ST Micro : les syndicats s’organisent à l’échelle planétaire
Par Luc Renaud
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Le réseau mondial des syndicats de ST Micro a organisé le 21 septembre des rencontres syndicales mondiales à Grenoble. Les syndicats demandent la négociation d’un accord de niveau planétaire pour garantir des droits élémentaires comme la protection de la santé dans les usines du groupe.
Le Maroc. Une usine ST Micro, à Casablanca. En 2007, les salariés créent un syndicat, les syndiqués sont licenciés. Deuxième tentative de création, nouveaux licenciements, en 2009. Le site se met alors complètement en grève et, deux jours plus tard, la direction rappelle les syndiqués pour les réintégrer. Sept ans plus tard, 85% des salariés sont syndiqués.
Ce genre d’information gagne à être connu, y compris en Europe. Tout comme la syndicalisation d’un tiers des salariés de ST Micro dans les usines malaisiennes. La circulation de l’information, c’est l’une des raisons d’être du réseau mondial des syndicats de ST (ST-TUN, STMicroelectronics Trade Union Networks) qui organisait les 21 et 22 septembre derniers des rencontres mondiales à la bourse du travail de Grenoble – la direction de ST Micro n’ayant pas autorisé les syndicalistes à entrer sur un site de l’entreprise.
Des réseaux monde, ils sont moins d’une dizaine
Le ST-TUN est l’un des rares réseaux constitués au niveau planétaire par les syndicats d’une même multinationale; il en existe moins d’une dizaine. Il a commencé à se structurer l’an dernier. L’ensemble des syndicats des sites du groupe y adhère, pour la France la CGT, la CFDT et la CFE-CGC.
ST-TUN compte à son actif une première intervention de niveau mondial. L’an dernier, les syndicats du groupe ont initié une campagne sur le thème « 0 dividendes ». « L’objectif était de marquer notre exigence d’investissements industriels et sociaux pour assurer la pérennité de l’entreprise, explique Mariano Bona, CGT ST Grenoble, cela a conduit à la création du réseau ». De fait, sous des formes diverses, des initiatives ont été prises dans de nombreuses usines du groupe, dans les pays européens, en France et en Italie, mais aussi en Malaisie, au Maroc, en Tunisie, à Singapour… sous la forme parfois de rassemblements de plusieurs centaines de salariés.
Un accord global sur des droits fondamentaux
Aujourd’hui, le réseau mondial demande la signature d’un accord global mondial pour garantir le respect des droits dans tous les sites de la multinationale. Car les problèmes sont nombreux, à commencer par celui des accidents du travail parfois mortels ou de la santé qui peut être atteinte par la manipulation de produits dangereux. Lors des rencontres de Grenoble, un syndicaliste témoignait : « nous travaillons douze heures d’affilé, nous avons des conditions de travail qui peuvent poser de graves problèmes de santé et la précarité se développe avec le recours aux sous-traitants; nous voulons les mêmes conditions de travail qu’en France ou en Italie ». Ce que demande le réseau, c’est un ensemble de garanties sur des droits fondamentaux et le respect de normes internationales : droit syndical, égalité hommes femmes, congés payés, durée du travail, protection sociale, hygiène sécurité et conditions de travail… Il demande aussi la création d’un comité de groupe mondial pour que la négociation puisse avoir lieu à ce niveau.
Pour l’heure, la direction du groupe se refuse à l’ouverture de négociations au niveau mondial. L’entreprise se retranche derrière l’existence d’un comité d’entreprise au niveau européen. « Pour eux, tout ce qui se passe en dehors des frontières européennes ne concerne pas notre réseau syndical; ils considèrent que les problèmes doivent être réglés usine par usine », note Kan Matsuzaki, l’animateur du réseau ST-TUN. Lors des discussions qui ont eu lieu à Grenoble, il a ainsi été décidé d’intensifier l’action syndicale sur deux thèmes communs : l’égalité hommes femmes et la protection de la santé au travail.
Un réseau qui se structure
Ce qui a avancé aussi, c’est la structuration du réseau. « Nous allons nous doter de moyens de communication supplémentaires, entre syndicats du réseau, mais aussi en direction du public », indique Mariano Bona. Circulation de l’information constitutive du rapport de force au sein du groupe. « Nous savons parfois mieux que la direction ce qui se passe réellement dans les sites », constate Kan Matsuzaki. Et cette communication inter syndicale mondiale permet de mieux faire face aux mises en concurrence des sites que pratique ST Micro comme toute multinationale – « on se parle et on se défend mutuellement ».
Et rien que cet échange et la définition de revendications communes à l’échelle planétaire, c’est le commencement d’un nouveau monde. « Nous sommes tous des êtres humains, nous avons tous les mêmes droits ».
Luc Renaud