Saint-Martin‑d’Hères. La santé pour tous avec une Sécurité sociale d’aujourd’hui
Par Luc Renaud
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Notre salaire, c’est ce qui finance la Sécurité sociale. La part comprise entre notre salaire net et notre salaire brut. Et ce que l’on appelle les « cotisations patronales » ne sort pas de la poche des chefs d’entreprise : c’est une partie de la richesse créée dans l’entreprise. Autrement dit, la Sécurité sociale est financée par le travail et elle appartient aux salariés et non à l’État.
C’est l’une des conclusions qui ressortait du débat organisé le samedi 11 octobre à Saint-Martin‑d’Hères par la Société des lectrices et lecteurs de l’Humanité. La rencontre animée par Michel Cialdella, ancien administrateur de la Sécurité sociale ; Emmanuel Borot, ancien médecin conseil de la Sécurité sociale ; et Marc Eybert-Guillon, syndicaliste CGT de la santé ; portait sur le thème « 1945–2025 la Sécurité sociale, un acquis à défendre pour notre santé et nos retraites ».

A sa création il y a 80 ans, en 1945, par le ministre communiste Ambroise Croizat, elle avait été conçue sur les bases du programme du Conseil national de la résistance avec une idée majeure : la solidarité face à la maladie et à l’âge.
Principe attaqué par la droite et le patronat depuis des décennies. Avec une volonté, le transfert aux assurances privées pour la couverture des soins et aux fonds de pension pour les retraites. Et comme moyens l’organisation de l’asphyxie du système de santé, des hôpitaux notamment, et la baisse des remboursements de sorte que la Sécurité sociale puisse être considérée comme défaillante. « Substituer à la logique collective et solidaire la logique assurantielle avec l’objectif de transférer au privé l’ensemble du système de soins », disait Emmanuel Borot. La retraite par capitalisation en est une illustration : « cela revient à jouer votre retraite en bourse », notait-il tandis que Marc Eybert Guillon précisait que « les fonds de pension qui gèrent cette capitalisation essorent des entreprises pour mettre des salariés aux chômage ; bilan : des retraites aléatoires et des entreprises liquidées ».

Un autre volet de l’attaque contre la Sécurité sociale émane des grands groupes industriels, de la pharmacie comme des dispositifs médicaux. « Nous sommes soumis aux diktats des grands laboratoires pharmaceutiques qui fixent le prix des médicaments comme des industriels qui imposent leurs matériels aux hôpitaux et aux praticiens », soulignait Marc Eybert Guillon. Ce que démontre l’expérience conduite sous l’égide du syndicat CGT de Thales, à Moirans, avec Axel, un accélérateur industriel sous statut coopératif.
Des mises en cause de la solidarité qui, si l’on peut dire, obtiennent des résultats. La mortalité infantile en France est supérieure à la moyenne des pays développées et elle est en hausse ces dernières années. L’espérance de vie en bonne santé stagne.
Une large partie du débat était également consacrée aux propositions.
Pour Michel Cialdella, il faut remettre en cause la gestion de la Sécurité sociale. « Elle nous appartient et elle doit être gérée par des représentants des salariés, par des élus sur listes syndicales. » C’était le cas à la création de la Sécu et les élections ont été supprimées par les ordonnances Jeanneney en 1967, rétablies en 1983 sous la présidence de Mitterrand puis à nouveau supprimée en 1996 par la droite et le gouvernement Juppé.

Emmanuel Borot appelle quant à lui à « une politique de santé publique dans laquelle la Sécurité sociale pourrait jouer un rôle essentiel ». Maintenir la population en bonne santé par des politiques de prévention – on pense par exemple aux Comité d’hygiène et sécurité et des conditions de travail supprimés par Emmanuel Macron – plutôt que s’en tenir à une médecine du soin, qui intervient une fois la pathologie diagnostiquée.
Marc Eybert Guillon intervient pour sa part sur la modernisation du financement. « Mettre à contribution une partie des revenus financiers permettrait de faire face à la nécessaire augmentation des dépenses de santé quand la population vieillit », constate-t-il. La perspective, aussi, c’est celle du développement des centres de santé, avec une médecine salariée et non plus rémunérée à l’acte, pour développer la prévention et aussi lutter contre les dépassements d’honoraires.

David Queiros, maire de Saint-Martin‑d’Hères et conseiller départemental est intervenu en conclusion du débat pour souligner l’engagement de la ville à faire vivre la mémoire de la création de la Sécurité sociale et des luttes pour la défendre comme un outil majeur de l’amélioration des conditions de vie des travailleurs.
Il était temps de passer à table pour un banquet républicain qui a réuni 123 convives autour d’un menu concocté maison par d’infatigables militants. Et qui s’est alangui sous les frais ombrages de l’espace Fernand Texier. Pour la bonne cause : les bénéfices de l’initiative ont été reversés à l’Humanité.
