. En trois ou quatre conflits sociaux, à 30 000 euros la grève facturée à la CGT, la question est réglée. Plus encore, si prendre des responsabilités syndicales expose à une condamnation  pour des faits auxquels on est totalement étranger puisque tout simplement absent lors de leur commission… on a vu des enthousiasmes refroidis pour moins que ça..

On dira – avec quelques raisons – que les plaignants ont perdu la mesure des choses et que l’affaire n’ira pas plus loin. Pourtant, Pierre Coquant, dirigeant de la CGT dans le Rhône, est devant la justice depuis sept ans, avec tout ce que cela implique de courage personnel, pour une action sur un péage d’autoroute à laquelle il n’était pas présent. « La tentative de remodeler le droit pour attenter aux libertés syndicales et faire du droit syndical une coquille vide, voilà ce à quoi nous sommes confrontés », constate Lynda Bensella.

Il n’en demeure pas moins que les magistrats devront se montrer créatifs s’ils souhaitent suivre l’argumentation de la direction de l’hôpital. Il faudra en effet faire entrer dans le droit la notion de responsabilité à distance de faits dont on ignore tout, d’incitation à la commission d’un délit par des personnes que l’on ne connaît pas, de condamnation pour des faits délictueux commis par un tiers inconnu sur présomption de responsabilité fondée sur l’exercice d’un mandat syndical… une variante du délit de « sale gueule », somme toute. Dans un pays où le triptyque « Liberté égalité fraternité » orne le fronton des bâtiments publics et où l’on s’enorgueillit à juste de titre de la séparation des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires.

Evidemment, la CGT appelle à la mobilisation mercredi 28 à partir de 9 heures devant le tribunal de Grenoble.

 

Luc Renaud

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