Aux origines du Dauphiné libéré. Secrets d’histoire
Par Max Blanchard
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Au fil de ses écrits commémoratifs, la naissance du journal est racontée comme un conte de fées. « Il a donc fallu que quatre résistants de la première heure se décident à prendre les choses en main, renverser la table et le destin ». Sans dénier la filiation résistante (le Mouvement de libération nationale), l’évolution économique et politique a pour autant quelque peu pesé dans la balance. La lutte politique est hâtivement éliminée : « le DL est né pour ne pas avoir su s’entendre avec les Allobroges [seule mention de ce titre] pour un journal commun”.
C’est faire silence sur la bataille politique menée à l’encontre des communistes, sur l’existence du quotidien concurrent issu du Front national de la Résistance, les Allobroges ; de la levée des séquestres liés au journal collaborationniste Le Petit Dauphinois le 8 juin 1950, sur les soutiens financiers dont bénéficiera le DL…
Une situation qui permettra par la suite à Louis Richerot – premier gérant du DL – de déclarer en août 1950 : « Maintenant on peut le dire la tête haute, le DL est la suite logique du Petit Dauphinois. »
Rappeler
Loin de faire un historique exhaustif qui n’a pas sa place ici, il est souhaitable de rappeler la nature et la qualité de l’ouvrage de l’historien Bernard Montergnole (qui fut également adjoint socialiste échirollois et député de 1983 à 1986), La presse grenobloise de la Libération, paru en 1974 aux Presses universitaires de Grenoble. Un livre qui valut à l’auteur d’être boycotté par le DL. Mais aussi du besoin de s’y reporter avec intérêt.
Nous n’en extrairons que ces quelques lignes : « La levée du séquestre profitait bien sûr à l’ex-propriétaire [Marcel Besson, ex-directeur du Petit Dauphinois]… mais les dirigeants du Dauphiné libéré partageaient avec M. Besson le profit de cette opération : financièrement mieux assuré, il voyait s’approcher le jour où il pourrait devenir le maître des locaux qu’il occupait et apparaître comme l’héritier incontestable et presque légitime de l’empire de M. Besson… »
Une histoire oubliée ?
Oublier l’oubli
L’historien Jacques Godechot, préfacier de l’ouvrage concédait : « Le DL a fini par l’emporter, mais avec sa victoire, c’est sous un autre titre, pratiquement le Petit Dauphinois qui reparait. Ainsi tombent les espoirs et les illusions de la Libération et s’organise à Grenoble, comme dans la plupart des villes de la province française, un presse à monopole, le système du journal unique. C’est la main mise progressive d’un journal à grand tirage sur l’opinion de toute une population ».
Commentant pour sa part la sortie de l’ouvrage, Pierre Rolland dans le Travailleur alpin (8/14 juillet 1974) écrivait : « Le livre souligne parfaitement que si la route du journal de la Résistance, Les Allobroges, fut parsemé d’épines, les hommes du DL surent balayer tous les obstacles devant leur porte avec l’aide de la grosse finance et le soutien subjectif du collabo Besson ».
L’histoire est à rappeler et à méditer, et non à oublier.