Palestine. « Le combat pour la paix, contre le colonialisme et l’oppression, un combat universel »

Par Maryvonne Mathéoud

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Autour de Soheir Assad, les représentants de BDS et du MJCF, organisateurs avec l’AFPS du déplacement de l’avocate palestinienne à Grenoble.

Soheir Assad, « Palestinienne de 48 », était à Grenoble le 29 mars dernier. Elle a présenté son combat devant la presse, en présence du sénateur Guillaume Gontard, avant d’animer une conférence débat à Saint-Martin‑d’Hères.

« Je vis à Haï­fa et je n’y suis pas consi­dé­rée comme une per­sonne humaine. » Soheir Assad est avo­cate, pales­ti­nienne, et elle vit en Israël. Elle est membre de l’é­quipe de plai­doyer du Fonds Rawa, et membre du bureau de Ada­lah Jus­tice Pro­ject. Ces deux orga­ni­sa­tions déve­loppent des solu­tions éco­no­miques pour les Pales­ti­niens d’Is­raël, et leur apportent une aide juri­dique dans leurs droits, israé­lien et inter­na­tio­nal. Soheir Assad par­ti­cipe en France à une une tour­née de confé­rences orga­ni­sées par le mou­ve­ment BDS, Boy­cott, dés­in­ves­tis­se­ment, sanc­tions, qui appelle au boy­cott des pro­duits israé­liens issus de la colo­ni­sa­tion. Elle ani­mait dans ce cadre à une confé­rence débat le 29 mars à Saint-Matin‑d’Hères, orga­ni­sée orga­ni­sée par BDS France, l’AFPS (Asso­cia­tion France Pales­tine soli­da­ri­té), la Jeu­nesse com­mu­niste Isère et l’Union juive fran­çaise pour la paix (UJFP). Dis­cri­mi­na­tions au quo­ti­dien L’urgence, c’est bien sûr d’obtenir un ces­sez-le-feu à Gaza et de mettre un terme au géno­cide. Soheir Assad envi­sage cepen­dant la ques­tion pales­ti­nienne de façon plus glo­bale, en évo­quant les « oubliés de 48 », les Pales­ti­niens qui vivent aujourd’hui dans les fron­tières de l’Etat israé­lien après la Nak­ba, cette année 1948 où il ont été chas­sés de leurs terres. Car la popu­la­tion pales­ti­nienne est aujourd’hui frag­men­tée, divi­sée entre les réfu­giés à l’étranger, en Jor­da­nie ou au Liban, les Pales­ti­niens qui vivent en ter­ri­toire occu­pés, les Pales­ti­niens enfer­més depuis des décen­nies à Gaza et aujourd’hui bom­bar­dés quo­ti­dien­ne­ment, et ceux qui vivent en Israël. « Tous subissent l’oppression, dit-elle. Dans les ter­ri­toires contrô­lés par l’État israé­lien, à inté­rieur comme à l’extérieur de ses fron­tières, « cela concerne tous les aspects de la vie quo­ti­dienne, le loge­ment, l’emploi, la san­té ; la pau­vre­té qui frappe la moi­tié des Pales­ti­niens… ». Sans comp­ter les res­tric­tions de liber­tés, les déten­tions admi­nis­tra­tives… « C’est un régime d’apartheid, un tiers du ter­ri­toire de l’État israé­lien, par exemple, est inter­dit aux Pales­ti­niens. »

L’Eu­rope et les Etats-Unis assurent l’im­pu­ni­té des crimes

Soheir Assad dénonce la com­pli­ci­té de l’Europe et des Etats-Unis, des Etats qui four­nissent des armes uti­li­sées contre les Pales­ti­niens, et qui assurent l’impunité des crimes de guerre com­mis par l’État israé­lien. L’Europe et les Etats-unis sont par­tie pre­nante de « l’effort de guerre israé­lien ». « Cela va au-delà de la four­ni­ture d’armes, explique Soheir Assad, la coopé­ra­tion avec le gou­ver­ne­ment supré­ma­ciste israé­lien, ce sont aus­si les pro­grammes de recherche scien­ti­fique, les for­ma­tions croi­sées entre forces de l’ordre euro­péenne et police israé­lienne… » Face à ces réa­li­tés, Soheir Assad le dit sans détour, « dif­fi­cile d’imaginer un futur ». Pour elle, le début d’une solu­tion, ce ne serait pas la défi­ni­tion de fron­tières entre deux Etats compte tenu de la frag­men­ta­tion de la popu­la­tion pales­ti­nienne, mais la fin de l’apartheid, de la colo­ni­sa­tion et du cadre de pen­sée sio­niste, dans un Etat assu­rant la liber­té et l’égalité des droits. Un objec­tif auquel elle appelle les mili­tants de la paix à contri­buer par­tout dans le monde. « La lutte contre l’oppression, le racisme et les dis­cri­mi­na­tions, c’est un com­bat qui concerne l’humanité toute entière. »

75 ans d’oppression

Salle Gabriel Péri à Saint-Martin‑d’Hères, Oli­vier Schulz, pré­sident de BDS France, a expli­ci­té en pré­am­bule la néces­si­té de per­mettre aux Pales­ti­niens de témoi­gner. Il consta­tait tout d’abord que l’armée israé­lienne bom­barde des camps de réfi­guiés à Gaza. Le 21 octobre, le camp de Jaba­lia dans le Nord de la bande Gaza ; le 24 décembre, celui de Khan You­nès dans le Sud de la bande Gaza ; le 28 décembre, le camp de réfu­giés d’Al Magha­zi dans le centre de la bande de Gaza. « On bom­barde des camps de réfu­giés, voi­là qui n’est pas cou­rant ! », s’exclame Oli­vier Schulz. Et de s’interroger : « les jour­na­listes, dans le monde entier, se sont-ils posé la ques­tion de savoir ce qu’étaient tous ces camps à Gaza ? Huit camps de réfu­giés pales­ti­niens, 1,7 mil­lions de per­sonnes ? Nous ont-ils pré­ci­sé que les per­sonnes qui vivaient là avaient bien le sta­tut de réfu­gié ? et depuis quand ? Depuis 1948, il y a 75 ans. D’où viennent-elles ? De la Pales­tine his­to­rique, aujourd’hui ter­ri­toire d’Israël. Ces jour­na­listes nous ont-ils dit par qui elles avaient avaient été expul­sées ? Par la puis­sance qui aujourd’hui les bom­barde. » Oli­vier Schulz en tire une conclu­sion : « l’orientation poli­tique de l’information – et de la non-infor­ma­tion — déli­vrée par les grands médias donne furieu­se­ment envie de don­ner la parole aux Pales­ti­niens ! » Il conclut à l’adresse de Soheir Assad : « vous avez la parole ».
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Tom Bran­gier (MJCF), Soheir Assad et Oli­vier Schutz, BDS.

Après avoir indi­qué qu’il était dif­fi­cile de par­ler du peuple pales­ti­nien sans évo­quer la situa­tion par­ti­cu­liè­re­ment dra­ma­tique des Gazaouis, Soheir Assad fait un expo­sé sur l’historique de la guerre contre les pales­ti­niens depuis 1948. En 1948 c’est la Nak­ba, « catas­trophe » en arabe. La Nak­ba au cours de laquelle des mas­sacres ont été com­mis par les milices sio­nistes puis par l’armée d’Israël. Évè­ne­ment majeur, la Nak­ba, désigne le dépla­ce­ment for­cé de Pales­ti­niens et la des­truc­tion de 5 000 vil­lage à la créa­tion de l’Etat d’Israël en 1948 et les débuts de la la colo­ni­sa­tion. 70% des habi­tants de Gaza sont des réfu­giés de 1948. Les Pales­ti­niens qui sont res­tés dans leurs vil­lages, soit 2 mil­lions de per­sonnes, sont sou­mis à un régime mili­taire. Ils sont sur­veillés, iso­lés et ont dû prendre la natio­na­li­té israé­lienne. Avant 1948, le peuple pales­ti­nien pos­sé­dait 98 % de la Pales­tine. Après 1948, les Pales­ti­niens ne gère plus que 2 % de la terre de ce qui consti­tue le ter­ri­toire israé­lien. Les Pales­ti­niens spo­liés de leurs terres sont deve­nus ouvriers pour le compte des Israé­liens. Et four­nissent une main d’œuvre bon mar­ché aux colons.
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Tom Bran­gier (MJCF), Soheir Assad et Oli­vier Schutz, BDS.

À par­tir de 1967, le régime mili­taire est éten­du à la Cis­jor­da­nie, Jéru­sa­lem Est et à Gaza. Les bédouins (nomades) sont regrou­pés dans des vil­lages qui n’existent pas sur les cartes israé­liennes. Les Pales­ti­niens manquent de tout. Ni eau, ni élec­tri­ci­té, ni infra­struc­tures, ni écoles. Un régime d’a­par­theid ins­ti­tu­tion­na­li­sé est ins­tau­ré. « Que peuvent les orga­ni­sa­tions popu­laires pales­ti­niennes, alors que le droit inter­na­tio­nal n’est pas res­pec­té ? », inter­roge Soheir Assad. Les sou­lè­ve­ments du peuple pales­ti­nien comme la seconde inti­fa­da de 2000 qui réclame ses droits ont été répri­més dans le sang. Pour Soheir Assad, le com­bat pour mettre un terme à la guerre à Gaza, à la poli­tique raciste et à l’apartheid mis en œuvre par le gou­ver­ne­ment d’extrême droite israé­lien, s’inscrit dans la lutte géné­rale du peuple pales­ti­nien, contre le colo­nia­lisme et pour l’égalité des droits.
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