Grenoble. Laurence Ruffin propose un projet industriel de territoire

Par Luc Renaud

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Eric Hours, conseiller régional communiste ; Laurence Ruffin, candidate de la gauche à l’élection municipale de Grenoble ; et Charles Fournier, député les Ecologistes d’Indre-et-Loire.
Pourquoi et comment développer l’industrie à Grenoble et dans son agglomération ? C’était l’un des enjeux du débat organisé le 20 novembre au siège du PCF. Une rencontre riche d’analyses et de propositions, organisée dans le cadre de la campagne électorale de Laurence Ruffin.

« Je vous appelle à vous prendre en pho­to avec une bou­teille de sirop Teis­seire pour inon­der les réseaux sociaux et à ver­ser à la cagnotte en ligne de sou­tien aux sala­rié en grève de Teis­seire. » D’emblée, Lau­rence Ruf­fin, can­di­date à l’élection muni­ci­pale de Gre­noble, avait pla­cé la soi­rée de débats consa­crée à l’industrie sous le signe de la soli­da­ri­té avec les Teis­seire. Et c’est un repré­sen­tant des sala­riés en grève qui a ouvert les débats.

Teis­seire, à l’image d’une indus­trie gre­no­bloise qui se porte mal, et qui pour­tant est riche de savoir faire dans la deuxième métro­pole indus­trielle de France. Ce qu’ont tour à tour illus­tré les trois inter­ve­nants de cette soi­rée orga­ni­sée au siège du PCF à Gre­noble.

Un public venu nom­breux à des échanges qui se sont pour­sui­vis deux heures durant.

« Lorsque je suis sor­tie de l’école et que je disais que je m’intéressais à l’industrie, on me regar­dait avec des yeux ronds ; l’industrie c’était rin­gard, on me conseillait d’aller tra­vailler dans la finances », témoi­gnait Lau­rence Ruf­fin. L’époque du début des années 2000, rap­pe­lée par Charles Four­nier, de la théo­rie d’une France sans usines, tour­née vers les ser­vices et la finance. Avec comme consé­quence la dis­pa­ri­tion des uni­tés de pro­duc­tion, celle des tur­bines de Gene­ral elec­tric à Gre­noble, par exemple.

Ce choix a été celui des action­naires des grands groupes indus­triels avec leurs consé­quences en cas­cade sur le tis­su indus­triel de la sous-trai­tance. Au point que « la France est deve­nue le pays le plus dés­in­dus­tria­li­sé du G7 », rap­pe­lait Lau­rence Ruf­fin.

Stra­té­gies de déman­tè­le­ment indus­triel conduites sous le regard bien­veillant de l’État. « Lorsque l’on ren­contre un ministre de l’Industrie sur le sujet de ST Microe­lec­tro­nics, il nous répond qu’il n’y peut rien : les États fran­çais et ita­lien sont pour­tant action­naires de réfé­rence de l’entreprise ». Bien­veillance que l’on peut nom­mer com­pli­ci­té. « Les mil­lions de sub­ven­tions per­çues par Miche­lin ne sont pas rem­bour­sés alors que le groupe a fer­mé deux usines et le gou­ver­ne­ment se refuse à les récla­mer », s’indignait Eric Hours.

Lau­rence Ruf­fin, choi­sie par la gauche pour la repré­sen­ter à l’é­lec­tion muni­ci­pale de Gre­noble.

Contre­par­ties en termes sociaux et envi­ron­ne­men­taux que les trois inter­ve­nants esti­maient néces­saires, et que Lau­rence Ruf­fin pro­po­sait d’ailleurs de ren­for­cer s’agissant des aides attri­buées aux entre­prises par la métro­pole gre­no­bloise.

Autre point sou­li­gné par les trois inter­ve­nants, celui de l’indispensable inter­ven­tion de l’État, d’un état stra­tège des choix indus­triels, d’une pla­ni­fi­ca­tion aux anti­podes de l’ultralibéralisme qui sanc­ti­fie le pou­voir des action­naires. Avec des points de débat. Lorsqu’Eric Hours, pre­nant l’exemple de Ven­co­rex, pro­pose des natio­na­li­sa­tions qui peuvent être tem­po­raires pour pro­té­ger des entre­prises vitales pour l’industrie du pays, Charles Four­nier évoque « la mise sous ges­tion publique tem­po­raire ». « Cela revient à lais­ser les action­naires pro­prié­taires de l’entreprise, ces mêmes action­naires dont les choix ont conduit dans le mur », relève Eric Hours.

Aman­dine Ger­main, conseillère dépar­te­men­tale socia­liste, co-lis­tière de Lau­rence Ruf­fin, par­ti­ci­pait à la ren­contre.

Ce que pour­rait être l’intervention de l’État ? Outre la prise de contrôle directe, Lau­rence Ruf­fin citait un exemple de ce qu’il ne faut pas faire. « Lorsque nous avons pro­po­sé un plan de reprise de Dura­lex par ses sala­riés, la Banque publique d’investissement à mis sur la table une aide de 750 000 euros ; en face, il y avait un pro­jet pri­vé tra­di­tion­nel, moins favo­rable aux sala­riés et à l’entreprise, pour lequel la BPI était prête à ver­ser plu­sieurs mil­lions d’euros. » Banque publique d’investissement, direc­te­ment pla­cée sous le contrôle du gou­ver­ne­ment. Pour­tant, indi­quait Lau­rence Ruf­fin, les coopé­ra­tives sont aujourd’hui des entre­prises sta­tis­ti­que­ment plus solides que les socié­tés par action­naire…

Eric Hours, conseiller régio­nal com­mu­niste.

Favo­ri­ser les pro­jets des sala­riés – « les meilleurs experts d’une entre­prise indus­trielle, ce sont ses sala­riés », insis­tait Eric Hours qui se pro­non­çait pour des droits nou­veaux des sala­riés dans la direc­tion des entre­prises –, mais aus­si mobi­li­ser l’épargne, pro­po­sait Lau­rence Ruf­fin – « nous avons des choses à faire à ce niveau au niveau local » – ou encore taxer aux fron­tières en fonc­tion de l’impact social et envi­ron­ne­men­tal, uti­li­ser le décret Mon­te­bourg qui per­met de blo­quer des ces­sions dans des filières stra­té­giques, mobi­li­ser l’outil de la com­mande publique… comptent par­mi les pro­po­si­tions de la can­di­date à l’élection muni­ci­pale gre­no­bloise. De son côté, Charles Four­nier voit beau­coup de choses pos­sibles dans le par­tage des machines outils entre dif­fé­rentes entre­prises, l’amplification des échanges locaux, la ges­tion locale du fon­cier…

Eric Hours repre­nait la ques­tion sous l’angle régio­nal. Pour consta­ter l’ampleur de l’aide régio­nale aux entre­prises : un mil­liard sur six ans au titre du plan régio­nal d’aide à l’industrie, « plus tout le reste », des infra­struc­tures à la dépol­lu­tion des ter­rains, par exemple. Il notait que la région Auvergne-Rhône-Alpes, comme d’autres, ne craint pas de jouer la carte du dum­ping. « Que gagne l’industrie et notre pays, lorsque l’on dépense des mil­lions pour aller délo­ca­li­ser une entre­prise du Nord et la faire venir chez nous ? », s’interrogeait-il. Une pla­ni­fi­ca­tion des stra­té­gies indus­trielles, la région pour­rait y appor­ter sa pierre aux côtés de l’État, en sou­te­nant des syner­gies ter­ri­to­riales au sein d’une filière… comme le pro­pose le pro­jet Axel sur l’imagerie médi­cale, à Moi­rans, que le conseil régio­nal rechigne tou­jours à sou­te­nir.

Charles Four­nier, dépu­té éco­lo­giste d’Indre-et-Loire.

Le conseiller régio­nal com­mu­niste rap­pe­lait par ailleurs les dif­fi­cul­tés des col­lec­ti­vi­tés locales, « pillées par les gou­ver­ne­ments suc­ces­sifs, celui de Hollande ayant été le pire en la matière ». Moins de moyens, une auto­no­mie fis­cale réduite à peau de cha­grin… autant de dif­fi­cul­tés sup­plé­men­taires à pro­mou­voir des poli­tiques éco­no­miques locales.

Défi que Lau­rence Ruf­fin n’en sou­haite pas moins ten­ter de rele­ver. « C’est bien sûr une grande ques­tion natio­nale et euro­péenne, disait-elle, nous n’en avons pas moins des choses à faire pour une pla­ni­fi­ca­tion indus­trielle éco­lo­gique et sociale au niveau du ter­ri­toire. » Un « projet indus­triel de ter­ritoire », s’appuyant sur le poten­tiel de recherche pour revi­ta­li­ser des filières indus­trielles, met­tant en valeur les atouts d’une « Gre­noble belle à vivre », sou­cieuse de ses ser­vices publics et de sa qua­li­té de vie : « ce que demandent les entre­prises qui viennent s’installer, c’est d’abord un cadre de vie pour ses sala­riés, des crèches, des écoles, une vie cultu­relle ».

Une soi­rée au cours de laquelle Lau­rence Ruf­fin ne man­quait cepen­dant pas de rap­pe­ler : « on va gagner, mais à condi­tion de s’y mettre ». Ce jeu­di soir, dans la grande salle de la fédé­ra­tion du PCF, a mar­qué une étape du dyna­misme de la cam­pagne élec­to­rale de Lau­rence Ruf­fin.

La soi­rée s’est conclue par des échanges avec la salle.

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